Par Elizabeth Gagné

Native de l’Estrie, Sloan Lucas n’a pas la langue dans sa poche lorsqu’il s’agit de donner son opinion sur les nombreux enjeux qui caractérisent notre époque. En effet, dans un monde où l’intelligence artificielle menace de voler nos emplois, dont celui des compositeurs et des compositrices, Sloan Lucas ne se fait pas prier pour donner son avis.
« Aucune idée originale, toujours les mêmes quatre thèmes. S’ils se font remplacer par l’AI, ça ne sera pas une grande perte. » Cette phrase, extraite du titre Sixième sens, incarne parfaitement l’attitude d’honnêteté radicale qui traverse son premier album, Dommage. Briseuse de tabous
Ne craignant pas de se faire des ennemis, la rappeuse refuse de se cloisonner derrière des tabous. Courageuse ou confrontante, Sloan Lucas brise la glace de l’industrie musicale en proposant 10 morceaux à teneur élevée en attitude, mais qui échappent au piège du moralisme. Rafraichissant, l’album sort des cadres normatifs par son audace.
On comprend très vite, dès l’introduction, qu’il ne s’agira pas d’un TED talk sur les vices de notre époque, mais plutôt d’un point de vue subjectif, à la fois offensif et moqueur, qui nous entraîne à travers les hauts et les bas de la création en solo, hors des sentiers battus.
« Cette posture solitaire, à la fois subie et assumée au début du projet, est graduellement transformée par la présence des autres, que ce soit par leur posture d’auditeurs (dans la pièce électro-pop Bons textes bon flow, composée d’extraits de commentaires du public reçus lors de son passage aux Francouvertes en 2023) ou de collaborateurs (notamment deux rappeurs invités, gabWan et Niagara Jenkins), pour culminer sur le dernier morceau, Je pense qu’on va perdre, un hymne aux combats qui semblent perdus d’avance
Louve solitaire, donc, mais pas tout à fait seule. La compositrice dans la trentaine s’est entourée d’une meute pour composer les trames instrumentales. On y retrouve GLOCE (Damien Le simon), qui a aussi enregistré et mixé le projet, mais également d’autres producteurs comme Figure8, avec qui elle avait déjà collaboré sur le single Paie ta pub en janvier dernier. Sloan Lucas est accompagnée sur scène du musicien et compositeur L’aube qui œuvre à titre de DJ, ainsi qu’Astro et Jaiseea, membres du collectif playdays et collaborateurs de Malko.
En pleine possession de ses moyens sur les rythmes à l’ancienne, parfaits pour les rimes multisyllabiques qu’elle manie avec agilité, elle s’amuse tout autant sur les ambiances plus hostiles ou les territoires plus mélodieux, comme sur Un dernier, vers d’oreille sur fond de cannabis et d’oisiveté, ou encore l’introspectif Rocky IV, morceau choisi comme focus track, et pour lequel un vidéoclip sortira en même temps que l’album.
Celui-ci, tourné à la campagne, de nuit, où elle est seule devant la caméra, vient faire contrepoint au visuel du premier extrait OH GAWD, sorti le 6 septembre dernier, qui se déroulait dans un décor urbain de jour, avec la présence de complices à l’écran.
Le concert de lancement aura lieu le 21 novembre, à L’hémisphère gauche situé à Montréal.
Crédits: Hawjin Jami

Elizabeth Gagné
Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.