Une première sherbrookoise au théâtre Léonard-St-Laurent pour Fanny 

Par Elizabeth Gagné 

La pièce Fanny, mettant en vedette Marie-Thérèse Fortin, est présentée au théâtre Léonard St-Laurent à Sherbrooke jusqu’au 26 octobre. 

Fanny, c’est une rencontre entre deux femmes, Fanny et Alice. Une rencontre entre deux générations, deux univers, deux visions du monde, deux énergies. Une rencontre comme un échange qui permettra à Fanny et Alice de s’enrichir du bagage de l’autre afin de poursuivre leur parcours respectif.  

« Fin cinquantaine, Fanny file le parfait bonheur avec son amoureux Dorian ; leur complicité est évidente, la vie est simple, douce, tranquille, peut-être un peu trop tranquille ? Pour ajouter du sens à leur quotidien, ils décident d’héberger Alice, une étudiante. Pour le couple sans enfant, c’est une occasion de redonner, d’accompagner. Mais Alice est frontale, brutale de parole, de vérité, de convictions. Ses prises de position viennent bousculer Fanny, la déstabiliser, la remettre en question… et en marche. »  

Fanny, c’est un texte écrit par Rébecca Déraspe qui réussit habilement à faire dialoguer deux générations. Tout en gardant les deux pieds sur terre, elle met en lumière des moments coutumiers de la vie auxquels nous pouvons facilement nous identifier.  

« À toi qui lis ce texte, à travers les murmures de la foule qui s’installe autour. À toi qui viens au théâtre pour la première fois ou pour la centième. Avoue-le, c’est doux “être ensemble”. Je place ici quelques mots pour te dire toute mon admiration pour cette équipe qui s’apprête à monter sur scène. Avec elles, avec eux, j’ai compris un peu mieux les silences cachés entre les répliques, les silences cachés entre les tremblements. Je veux te dire aussi toute mon admiration pour l’équipe derrière, les metteurs en scène d’une intelligence et d’une sensibilité qui résonnent partout dans le spectacle. Les conceptrices et les concepteurs qui ont su organiser l’espace, la lumière, les costumes, la musique pour que les rêves s’érigent dans un tangible magnifique. Je veux te dire mon admiration pour toi, toi qui s’assois ici avec une sorte de confiance. Merci de plonger sans savoir. D’accepter de rencontrer l’Autre. Ça me bouleverse de beau une salle de spectacle qui se remplit », évoque l’autrice, Rébecca Déraspe.   

La mise en scène est une réalisation de Marie-Hélène Gendreau, directrice artistique du Théâtre du Bic, et d’Hubert Lemire, directeur artistique du Théâtre du Double Signe. Tous deux fans de la plume de Rébecca Déraspe, ils ont joint leur expérience du Bas-Saint-Laurent et de l’Estrie afin de nous offrir une expérience drôle, réflective, mais surtout touchante. 

« Nous nous connaissions de loin depuis presque vingt ans, avec le théâtre comme point d’ancrage ; chacun dans sa ville à admirer de loin le travail et le parcourt de l’autre. Puis, presque en même temps, nos vies professionnelles se sont cristallisées : deux compagnies privilégiant la création — une au Bic, l’autre à Sherbrooke — nous ont chacune fait le cadeau de leur direction artistique. Rapidement nous nous sommes contactés. Il fallait travailler ensemble. Dès nos premières conversations, ce fut le coup de foudre : même soif de rigueur, même désir de faire de notre art une grande fête, même envie de rassembler des équipes issues de nos coins de pays respectifs. Notre affection pour la plume de Rébecca Déraspe est vite entrée dans la conversation par le truchement d’un diamant méconnu : sa pièce Fanny, encore jamais produite au Québec, qu’elle a vaillamment retravaillée pour le public d’ici. La langue de Rébecca est pleine d’esprit, d’humour, de cruauté, mais aussi d’espoir et d’amour. Et bien que sa pièce raconte un choc entre deux générations qui ne sont pas les nôtres, elle nous bouleverse, nous, quarantenaires. Serait-ce parce que notre âge nous positionne en plein milieu du champ de tir que tous les projectiles de cette joute verbale nous frôlent les oreilles, nous étourdissent et remettent en question notre propre appartenance à notre temps ? »

Une équipe de comédiens en or  

La distribution de la pièce regroupe des acteurs et des actrices de grands talents qui se complètent à merveille en offrant le meilleur de chacun. Dans le rôle de Dorian, le partenaire de Fanny, on retrouve Jacque Laroche, qui nous livre une performance touchante. On tombe vite sous son charme grâce à la manière dont il soutient et aime Fanny. Dans le rôle d’Alice, la jeune étudiante au franc-parler qui n’a pas froid aux yeux, on retrouve la talentueuse Doriane Lens-Pitt. Incarnant à merveille la jeunesse aux mille et une revendications, la comédienne nous épate par son discours cru et son zèle féministe. Si bien que l’on pourrait croire qu’il y a une part d’elle-même dans ce personnage.  

Nos poissons favoris, qui prêtent leurs talents de musiciens autant que de comédiens, nous livrent une prestation discrète, mais omniprésente tout au long de la pièce. Ils sont interprétés par la mélodieuse Alexandra Gagné Lavoie et le gratteux de guitare François Louis Laurin. Finalement, dans le rôle de Fanny on retrouve nulle autre que la brillante et talentueuse Marie-Thérèse Fortin. Elle incarne à merveille ce personnage complexe, mais si simple à la foi en nous offrant une performance unique. La comédienne s’est si bien approprié le personnage qu’il sera difficile à l’avenir de dissocier Fanny de Marie-Thérèse.  

À quoi s’attendre  

Immédiatement transportés dans le confort de la maison de Fanny, qui se prépare nerveusement à accueillir Alice avec son amoureux Dorian, on saisit très vite la complicité entre les deux amoureux. La pièce a été écrite pour nous faire rire tout en réfléchissant. La simplicité et l’authenticité derrière l’écriture de Rébecca Déraspe et le talent d’actrice de Marie-Thérèse Fortin ont créé des moments hilarants et touchants. Outre les rires, Fanny reste une pièce de théâtre qui aborde énormément de sujets qui portent à réflexion. Du vieillissement au choix d’avoir des enfants ou non, aux féminicides, aux droits à l’avortement, aux questions de genre jusqu’à la redéfinition du couple, Fanny nous fait réfléchir. Durant les 105 minutes que dure la pièce, on ne s’ennuie pas une seule fois. Fanny est présentée au théâtre Léonard St-Laurent à Sherbrooke jusqu’au 26 octobre.  


Crédits: Benoit Ouelett

Elizabeth Gagné
Cheffe de pupitre CULTURE  culture.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.  

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