Le sport féminin va-t-il enfin décoller ? 

Par Sarah Gendreau Simoneau 

*Cet article s’inscrit dans une série de textes dédiés à l’information récoltée lors du Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer, où Le Collectif était présent.  

Lors du FIJC, une conférence portait sur le sport féminin et la place accordée aux athlètes féminines dans les médias et dans le cœur des personnes partisanes.

De plus en plus, les équipes et les athlètes féminines se démarquent véritablement, notamment lors des Jeux olympiques où le nombre de médailles féminines surpasse celui remporté par des hommes. Les femmes prennent leur place dans le sport, mais leur accordons-nous toute la place et toute la couverture médiatique qu’elles méritent 

Paris 2024 a été marquant pour l’égalité des genres dans le mouvement olympique, puisque, pour la première fois dans l’histoire des Jeux, un nombre égal de places de quota était accessible pour les hommes et les femmes, faisant de ces Jeux les premiers à atteindre la parité.  

Enfin, les équipes féminines de hockey, de basketball, de rugby font parler d’elles puisqu’elles se démarquent et on observe un engouement marqué pour le sport féminin. Sans parler des joueuses de tennis qui sont regardées et commentées partout dans le monde. 

Diane Sauvé, journaliste sportive retraitée de Radio-Canada, avec Marie-José Turcotte et Chantal Machabée, fait partie de cette génération de femmes qui a bousculé le monde du journalisme sportif, alors mené par les hommes. Présente au Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer (FIJC) et panéliste dans quelques conférences, notamment celle sur le sport féminin, Mme Sauvé a bien connu l’essor du sport féminin et, surtout, le travail qui a mené les athlètes féminines à cet essor. 

« Je me rappelle encore les premiers championnats du monde de hockey féminin, ça se passait en octobre et c’était tellement marginal comme événement. Ce qui m’avait frappée et déçue à la fois, c’est de voir que les filles avaient un chandail rose. C’était comme si on perpétuait le stéréotype féminin : les filles, ça joue en rose. Ça ne peut pas être pris au sérieux. » 

Elle voit une évolution positive du hockey féminin à travers les années avec, notamment, l’établissement d’une ligue professionnelle (LPHF). « Dans presque tous les sports, on a fait beaucoup de chemin, ç’a pris du temps, ça prend encore du temps, mais on avance. Le sport féminin est en train de décoller. » 

La Victoire de Montréal, équipe de la LPHF, contient en ses rangs plusieurs joueuses qui sont des modèles pour les jeunes filles.

Plus d’espace, moins de comparaison 

L’industrie accorde plus d’espace aux athlètes féminines, que ce soit dans un objectif d’être plus inclusif ou encore peut-être pour redorer leur image. Peu importe la raison, les femmes ont pris leur place. 

Katherine Harvey-Pinard, journaliste sportive à La Presse depuis 2021, explique qu’« en ce moment, au niveau de la couverture sportive, on est en train, autant chez les joueuses, chez les organisations féminines que chez les journalistes, d’aborder la chose comme des professionnels ». Selon elle, la relation avec les joueuses est poussée vers l’encouragement au sport féminin. « Il y a donc quelque chose qui s’établit au niveau de la couverture des sports féminins. » 

La journaliste ajoute que les gens ne consomment pas beaucoup de contenu de sport féminin, contrairement au sport masculin. « Les gens y vont de façon occasionnelle, certains trippent, mais on est encore à essayer d’établir, de fidéliser peut-être ce public-là. » Elle mentionne tout de même que, pour la Victoire de Montréal, qu’elle couvre depuis les débuts de l’équipe, le public est présent et l’ambiance est très inclusive. 

Mikaël Lalancette, journaliste sportif au Soleil, est d’avis que, collectivement, la société a avancé. « Je pense qu’on a tassé un peu notre fameux réflexe de jeu de comparaisons. Avant, on comparait la force des femmes versus celle des hommes, la façon de jouer qui était différente, maintenant, on a appris à s’intéresser aux qualités de jeu. » Selon lui, il est impossible de comparer les physiques et la puissance des femmes à celles des hommes. « L’avion est en train de décoller, mais on doit encore garder notre ceinture. Je pense qu’on est encore en ascension, il reste du progrès à faire. » 

Voyons-nous assez de sport féminin 

La façon dont nous percevons le sport féminin est donc en pente ascendante, mais est-ce que les journalistes, les médias et les diffuseurs nous en parlent assez ? Est-ce que les matchs des équipes féminines sont assez diffusés à la télévision ? 

« Il y a une grosse volonté d’assurer cette couverture-là, que ce soit constant, et que ça puisse ouvrir un marché intéressant pour les spectateurs, énonce Diane Sauvé. Ça allume aussi les étincelles chez les jeunes filles, ça n’a pas de bon sens, ça leur ouvre des portes. Elles peuvent, elles aussi, rêver de se rendre là en voyant ces modèles féminins là. » 

Katherine Harvey-Pinard renchérit : « À l’Université Laval, on voit un renversement de tendance. Les volleyeuses et les joueuses de basket attirent maintenant autant, sinon plus, que leurs collègues masculins alors qu’avant c’était même pas proche. » 

La formation féminine de volley-ball de l’Université Laval suscite pratiquement autant d’intérêt auprès du public féminin que la formation masculine.

Diffuse-t-on ou couvre-t-on autant de sport féminin que de sport masculin ? La journaliste de La Presse insiste pour dire qu’« il n’y a jamais la question homme-femme » de leur côté. « On se bat pour les bonnes histoires, on y va pour la meilleure histoire possible, que ce soit un homme ou une femme. » 

Les gens remarquent que les grands réseaux ne montrent pas de sport féminin. « Il faut aller sur les plateformes spécialisées, souligne Mikaël Lalancette. Donc c’est l’argent qui entre en compte, dans le contexte des médias actuels, de grands réseaux de sport avec des propriétés sportives qui coûtent une fortune et qui ont détruit le modèle économique de plusieurs réseaux. Bell songe à se départir de ces chaînes de sport, on n’aurait jamais cru ça il y a 10 ans. » 

Selon lui, c’est cet enjeu qui doit être travaillé pour se faire voir, pour aller chercher un nouvel auditoire, pour négocier, pour permettre aux joueuses professionnelles de gagner plus que 60 000 ou 75 000 $ par année. 

Les médias ont-ils réellement un poids 

Certes, les médias sont là pour rapporter le sport, couvrir les faits saillants, trouver des histoires intéressantes, mais est-ce que les médias doivent militer pour un sport en particulier, pour le sport féminin, pour quoi que ce soit ? Non. « Ça passe un peu par les médias, mais ils ne sont pas des militants. Il faut en parler, évidemment, mais je pense que ça doit d’abord et avant tout passer par les organisations sportives. C’est une question de marketing. Il faut fidéliser les gens », développe Katherine Harvey-Pinard. 

Il faut maintenant que ça devienne une habitude pour le public de regarder du sport féminin, d’aller voir des matchs. Plus le nombre de demandes sera élevé et plus les télédiffuseurs et les organisations seront présents pour mettre en évidence ce sport, plus il y aura de spectateurs réguliers. « Si le lectorat est plus ou moins au rendez-vous pour le hockey féminin, par exemple, alors les réseaux sociaux, ça marche, selon des gens de Radio-Canada avec qui j’ai discuté, explique Diane Sauvé. Peut-être est-ce alors une des avenues où la communication se fera mieux avec le public qui se sentira plus interpellé. » 


Crédit : Sarah Gendreau Simoneau

Crédit : Louis Charland

Source : Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF)

Sarah Gendreau Simoneau
Rédactrice en chef et directrice volet production, auparavant cheffe de pupitre SPORT ET BIEN-ÊTRE at journal Le Collectif  redaction.lecollectif@USherbrooke.ca  Web   More Posts

Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.  

Elle s’efforce, avec sa curiosité légendaire, de dénicher les meilleurs sujets diversifiés pour vous! 

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