Une avancée sherbrookoise redonne espoir  

Par Frédérique Maysenhoelder 

Une équipe de recherche dirigée par la professeure Brigitte Guérin a réussi à améliorer l’accès à un traitement personnalisé contre le cancer de la prostate métastatique.

À Sherbrooke, une équipe de recherche dirigée par la professeure Brigitte Guérin a accompli ce qui semblait presque irréalisable : améliorer l’accès à un traitement personnalisé contre le cancer de la prostate métastatique, une forme de cancer particulièrement agressive et résistante aux traitements conventionnels.  

Grâce à une percée technologique et une approche collaborative inédite, cette initiative positionne l’Université de Sherbrooke comme un chef de file en médecine nucléaire au Québec et au Canada. 

Une idée née d’un besoin clinique urgent 

L’idée à l’origine du projet est née d’un échange entre collègues. « … un collègue médecin oncologiste m’a fait la demande pour avoir un traceur d’imagerie TEP pour le cancer de la prostate », explique la Pre Guérin. Le FDG qui est utilisé de façon routinière en clinique n’est pas assez sensible pour diagnostiquer tôt le cancer de la prostate. » Cette demande coïncide avec l’ouverture d’un appel à projets majeurs. « Je lui ai dit : si on veut avoir ce traceur, on applique à ce projet-là. » 

Une collaboration inédite au Québec 

Ce projet de grande envergure a rassemblé pas moins de 40 chercheurs incluant 35 cliniciens de partout au Québec. « C’est du jamais vu, affirme la chercheuse. Il y a eu une très belle collaboration des cliniciens provenant de domaines d’expertise différents. Ensemble, nous avons conçu une stratégie d’imagerie à triple traceur pour mieux comprendre la progression de la maladie et identifier les patients pouvant bénéficier d’une nouvelle forme de traitement : la radiothérapie par radio-ligand. » 

Trois objectifs pour un même but : prolonger la vie 

La recherche, menée entre 2018 et 2023, poursuivait trois objectifs principaux. D’abord, l’équipe a dû surmonter un obstacle technique majeur : la courte durée de vie du gallium-68 (⁶⁸Ga). « Il a fallu développer le procédé de production à grande échelle de ce radioisotope et obtenir les approbations de Santé Canada pour utiliser les traceurs de ⁶⁸Ga », précise la Pre Guérin. Ensuite, il fallait réaliser l’étude d’imagerie à triple traceur – combinant deux traceurs au ⁶⁸Ga au FDG – afin de cartographier les métastases dans tout le corps, une alternative bien plus précise que la biopsie. Le troisième objectif était d’identifier les patients éligibles à la thérapie par radio-ligands, des composés identiques aux traceurs, mais le 68Ga est remplacé par le lutétium-177. 

Grâce à leur technologie brevetée, les chercheurs ont pu produire les traceurs de ⁶⁸Ga à Sherbrooke et le distribuer à Québec et à Montréal, ce qui a permis d’imager 98 patients. Les résultats sont parlants : 83 % des patients présentaient des métastases hétérogènes, associées à une survie plus courte. Malgré cela, environ 50 % d’entre eux étaient éligibles à la thérapie par radio-ligand, et 30 % ont pu recevoir ce traitement expérimental, prolongeant significativement leur espérance de vie. 

Une lumière tournée vers la technologie… et les patients 

« La lumière est mise sur nous parce qu’on a mis la lumière sur la technologie qui a été développée », souligne la chercheuse. Aujourd’hui, bien que les traceurs de 68Ga ne soient pas encore homologués, ils sont utilisés de manière routinière au CIUSSS de l’Estrie CHUS. L’équipe clinique image plus de 1 000 patients chaque année. 

Toutefois, l’accès au traitement n’est pas encore équitable partout. « Santé Canada a approuvé les deux traitements avec radio-ligand, mais ils ne sont pas encore remboursés au Québec », déplore la Pre Guérin. « Ils le sont en Ontario, en Alberta, et en Nouvelle-Écosse. Ce sont des décisions ministérielles. »  

La suite : vers une médecine toujours plus personnalisée 

Malgré les obstacles, la chercheuse reste confiante. « Il y a encore des études cliniques en cours. On peut demander des autorisations spéciales à Santé Canada pour traiter les patients, même si le remboursement n’est pas encore pris en charge par le système de santé au Québec. Les cliniciens trouvent des solutions. » 

Alors que des patients de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse se déplacent parfois à Sherbrooke pour bénéficier de l’imagerie des traceurs au 68Ga, la Pre Guérin voit loin. « Ce que l’on veut, c’est que si 50 % des 11 % de patients atteints de cancer de la prostate métastatique qui décèdent chaque année puissent survivre grâce à ce traitement; ce serait une réussite. » 

À propos de la professeure Brigitte Guérin 

La Pre Brigitte Guérin est une figure incontournable de la médecine nucléaire au Canada. Titulaire de la Chaire Jeanne et Jean-Louis Lévesque de radiobiologie, elle est professeure-chercheuse au Département des sciences de l’imagerie médicale et des radiations de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Elle est également active à l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS), à l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS) ainsi qu’au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS). 

Elle dirige le Centre d’excellence en imagerie médicale de l’Université de Sherbrooke (CIMUS) et occupe aussi le poste de codirectrice de l’axe Imagerie médicale du CRCHUS. Son travail rigoureux, sa vision novatrice et sa capacité à rassembler des expertises complémentaires font d’elle une cheffe de file dans le développement de solutions thérapeutiques de pointe. 


Source : Université de Sherbrooke

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