Par Rebecca Gauthier
Au courant des trois dernières années, bien que l’accès à l’interruption de grossesse (IG) aux États-Unis soit devenu incertain et à géométrie variable, il s’est aussi adapté. Il existe différentes méthodes pour procéder à un IG, dont une méthode par pilule. Plus de la moitié des IG réalisées chaque année aux États-Unis le sont avec les pilules abortives. Ces pilules comprennent deux médicaments, soit la mifépristone et le misoprostol, et ne sont pas la « pilule du lendemain ». Elles sont utilisées pour les grossesses de moins de 10 semaines et se font, à la maison, en deux étapes sur deux jours.
Avant la pandémie, les pilules abortives ne pouvaient être remises qu’en main propre dans des centres dédiés, dont les cliniques d’avortements. Avec les restrictions sanitaires liées à la pandémie, l’Agence américaine des médicaments (FDA) a autorisé temporairement l’envoi par la poste des médicaments pour les personnes ayant eu des consultations en télémédecine. En décembre 2021, la FDA a rendu cette procédure permanente. Elle a également demandé aux deux fabricants pharmaceutiques de mettre en place des mesures permettant une plus grande distribution et, par le fait même, une meilleure disponibilité.
Ce changement dans la pratique a rendu possible l’accès aux pilules abortives avant qu’il y ait une grossesse. Certains services, dont Aid Access, un organisme permettant aux personnes enceintes ou non de se procurer facilement ces pilules via la téléconsultation, ont pu répondre aux besoins dans ce contexte particulier.
Le contre-mouvement
Quelques mois plus tard, en juin 2022, la Cour Suprême des États-Unis invalidait l’arrêt Roe c. Wade qui garantissait depuis 1973 le droit à l’avortement partout au pays. Ce droit n’étant pas protégé dans la Constitution, chaque État légifère depuis, sans contrainte, l’accès à ce soin en l’interdisant, le limitant ou en l’autorisant. Par exemple, le Texas interdit l’avortement, sauf si la personne enceinte est en danger de mort ou à risque de grave handicap, tandis que la Californie l’autorise jusqu’à ce que le fœtus soit viable. Ces changements poussent celles désirant une IG à avoir recours à des méthodes alternatives. Elles doivent aussi faire face à l’incertitude quant à leur capacité à se procurer les médicaments à temps.
Une lettre parue en début d’année dans la revue médicale JAMA Internal Medicine établit d’ailleurs le lien entre la décision de la Cour Suprême et le nombre de pilules abortives envoyées par la poste. En utilisant les données de l’organisme Aid Access, les chercheurs ont pu établir qu’en période de grande incertitude, avant un changement législatif à l’échelle nationale par exemple, la demande hebdomadaire moyenne se multiplie jusqu’à neuf fois dans certains États plus conservateurs. Cela démontre que devant des facteurs impondérables, les femmes vivant dans des zones où l’accès et le droit à obtenir ce soin de santé sont fragilisés se sont procuré par précaution les pilules abortives.
Il sera également possible sous peu de se procurer ces pilules abortives en pharmacie. Il suffira d’avoir une prescription d’un professionnel de la santé certifié.
Source: Maudits Français