Le vrai, la vérité

Avant qu’il ne parte vivre de l’autre côté de l’Atlantique, il lui a dit : « Non seulement je ne t’aime plus, mais je pense que je ne t’ai jamais vraiment aimée. »

Par Vanessa Racine

C’est ce qu’il lui a dit après trois ans de vie commune. Trois ans à se réveiller à côté d’elle. La présenter à sa famille. Emménager avec elle. « Je ne t’ai jamais aimée. » Pourtant, il lui avait fait miroiter l’avenir plusieurs fois.

Dans notre société moderne, c’est justement ce manque de vérité qui nous entoure qui me fait peur. Que ce manque de vérité puisse nous suivre jusque dans notre lit! Ça prend peut-être un bon moment se remettre d’un chagrin d’amour, mais toute une vie se remettre d’une fraude.

C’est la faute de la société

La société dicte notre façon de penser et nous suivons la foule. Nos dirigeants nous endorment à grands coups de discours somnifères pour mieux nous faire passer des décisions qui avantagent les entreprises plutôt que les intérêts de la population. Ces politiciens ne pensent qu’à remporter des élections et à ce qu’ils devraient dire ou faire pour arriver à leurs fins. À se demander quelle coupe de cheveux parait le mieux à l’écran pour avoir l’air crédible. De toute façon, en politique, on ne pense qu’à court terme et ça tombe bien, le peuple aussi. On veut tout, tout de suite, dans un sac à emporter. Et quand c’est la victoire, on ne tient plus les promesses.

Sommes-nous à ce point rendus si individualistes et influencés par la société capitaliste que nous en sommes à emprunter les comportements des politiciens ou des compagnies pour arriver à nos fins? Mais où se trouve donc la vérité quand même nos rapports humains calquent les principes de la loi du marché?

C’est la faute de la consommation

Ensuite, il y a les fameuses compagnies qui nous créent de nouveaux besoins, de nouveaux produits qu’on doit acheter à tout prix, et qui finissent par nous briser dans les mains. On en est rendus à posséder un lave-vaisselle qui est programmé pour s’autodétruire au bout de cinq ans. Et le pire, c’est qu’on le sait. On a juste à taper « obsolescence » sur Google pour se rendre compte qu’on est entourés d’objets qui n’attendent qu’à arrêter de fonctionner au moment où on s’y attend le moins. Et on achète quand même. Parce que dans la publicité, ils disaient que c’était LE meilleur lave-vaisselle. Qu’il allait laver notre vaisselle plus vite et qu’en plus, il était beau avec ses multifonctions! Et il restera quoi de tout ça après cinq ans?

Entre deux pubs, deux placements de produits, deux chroniques, 150 commanditaires, que reste-t-il de vrai dans notre télé? Une télé qui sert à divertir, à informer, mais qui maintenant n’est que prétexte à faire acheter?

C’est la faute de nos relations

Et dans nos relations humaines, entre le gars qui nous « approche » dans un 4 à 7 parce qu’il nous trouve soudainement assez jolie pour nous toucher en public; entre nos amis qui nous aiment pour ce que l’on offre. Ces amis qui aiment plus notre piscine que notre présence. Ces amis qui nous tapent dans le dos, mais qui font des clins d’œil à notre femme ou à notre mari, et qui ne seront jamais là le jour où nous nous retrouverons à l’hôpital.

Dans un monde où on ne sait plus qui dit vrai parce que tout le monde court et déploie tous les efforts du monde pour ses propres intérêts, peut-on au moins espérer s’endormir dans les bras de quelqu’un qui nous aime pour vrai?

Car dans cette marre de désinformation, de fausse qualité, de bonheur préfabriqué, de fausses amitiés, de produits et d’objets qui me brisent dans les mains, il ne me reste qu’à rêver. Rêver que ceux qui m’aiment m’aiment pour vrai.

Et si on ne me laisse même plus rêver d’amour, qu’on me laisse au moins rêver de vérité.

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