Le mythe de la sorcière

Par Martine Dallaire

L’image de la sorcière, ce personnage récurrent de l’imaginaire moderne à travers les contes, films et déguisements, varie selon les cultures. Associée à sa capacité à voler sur un balai et aux sabbats dans le monde occidental, la sorcière est vue par certains comme un chaman capable de communiquer avec les morts et les puissances de la nature, en plus de jeter des sorts.

La chasse aux sorcières : une pratique émanant du clergé

Rares dans la Bible et condamnées par Moïse, les sorcières furent répudiées par le clergé, qui leur attribuait des liens sataniques et les accusait de pratiquer la magie noire. Généralement décrites comme hideuses, elles furent l’objet d’une chasse systématique où plus de 60 000 femmes périrent, et ce, jusqu’au XVIIsiècle en Europe et en Nouvelle-Angleterre.

Le clergé, à l’époque dominant et d’esprit misogyne, s’en prenait aux femmes non mariées, athées et vivant marginalement. Le Salem du XVIIe siècle est d’ailleurs un bon exemple de la paranoïa collective de l’époque. Un passage de l’ouvrage La Corriveau : entre mythe et réalité de l’auteure Marie Fradette, témoigne de ce délire général : « En quelques semaines, les accusations se multiplient et des dizaines de femmes sont emprisonnées […] Paralysés par la frayeur que leur inspirent les sorcières, les habitants de Salem se terrent chez eux et sortent le moins possible ».

Quelques sorcières célèbres

Parmi les nombreuses femmes reconnues coupables de sorcellerie, citons la Parisienne Catherine Deshayes, dite La Voisin, célèbre pour ses tisanes empoisonnées dont les femmes mal mariées se servaient pour se libérer des liens conjugaux. Elle fut brûlée vive, en février 1680, à 40 ans. On dit que dans un délire, elle aurait ensorcelé Bridget Bishop, une collectionneuse de maris, tous décédés étrangement. Bishop fut elle aussi exécutée en juin 1692 devant plusieurs jeunes filles pour qu’elles voient le sort qui les attendait si elles pratiquaient la sorcellerie.

Plus près de nous au Québec, Marie-Josephte Corriveau reste, à bien des égards, une sorcière pour les uns, mais une empoisonneuse pour les autres. La mince frontière entre la fiction et la réalité a contribué à bâtir cette légende connue sous le nom de « La Corriveau ». Née en 1733 à Saint-Vallier, elle fut pendue à Québec en 1763, coupable d’avoir tué son mari. Près de 100 ans après sa mort, en 1850, on aurait découvert la cage dans laquelle elle aurait été exécutée. Son histoire a enrichi l’imaginaire collectif québécois.

La sorcière et le féminisme

Durant les années soixante, la sorcière devient un symbole de quelques courants féministes. Le 31 octobre 1968, le mouvement new-yorkais Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell (WITCH) naît. Les militantes, vêtues de capes noires, dansent en scandant des chants berbères. Plusieurs autres groupes féministes des années 1970 imitèrent le mouvement. La sorcière devient une figure de revendication et d’émancipation contre la domination masculine. Puisque les premières chasses aux sorcières visaient souvent les guérisseuses ou avorteuses, c’est naturellement que la sorcière devint un emblème du droit à l’avortement. Malgré tout, la sorcière est aujourd’hui un symbole d’âgisme et d’inégalité face à la peur de vieillir, qui touche principalement les femmes, le qualificatif de sorcière visant surtout les dames d’un certain âge.

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