L’ambiguïté des efforts internationaux en Ukraine 

Par Jacob Desrosiers 

Depuis plus de trois semaines, la Russie et l’Ukraine sont impliquées dans un conflit militaire, résultant d’une montée graduelle des tensions entre les deux États limitrophes depuis la chute de l’URSS. Si Vladimir Poutine s’attendait à un scénario similaire à celui de la Crimée en 2014, soit à une invasion sans réelle opposition de la part de l’Ukraine ou de la communauté internationale en général, il a plutôt été déstabilisé par une résistance ukrainienne largement plus importante qu’initialement prévu.  

Dès les premiers jours du conflit, les troupes russes ont de la difficulté à effectuer des avancées significatives à un rythme constant en sol ukrainien. Dans ce combat à la David contre Goliath, à défaut de ne pas être une puissance militaire comme la Russie, l’Ukraine bénéficie d’un élément spécifique l’avantageant sur son adversaire : le soutien de la communauté internationale sous toutes sortes de formes, mais pas par l’envoi de troupes.  

Alors que le Kremlin tente activement d’obtenir du soutien de la part de la Chine, compte tenu de son statut de puissance militaire, il devient légitime de se poser les questions suivantes : pourquoi aucun soutien militaire direct n’est-il envoyé à Kiev? À quel point la présente stratégie utilisée par la communauté internationale est-elle efficace en matière de dissuasion contre Moscou? Qu’est-ce que le Canada peut faire, en vertu de son statut à l’international, pour s’impliquer et faire une différence au sein du conflit?  

La question épineuse du soutien militaire  

La question de l’envoi de troupes militaires pour soutenir un État allié en guerre constitue un enjeu en soi. À la base, envoyer un ensemble de soldats sur le terrain signifie que l’on entre en guerre avec l’autre camp impliqué et que l’on est prêt à composer avec tous les coûts liés à la guerre, autant en matière de vies humaines que de matériel. Sun Tzu, dans L’Art de la guerre, l’a d’ailleurs bien démontré : la guerre, c’est coûteux. Ainsi, mandater les troupes vers un champ de bataille n’est pas une décision à prendre à la légère. Elle doit être étudiée attentivement afin de déterminer s’il serait dans les intérêts fondamentaux de l’État d’y aller de l’avant. 

Dans le présent contexte, il n’est pas rare de voir des personnalités médiatiques diverses invoquer l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en se demandant pourquoi cet acteur refuse de s’impliquer dans le conflit. Après tout, Kiev entretient des liens avec l’OTAN depuis longtemps. La raison pour laquelle elle ne s’est toujours pas impliquée militairement est de nature législative. Deux éléments sont nécessaires afin que l’intervention soit vue comme licite en droit international : qu’un État membre ait été la cible d’une offensive militaire revendiquée par un autre État et/ou que l’intervention soit formellement approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les conditions n’étant pas remplies, l’OTAN n’a pas encore de motif valable pour s’impliquer dans le présent conflit. 

La question ukrainienne est particulière, puisque le Kremlin a déclaré au tout début de la guerre que quiconque s’impliquant directement dans le conflit aux côtés de Kiev en subirait assurément les conséquences. Ces mots prennent encore plus d’importance lorsqu’ils proviennent d’un État disposant de l’arme nucléaire. La communauté internationale est donc confrontée à un dilemme. En assistant l’Ukraine militairement, on risque de faire en sorte que le conflit dégringole en évoluant d’un conflit entre deux États à un conflit à grande échelle.  

Efficacité de la présente stratégie  

Afin de venir en aide à l’Ukraine sans toutefois envoyer des troupes sur le terrain, la communauté internationale s’est tournée vers le principal nerf de la guerre : l’argent. Plus précisément, pour convaincre Moscou de renoncer à ses ambitions territoriales, la communauté internationale s’est rapidement mobilisée pour tenter de priver la Russie de tous revenus du commerce international, l’isolant complètement du reste du monde. Le principe est simple : pour mener une guerre, il faut d’abord et avant tout avoir l’argent, surtout lorsque la campagne militaire dure plus longtemps que prévu.  

Cette initiative s’est avérée efficace en provoquant une importante chute de la valeur du rouble russe. De plus, étant dans l’incapacité d’exporter ses produits, la Russie se retrouve dans une situation compromettante alors qu’elle n’a presque plus de revenu du commerce international. Pendant ce temps, l’Ukraine est soutenue grâce à des subventions économiques et l’envoi de matériel militaire.  

La stratégie est-elle donc efficace? Pour le moment, oui. En effet, comme mentionné plus haut, la Russie est privée d’une importante source de revenus, ce qui vient compliquer la tenue de son offensive militaire à long terme. Cela pose un problème, puisque l’Ukraine fournit une riposte beaucoup plus forte qu’initialement supposée. Résultat : le conflit s’éternise, sans qu’on ait l’argent pour l’alimenter. Vladimir Poutine est conscient de cette réalité, ce qui peut expliquer les raisons de son dernier pivot vers la Chine. Cependant, si l’Empire du Milieu décide de soutenir la Russie et de s’impliquer directement sur le champ de bataille, la stratégie sera peut-être à revoir. 

Et le Canada, dans tout ça?  

Finalement, face à tout cela, on peut se demander ce que le Canada, à l’international, peut faire pour s’impliquer et faire une différence. A priori, il s’agit d’une question plutôt complexe, car le Canada n’est pas assez puissant pour influer sur de tels enjeux au même niveau que la Chine ou les É-U par exemple. Par conséquent, le Canada peut continuer de maintenir son soutien à l’Ukraine tel qu’il le fait présentement et conserver ses sanctions contre la Russie malgré les menaces de représailles du Kremlin. Pour le moment, cela semble être la meilleure chose à faire en vertu de la situation.  


Crédit image @ Gayatri Malhotrajpg

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