La différence entre l’enfant d’un an qu’un parent implore de ne pas « toucher le rond du poêle parce que c’est chaud » et l’adulte à qui l’on demande de « porter le masque en public » est de plus en plus difficile à établir. Les anti-masques accusent ceux qui obtempèrent d’être des « moutons ». Parce qu’apparemment, en 2020, plus quelqu’un est propre et socialement conscient, plus il est assimilé par le gouvernement. Petite réflexion sur les règles d’hygiène de base.
Par Véronik Lamoureux
Le 13 juillet dernier, la nouvelle faisait les manchettes : le port du masque serait maintenant obligatoire dès le 18 juillet dans les lieux publics fermés. Bien entendu, à la suite de cette nouvelle fracassante, plusieurs citoyens ont trouvé bon de manifester pour préserver la liberté de leur face : après les sœurs cloitrées, voici venus l’an 2020 et les mentons séquestrés. Un mouvement plus expirant qu’inspirant qui a permis de mettre en images plusieurs des principes de la sélection naturelle de Darwin.
Cependant, dans 30 ans d’ici, ces vigoureux manifestants pourront être fiers d’avoir activement protesté contre la santé publique alors que des milliers de débats sérieux gisaient sur une table trop souvent délaissée. Après tout, entre le racisme systémique, la violence faite aux femmes, l’homophobie et la planète qui est en train de s’autodétruire, il est certain que la cause à appuyer actuellement est sans aucun doute la liberté de nos visages en temps de pandémie mondiale.
Après des décennies de lingettes St-Hubert utilisées dans le plus grand des consentements, le citoyen s’emporte. Qu’à cela ne tienne, pourquoi profiter des avancées médicales, des équipes de prévention des infections, du savoir scientifique ? Revenons aux valeurs sûres comme le « schnaps » aux pêches comme désinfectant ou l’application d’eau de javel pure sur la jambe gangréneuse. En 2020, tout chirurgien devrait avoir la liberté d’opérer son patient en mangeant une « Snickers » au-dessus de son septième pontage de la journée.
Trouble de l’opposition généralisé
Dans l’autobus, un homme tient un café Tim Horton au rebord tout mâchouillé. Sur son visage, un masque jetable (jadis bleu) qui n’a visiblement jamais été jeté comme prévu. Dans la lumière du jour, un observateur aguerri peut distinguer un amas de fils tirés formant une petite « moumoute d’usé à corde » qui frétille à chacune des expirations du sujet. Masque le jour, jouet pour les chatons le soir. Comme si la situation n’était pas déjà assez alarmante, le sujet, soudainement victime d’une toux sauvage, soulève son masque afin de tousser plus librement. Parce que le masque, c’est obstruant.
De l’autre côté de l’allée, un monsieur avec un masque apposé sur le menton. En tendant l’oreille, l’auditeur attentif peut s’abreuver de sa théorie selon laquelle « il n’a pas b’soin du masque parce qu’y parle pas ». Ben non, y parle pas.
Provenant de l’arrière de l’engin, une délicieuse odeur de panini. Deux jeunes filles mangent allègrement en jacassant, le masque pendouillant à l’une de leurs oreilles.
Avaler sa bave et autres problèmes sous-jacents
Il est toujours pertinent de se demander ce qui est le plus énergivore dans une situation. Est-ce la situation elle-même ou la réaction de la population à la situation ? Est-ce la pandémie mondiale ou la réaction des gens à la pandémie mondiale qui suce toute l’énergie vitale des gens qui tiennent à la vie ? Quand l’argument le plus médiatisé pour convaincre la population de l’injustice que constitue le port du masque est « j’veux pas être oubligé d’envaler ma bave »…
Il y a tout de même du vrai dans les propos des anti-masques : la liberté, ça n’a pas de prix. Mais à plusieurs moments dans l’histoire, l’humain a dû se battre et faire des sacrifices pour l’obtenir. La liberté et la maladie n’ont jamais rimé dans un poème et il y a une bonne raison pour cela.
Afin de s’en sortir, il importe de voir le masque non pas comme une entrave à sa liberté, mais plutôt comme un outil pour la récupérer.