Autodérision : bouclier ou arme?

Par Émilie Lalonde

Le secondaire, ce milieu sauvage où il faut réussir à faire sa place, représente une étape cruciale dans la vie du futur adulte. C’est la période où le caractère est formé, où il est plus aisé de s’affirmer. C’est aussi le temps où les taquineries entre camarades sont de plus en plus insistantes. Dans cette jungle, est-ce que rire de soi-même devient un bouclier ou une arme?

Bouclier

L’autodérision représente parfois une façon de se protéger contre le mépris cruel des autres. Avouer ses petits défauts grâce à des blagues nous permet de contrôler les commentaires mesquins des camarades de classe. Toutefois, il ne faut pas se faire écraser par notre bouclier. L’autodérision ne devrait pas devenir une excuse pour se laisser marcher sur les pieds. J’ai sondé de futurs enseignants au secondaire et voici ce qu’ils avaient à me dire sur la question.

 « Je pense que c’est très bien qu’un élève puisse rire de lui-même si ça ne devient pas une habitude ou un mécanisme de défense. »

– Marie-Pier

« Je crois que si l’autodérision prend une trop grande place, c’est qu’il y a anguille sous roche et que l’élève tente de cacher un manque d’estime de lui-même. Alors, il faut tenter de contenir son autodérision pour comprendre ses limites. »

– Ariane

« Ça peut être un couteau à double tranchant dans le cas où un élève se ferait intimider et qu’il se servirait de sa propre autodérision pour entrer dans le jeu de ses intimidateurs. Ça pourrait avoir un effet inverse dans ce cas-là, parce que la personne a besoin de se sentir valorisée. »

– Charles

Arme

Avec le bon dosage, l’autodérision représente une façon de prendre le contrôle de soi. C’est la capacité de reconnaître que tout n’est pas parfait, mais que ce n’est pas négatif pour autant. À travers ses domaines généraux de formation, l’école québécoise encourage d’ailleurs les élèves à s’affirmer et à prendre conscience de leurs limites. Rire de soi figure comme un moyen de progression.

« L’autodérision, c’est savoir se connaître, savoir rire de soi, c’est donc un beau lien de confiance envers soi-même et une belle démonstration de sa connaissance personnelle et de ses limites. »

 – Kelly-Anne

« L’autodérision fait en sorte que l’élève est maintenant capable de comprendre le «je» par rapport à «l’autre». C’est surtout ce qu’on essaie de travailler chez les élèves de la première année du secondaire. Lorsque l’élève est en mesure de rire de lui-même, c’est qu’il est aussi capable de donner ses bons coups. Et, après tout, de nous voir nous-mêmes dans l’univers fait partie des phases du développement de l’adolescence. »

– Ariane

« Je suis d’avis que c’est super important d’apprendre aux jeunes à être capable de ne pas se prendre trop au sérieux. Je trouve que dans le cadre d’un cours d’art dramatique par exemple, ça leur permet de sortir de l’apparence (chose qui prend beaucoup de place à l’adolescence) et de s’épanouir. »

– Charles

Maîtres de la jungle

Les maîtres de la jungle, ce sont les professeurs. C’est grâce à eux si les élèves réussissent à manier à la fois l’arme et le bouclier. Ils leur permettent d’explorer sans gêne et de découvrir leurs limites. Depuis quelque temps, un peu trop longtemps, ces professeurs affrontent les violentes intempéries de cette jungle. Ils tiennent tout de même le cap, car le développement des élèves est leur priorité. Nous devrions les aider à se sortir indemnes de cette épreuve.


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