Une loi antigaspi, pourquoi pas ? 

Par Sarah Gendreau Simoneau 

Est-ce que le Canada pourrait se doter d’une loi antigaspillage alimentaire comme la France le fait depuis neuf ans ? 

Au Canada, les épiceries et grands détaillants essaient tant bien que mal de limiter le gaspillage alimentaire en formant, par exemple, des partenariats avec des banques alimentaires ou autres organismes. En France, une loi interdit aux chaînes d’alimentation de jeter de la nourriture encore comestible, et ce, depuis 2016.  

Serait-ce viable ici de mettre en place une telle loi ? Est-ce vraiment efficace ?  

Modèle français 

En 2016, la loi Garot en France a fait son apparition, interdisant la destruction des invendus encore consommables. Elle encadre également le don aux associations d’aide alimentaire, hiérarchise les actions de lutte contre le gaspillage, et inclut ce combat dans l’éducation à l’alimentation dispensée à l’école et dans le préscolaire.  

Ensuite, la loi EGalim, instaurée en 2018, assure un équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire ainsi qu’une alimentation saine, durable et accessible à tous. En 2020, la loi AGEC entre en vigueur. Cette loi vise à lutter contre le gaspillage et à promouvoir l’économie circulaire. Puis, en 2021, la loi Climat et Résilience, qui oblige les dons des invendus pour les grands opérateurs de l’agroalimentaire et de la restauration collective, renforce les dispositifs en place. 

Depuis presque une décennie, la France soutient donc le développement d’outils dans les territoires pour que la réduction du gaspillage alimentaire revête une dimension concrète, au quotidien. 

Ces lois s’appliquent aux épiceries de plus de 400 m2. 

Les commerçants s’efforcent de rendre attrayants les produits approchant la date de péremption en les vendant à rabais ou en les donnant à des organismes de bienfaisance. Ils constataient qu’ils jetaient beaucoup trop de nourriture encore bonne à la consommation, mais un peu défraîchie.  

Christine Deleurence, responsable antigaspillage de l’hypermarché Leclerc, en France, explique que maintenant, les rayons antigaspi sont placés à l’entrée du magasin, ce qui attire plus l’œil. « Les clients adorent ça ». 

À Templeuve-en-Pévèle, près de Lille, en France, Thomas Pocher est le directeur d’un hypermarché Leclerc. Il explique à l’émission L’épicerie que « la zone antigaspi n’est plus un coin un peu sombre et un peu délaissé du magasin. Ça fait partie des “must have” qu’on a dans le commerce aujourd’hui et c’est important de le proposer ». 

Cette loi était la toute première de ce genre en France, mais également dans le monde, concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire. De là en a découlé toute une série d’actions antigaspi. 

Au Canada, plus de 1,3 million de tonnes de nourriture sont gaspillées en épicerie chaque année et pourraient être distribuées aux personnes dans le besoin. En France, c’est la moitié moins. De plus, avec cette loi et les autres qui ont suivi, le pays s’est donné l’objectif de réduire le gaspillage de moitié d’ici 2030. Ce qui est ambitieux.  

Thomas Pocher est d’avis que « nous sommes tous un peu acteurs et qu’il faut qu’on sorte du déni — les industriels, les commerçants et les consommateurs — sur le fait que, oui, on génère un peu de gâchis et, oui, on peut en améliorer l’impact ».  

Au Leclerc de Templeuve-en-Pévèle, 90 % des invendus sont désormais valorisés. Et de 30 % à 40 % de ces invendus sont automatiquement donnés à des associations. 

Ce que la loi dit, c’est qu’elle prévoit soutenir les commerçants qui donnent aux organismes. Ça représente une économie de 30 % à 40 %. « C’est une bonne pratique pour tout le monde. Les besoins en aide alimentaire ont augmenté de presque 200 % depuis 15 ans », mentionne M. Pocher. 

Des limites, mais une prise de conscience 

Là où la loi n’agit pas, c’est auprès des petits commerces, en bas de 400 m2. Aussi, les amendes ne sont pas énormes : un peu plus de 5 000 $ par établissement. Pour les grandes chaînes, ce n’est pas beaucoup. Et puis, il demeure difficile de démasquer les contrevenants. 

Pour Thomas Pocher, la loi a cependant eu son effet, car tous les grands détaillants ont embarqué dans la mise en valeur des zones antigaspillage et les dons aux associations. 

La France a même créé, en 2023, afin d’être plus transparent, un label qui indique à la clientèle que son épicier fait les meilleurs efforts pour ne plus gaspiller, rapporte Radio-Canada. 

Le directeur de l’hypermarché Leclerc affirme que cette loi a obligé les commerçants à ouvrir les yeux, à prendre des initiatives qui touchent toute la chaîne alimentaire. 

« Je vous souhaite qu’au Canada il y ait aussi des acteurs, restaurateurs, commerçants ou autres, qui s’approprient les choses en disant : mais évidemment, c’est ce qu’on a toujours ressenti et c’est ce qu’il faut qu’on fasse au quotidien », mentionne-t-il à L’épicerie

Ce qui est fait ici 

Le gaspillage alimentaire représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre au Canada, ce qui dépasse largement les émissions totales du secteur aérien. Tandis que des tonnes de nourriture sont envoyées dans les décharges, on estime que 828 millions de personnes souffrent de la faim chaque jour dans le monde… Et tout ça, comme si ce n’était pas assez, engendre des coûts de 1,2 milliard de dollars par an. 

En attendant l’adoption d’une loi pour contribuer à diminuer ces chiffres désastreux, il existe plusieurs applications permettant de réduire le gaspillage alimentaire. Ces outils permettent aux consommateurs et consommatrices de prendre part au mouvement du zéro déchet en économisant de l’argent en achetant au rabais des aliments encore bons à la consommation. Nommons, entre autres, FoodHero, Too Good To Go, FlashFood, mais plusieurs autres existent.  

Aussi, des organismes se sont spécialisés dans la récupération, la transformation et la redistribution des surplus alimentaires. On en compte de plus en plus un peu partout au Québec, comme La Transformerie, Nourrir ensemble, Improove.  


Source : Foerster

Sarah Gendreau Simoneau
Rédactrice en chef et directrice volet production, auparavant cheffe de pupitre SPORT ET BIEN-ÊTRE at journal Le Collectif  redaction.lecollectif@USherbrooke.ca  Web   More Posts

Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.  

Elle s’efforce, avec sa curiosité légendaire, de dénicher les meilleurs sujets diversifiés pour vous! 

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