Par Sarah Gendreau Simoneau

Combien paieriez-vous pour donner une bonne qualité de vie à votre animal de compagnie ou pour le sauver s’il était malade ? Jusqu’où est la limite ? Est-ce qu’on se fait avoir par les entreprises vétérinaires pour les médicaments et les soins pour nos chats et nos chiens?
Je suis tombée sur des reportages de La Facture et d’Enquête, à Radio-Canada, concernant les coûts faramineux pour soigner nos compagnons poilus. Comme mes chats font partie de ma famille, de même que les chiens et les chats de mes parents, je me suis sentie interpellée par les questions posées à travers les enquêtes journalistiques menées par Annie Hudon-Friceau. Peut-être est-ce mon hypersensibilité face à la cause animale, mais je suis outrée de constater que certaines pratiques des entreprises de ce milieu banalisent les coûts ou la profession vétérinaire. Au point où des gens doivent abandonner ou faire euthanasier leurs animaux parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’en occuper adéquatement. Ou encore, que certains vétérinaires n’aient d’autre choix que de vendre leur entreprise ou de quitter le milieu.
Coûts des médicaments trop élevés
Tout d’abord, à La Facture, la journaliste abordait la question des coûts des médicaments pour soigner les animaux. Saviez-vous qu’on peut trouver des médicaments pour animaux en pharmacie et que ceux-ci coûtent souvent moins cher que ceux vendus en clinique vétérinaire? Personnellement, je ne savais pas. Les vétérinaires ne divulguent pas vraiment cette information, comme s’ils ne donnaient pas le choix aux consommateurs d’acheter chez eux les médicaments prescrits par… eux-mêmes.
Jean Lafleur, pharmacien à la retraite, a analysé le coût des molécules des médicaments et a fait la comparaison entre ceux des cliniques vétérinaires et ceux des pharmacies : il en coûte parfois presque deux fois plus cher de s’approvisionner directement à la clinique.
Selon Jacques Nantel, expert en marketing, le consommateur se fait avoir. « On ne sait pas qu’on peut avoir chez notre pharmacien un dossier pour notre animal. »
Les données recueillies par les journalistes rapportent qu’il y aurait une différence d’environ 36 % en moyenne entre la pharmacie et le vétérinaire.
Gaston Rioux, président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, spécifie que « les médecins vétérinaires sont des entreprises privées, donc ce sont eux qui ajustent leurs prix. Ceux-ci ne sont pas encadrés par l’Ordre ».
Selon Eve-Lyne Bouchard, présidente de l’Association des médecins vétérinaires du Québec en pratique des petits animaux, le prix du médicament couvre beaucoup plus que la molécule. « On charge nos médicaments pour que ce soit rentable à l’établissement pour couvrir nos suivis par le personnel. »
Selon Wendy Chui, pharmacienne propriétaire chez Pets Drug Mart, « les vétérinaires devraient être plus transparents concernant le coût des médicaments qu’ils vendent. Il existe une autre option. Il y a là un conflit d’intérêts. C’est un privilège qu’ils ont de prescrire et de vendre. Évidemment, il y a des responsabilités, comme faire la justification des coûts, pour qu’il n’y ait pas d’abus ».
Cependant, les médicaments pour animaux sont de plus en plus difficiles d’accès auprès des pharmaciens parce que les entreprises pharmaceutiques ont des ententes avec les distributeurs, ce qui crée une difficulté d’approvisionnement.
Frais vétérinaires élevés, abandons en hausse
Lors de l’émission Enquête du 23 janvier dernier, le sujet des frais vétérinaires élevés a été abordé, notamment en ce qui a trait aux multinationales qui achètent les petites entreprises indépendantes.
Au Canada, environ 60 % des gens possèdent au moins un chat ou un chien. Quand les gens ne sont plus capables d’assumer les frais pour soigner adéquatement leur animal, ils les abandonnent. Les refuges débordent. Laurence Massé, directrice de la SPCA de Montréal, affirme n’avoir jamais vu ça. « La situation est préoccupante parce que, chaque année, la hausse est pire. » En 2024, la SPCA de Montréal a recueilli près de 8 000 animaux de compagnie. C’est une hausse de 8 % en un an seulement. Et derrière presque tous les abandons se cache une raison financière.
Pourquoi des frais si élevés?
De nombreuses cliniques vétérinaires ont été rachetées au cours des dernières années. Beaucoup de petites entreprises indépendantes sont maintenant regroupées sous de grandes enseignes. Ces dernières achètent les cliniques vétérinaires et tirent profit de leur réputation dans la communauté.
Les recherches démontrent que beaucoup de gens sont prêts à s’endetter pour leurs compagnons à quatre pattes et ça, le secteur financier le sait et en profite. Plusieurs vétérinaires expriment leur mécontentement.
Les grandes compagnies assurent aux équipes que rien ne changera, finalement tout change. Les valeurs changent, la gestion change, les objectifs de rendement changent. On voit beaucoup d’augmentation des tarifs aussi. Certains vétérinaires déplorent des hausses de 15, 20 ou 30 %, en quelques mois seulement. En réalité, l’augmentation des tarifs tourne en moyenne autour de 80 % selon les observations des journalistes.
« C’est une réalité qu’on conteste et ça nous préoccupe beaucoup, l’accessibilité aux soins vétérinaires », explique M. Rioux de l’Ordre des vétérinaires du Québec.
Cette situation n’est pas unique au Québec. Partout dans le monde, on note une hausse des coûts à cause des cliniques vétérinaires détenues par des multinationales, comme c’est le cas au Royaume-Uni, où les cliniques sont détenues à 60 % !
Les pressions financières pèsent lourd sur les propriétaires d’animaux de compagnie. C’est important que les services soient équitables et accessibles à toutes les personnes qui en ont besoin.
En plus des coûts exorbitants pour les consommateurs, c’est la façon de travailler des vétérinaires qui en est changée. C’est devenu un travail à la chaîne, selon certains vétérinaires questionnés dans le reportage. En réalité, ce n’est que pour réaliser un chiffre d’affaires. L’animal n’est plus qu’un numéro, et, par le fait même, le vétérinaire aussi. C’est une vision comptable de la profession qui est en train de prendre le dessus. Leur but ? Rentabiliser au maximum les pratiques et avoir des indicateurs de performance.
Source : Royal Canin