Une histoire à dormir debout : le Musée national de l’histoire du Québec 

Par Elizabeth Gagné  

Le Musée national de l’histoire sera aménagé dans le pavillon Camille Roy du Séminaire de Québec.  

Depuis que le premier ministre François Legault a annoncé la création d’un nouveau musée national d’histoire du Québec, le projet a fait face à de nombreuses questions et critiques, principalement en raison de sa localisation, de son architecture, de son financement et des enjeux liés à la préservation du patrimoine historique. Il y a environ deux semaines, le gouvernement Legault a annoncé la nomination de l’ex -maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, pour diriger le nouveau projet. Cette nouvelle engendre à nouveau des questionnements concernant le choix d’un ex-politicien comme directeur de Musée national d’histoire du Québec.  

À la lumière de cette annonce, l’objectif réel de ce projet est remis en question. Notons que le Québec a attendu depuis plus de quarante ans l’annonce d’un nouveau musée. En tant qu’étudiante à la maîtrise en histoire, j’étais excitée d’apprendre cette nouvelle. Mais mon enthousiasme a vite fait place aux craintes. Quelle histoire nationale du Québec allons-nous exposer dans ce musée ? Une histoire fondée sur le mythe de l’exceptionnalisme québécois et sur l’innocence raciale ou une histoire rectifiée mettant à l’avant-plan ceux qu’on a effacés ? Pour comprendre la situation dans son entièreté, voici un résumé des principales préoccupations exprimées jusqu’à maintenant concernant le projet.  

Problèmes d’architecture et d’intégration au patrimoine 

L’un des principaux sujets de critique porte sur l’architecture du musée et son intégration dans le cadre historique du Vieux-Québec. Le projet prévoit la construction d’un nouveau bâtiment sur le site de l’ancien Hôtel de la Banque de Montréal, un bâtiment de style néoclassique. Certains estiment que l’architecture moderne du futur musée risquerait de dénaturer l’harmonie visuelle du quartier historique. La crainte est que le design contemporain ne soit pas en phase avec les codes architecturaux de la vieille ville, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. 

Coût et financement du projet 

Un autre point d’achoppement majeur est le coût du projet. Bien que les estimations varient, la facture totale pour la construction et la mise en place du musée pourrait atteindre des centaines de millions de dollars. Certains critiquent l’investissement public dans un projet d’envergure alors que d’autres priorités, comme les infrastructures ou les services sociaux, pourraient, selon eux, mériter plus d’attention. 

Perturbations dans le quartier 

L’emplacement du musée, au cœur du Vieux-Québec, pourrait entraîner des perturbations considérables pendant la période de construction et au moment de l’ouverture. Ces préoccupations concernent surtout les commerçants, les résidents et les visiteurs, qui redoutent des nuisances liées aux travaux, à l’augmentation du trafic touristique et à un potentiel embourgeoisement du quartier. 

Le musée comme «délocalisation» de l’histoire locale 

Certains historiens et militants du patrimoine soulignent que la création d’un Musée national d’histoire pourrait déconnecter l’histoire du Québec de ses racines locales. Plutôt que de valoriser l’histoire immédiate et populaire des quartiers de la ville, certains pensent que le musée risque de prendre une approche plus générique, voire institutionnelle, à propos de l’histoire nationale, ce qui pourrait diluer les spécificités de la ville de Québec et de ses habitants. 

Concurrence avec d’autres institutions culturelles 

Il y a également des critiques selon lesquelles l’ouverture d’un grand musée à Québec pourrait concurrencer ou cannibaliser d’autres institutions culturelles et musées déjà établis dans la région, comme le Musée de l’Amérique francophone, le Musée de l’Université Laval, ou encore les musées du Vieux-Port de Québec.  

Ces critiques soulignent des préoccupations légitimes concernant l’impact sur l’urbanisme, l’architecture, la gestion des fonds publics et les priorités locales. Mais quand est-il du contenu ? Plusieurs historiens ont soulevé la question et les propos ignorants du premier ministre Legault selon qui « il est important de commencer au tout début avec Champlain » ne viennent qu’attiser les craintes. Bien que les collègues de M. Pedneaud-Jobin à La Presse le décrivent comme étant un « passionné d’histoire », il est légitime de se demander si cela est suffisant pour diriger un musée d’histoire nationale.  

Maxime Pedneaud-Jobin a-t-il ce qu’il faut ?  

En octobre 2024, Maxime Pedneaud-Jobin a été nommé à la direction du futur Musée national d’histoire. L’annonce a été faite par le ministère de la Culture et des Communications du Québec, qui a souligné l’importance de cette nomination dans le cadre du développement du musée. Pedneaud-Jobin succède ainsi à une direction par intérim, assurée pendant un certain temps par des membres de l’administration du projet. La nomination de M. Pedneaud-Jobin est perçue comme une étape clé dans le processus de création et de gestion de cette institution culturelle. Durant sa carrière politique municipale, il a eu l’opportunité de travailler sur des projets d’envergure dans une grande ville du Québec, ce qui lui a donné une expérience précieuse en matière de gestion de projets complexes, de financement, et de coordination entre différents acteurs publics et privés. Le maire sortant de Gatineau est également perçu comme un défenseur des valeurs progressistes, avec un engagement notable pour les arts et la culture, ce qui est en ligne avec la mission du futur musée qui vise à refléter la diversité de l’histoire et des communautés du Québec. Le fait qu’il ait été impliqué dans des projets culturels locaux lui confère une légitimité dans la direction d’un musée.  

Cependant, il reste à savoir si M. Pedneaud-Jobin possède les connaissances spécifiques en histoire, en muséologie ou en gestion des collections culturelles nécessaires pour occuper un tel poste. Il sera plus qu’essentiel pour M. Pedneaud-Jobin de s’entourer d’une équipe qualifiée pour pallier son manque d’expertise. Il importe davantage d’ouvrir un dialogue avec la communauté historienne, Afro-Québécoise et Autochtone afin de présenter une histoire globale. Il est plus que temps pour le Québec de rectifier le tir.   

Pour l’instant le grand défi à venir est de créer une vision claire pour le musée. Il devra non seulement offrir une présentation de l’histoire du Québec sous un angle moderne et inclusif, mais aussi répondre aux attentes du public local tout en attirant les touristes. Il ne reste plus qu’à espérer que Maxime Pedneaud-Jobin serait à la hauteur des attentes.  


Source: Tony Salle des Promotions Séminaire de Quebec

Elizabeth Gagné
Cheffe de pupitre CULTURE | + posts

Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.  

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