La fin de la Société Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke ? 

Par Elizabeth Gagné 

Photos provenant des fonds de La Tribune montrant les premières femmes membres de la SSJB à Sherbrooke  

Le 30 octobre dernier, Le Collectif a reçu un courriel de la part de la Société nationale de l’Estrie (SNE) concernant la dissolution de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Sherbrooke. Dans la lettre, on apprend que le 23 octobre dernier, une assemblée générale extraordinaire (AGE) de la SSJB du diocèse de Sherbrooke a eu lieu. L’ordre du jour prévoyait, en coup de théâtre, la liquidation des actifs de l’organisme ainsi que la ratification du transfert du fonds d’assurances à la compagnie Humania.  

Les membres de l’assemblée considèrent cette dernière illégitime puisqu’elle n’a pas respecté les règlements internes de la SSJB et que l’assemblée a été convoquée de manière irrégulière. Au cours de cette assemblée, certains membres liés à la SSJB et à la SNE ont tenté de proposer la fusion de ces deux organismes. Selon eux, lorsqu’ils ont tenté d’exprimer leur volonté de préserver le patrimoine institutionnel et communautaire que représente la SSJB, ils se sont vus « vivement rejetés du revers de la main, prétextant des arguments boiteux qui ne justifient en rien la dissolution de cet organisme ». 

Des recours au tribunal nécessaire  

Selon les membres liés aux deux organismes, il semblerait que les propositions de transfert des assurances et de dissolution ont été entérinées de manière illégale. Ces derniers ont donc entamé des procédures judiciaires pour, dans un premier temps, « empêcher les administrateurs et administratrices de la SSJB d’exécuter à court terme les décisions prises par l’AGE » et également pour « demander un pourvoi en contrôle judiciaire et la nomination d’un administrateur ou d’une administratrice provisoire. » De plus, il semblerait que « plusieurs irrégularités de procédure ont été constatées, rendant hautement questionnable la validité même de cette assemblée ».  

Toujours selon le communiqué, ce scénario était prévisible. Ce dernier mentionne que « la démocratie organisationnelle de la Société Saint-Jean-Baptiste est hautement discutable et aux prises avec de sérieux problèmes de fonctionnement depuis des années ». Selon les membres, cela fait sept ans qu’ils « ne sont pas conviés aux assemblées générales annuelles (AGA) et que les administrateurs et administratrices en poste se maintiennent et se reconduisent eux-mêmes dans leurs fonctions, sans daigner organiser d’élection ni se donner la peine de faire régulièrement reddition de comptes de leurs activités auprès des membres ». De plus, il semblerait qu’en 2017, sous l’invitation de la présidente Mme Boucher, la SSJB avait recruté près de 525 personnes désireuses de devenir membres, mais que « sans fondements légaux, le conseil d’administration de la SSJB du moment avait rejeté l’ensemble de ces candidatures ». 

Prêt à tout pour sauver la SSJB 

Pour toutes ces raisons donc, les membres expliquent qu’ils n’ont eu d’autre choix que de faire appel au tribunal. « Nous sommes prêts à tout pour sauver cet organisme mythique faisant partie du patrimoine de la région depuis plus de 165 ans. Non seulement la SSJB a pris la décision de se saborder alors que d’autres avenues étaient disponibles, mais au surplus, elle a par ailleurs choisi de distribuer ses actifs à des institutions qui ont peu ou pas de lien direct avec sa mission (alors que la loi exige une telle dévolution uniquement à des organismes aux missions analogues). La SNE, en tant qu’organisme jumeau, a proposé des solutions pour éviter la dissolution, mais les administrateurs et administratrices ont fait la sourde oreille. Considérant que les décisions et la tenue de cette assemblée étaient selon nous illégitimes, nous avons décidé d’aller de l’avant avec des procédures judiciaires qui, nous l’espérons, redonneront vie à la SSJB du diocèse de Sherbrooke », ajoute Etienne-Alexis Boucher, membre de l’organisme depuis 2017 et directeur général de la SNE.  

En terminant, le communiqué a tenu à rappeler que « la Société Saint-Jean-Baptiste est une organisation historique au Québec, créée en 1834, qui se consacre à la défense de la culture et de la langue française au Québec » et qu’elle a joué « un rôle important dans le mouvement nationaliste québécois, en particulier en ce qui concerne la promotion de la langue et la lutte pour les droits des francophones ». 

Histoire de la SSJB à Sherbrooke 

Selon l’encyclopédie canadienne, la Société Saint-Jean-Baptiste, fondée à Montréal en 1834 par Ludger Duvernay, est la plus ancienne association patriotique en Amérique française. Présente pendant un moment sur l’ensemble du continent, elle est partie prenante dans les luttes linguistiques et identitaires des francophones d’Amérique. Le Musée d’histoire de Sherbrooke a publié une chronique intitulée La fin d’une ère : 160 ans d’histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke.  

On y apprend qu’à Sherbrooke, dans les années 1850 à 1870, plusieurs associations patriotiques à caractère identitaire voient le jour. C’est le cas de la SSJB qui a été fondée en 1858 ou encore la St-George’s Society en 1861 et la St-Patrick’s Society en 1873. Parmi ces associations, seule la SSJB a su perdurer jusqu’à maintenant. Les débuts de la SSJB ont été difficiles, notamment à cause de la minorité des Canadiens français jusque dans les années 1870. D’ailleurs, l’élite canadienne-française ne s’impliquait que très peu au début.  

À Sherbrooke, en plus de la défense de la langue et des valeurs catholiques, la SSJB vise l’entraide entre francophones. Elle s’impliquera également dans la colonisation des francophones dans les Cantons-de-l’Est. En 1969, la SSJB de Sherbrooke quitte définitivement la Fédération à cause de la question nationale. Elle se positionne dans un axe « d’un Québec fort dans un Canada uni ». La SSJB continuera à tendre vers des positions plus fédéralistes. Elle a été « un acteur incontournable sur plusieurs enjeux de société : le nom de la région, la création d’un salon du livre, la fondation de l’Université de Sherbrooke, la toponymie locale, la défense de la langue française, la favorisation de l’économie locale, etc. » Pour plus de détail concernant l’histoire de la SSJB à Sherbrooke, tu peux consulter la chronique du Mhist. 


Source: MHIST

Elizabeth Gagné
Cheffe de pupitre CULTURE  culture.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.  

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