Par Alexandre Leclerc

La 97e cérémonie des Oscars se déroulera le dimanche 2 mars prochain. Ceux et celles qui suivent de près cette course aux allures de campagne électorale ont vu les quelques controverses venues affecter certains favoris de la compétition.
Nous nous sommes penchés sur quelques faits saillants pour essayer d’anticiper qui sortira gagnant – ou perdant – de ce prestigieux gala.
Tour d’horizon des nominations
À l’annonce des nominations, qui s’est déroulée le 23 janvier dernier (après deux reports en raison des incendies à Los Angeles), c’est le film polémique Emilia Pérez qui menait le bal avec 13 nominations, brisant du même coup le record de nominations pour un film international. Fort de quatre Golden Globes décrochés début janvier (dont ceux du meilleur film, comédie ou musical), le nouveau long métrage du Français Jacques Audiard (Un prophète) avait le vent dans les voiles, malgré sa proposition singulière. Ce film, à mi-chemin entre la comédie musicale et le film de gangsters, suit un caïd mexicain qui veut changer de sexe, et qui demande l’aide d’une jeune avocate (Zoe Saldana) pour parvenir à ses fins.
Emilia Pérez venait du même coup menacer les chances de The Brutalist, jusqu’alors favori pour remporter les grands honneurs. Ce long métrage épique de Brady Corbet (Vox Lux) qui s’intéresse à un architecte hongrois qui émigre aux États-Unis, avait en effet sur papier tout pour plaire à l’Académie : des excellentes performances d’Adrien Brody, Guy Pierce et Felicity Jones, une trame sonore mémorable, des décors époustouflants et une direction artistique sans faille. Fort de 10 nominations, tout annonçait une chaude lutte entre ces deux films, et ce, malgré les nombreuses nominations de Wicked (10), A Complete Unknown (8), Conclave (8) et Anora (6). Toutefois, des controverses sont venues miner les chances de ces deux productions, ce qui fait que tout est désormais possible dans la course vers l’Oscar du meilleur film.
De l’intolérance et de l’intelligence artificielle
Parlons d’abord de la controverse entourant Emilia Pérez, et, plus spécifiquement, l’actrice trans qui interprète le rôle-titre. Ce n’est évidemment pas une surprise que la nomination de Karla Sofía Gascón ait fait un tollé auprès de l’aile plus conservatrice des membres de l’Académie ; elle est devenue la première femme trans à être en nomination dans une catégorie d’interprétation. Toutefois, l’actrice espagnole a vu ses chances s’envoler lorsque de vieux gazouillis (tweets) controversés ont refait surface, notamment sur les populations arabes en Espagne et sur la mort de George Floyd.
Depuis, Jacques Audiard et Zoe Saldana se sont dissociés des propos de l’actrice, et Netflix, distributeur du film, a décidé de cesser toute campagne promotionnelle envers l’actrice, allant même jusqu’à ne plus couvrir les frais de sa présence à la cérémonie. Gascón s’est depuis excusée et s’est retirée des réseaux sociaux, mais le mal était déjà fait. Malgré tout, cette controverse ne devrait pas affecter sa possible obtention de l’Oscar du meilleur film international, ni celui de la meilleure actrice de soutien.
Presque simultanément, The Brutalist a été frappé de plein fouet par des enjeux entourant l’usage de l’intelligence artificielle dans sa production. D’abord utilisée en pré-production pour générer des idées de décors de style brutaliste, on s’en serait également servi en post-production pour polir les accents d’Adrien Brody et Felicity Jones, qui ont tous deux des répliques en hongrois. Cela a amené, avec raison, le débat sur l’intelligence artificielle au cinéma, et plus globalement sur son utilisation pour altérer le jeu d’un acteur ou d’une actrice. Le réalisateur Brady Corbet a tenté tant bien que mal de se défendre en expliquant que celle-ci n’est pas perceptible, mais si l’Académie oscarise un tel film, cela pourrait causer un précédent qu’elle ne souhaite probablement pas.
Les autres cérémonies comme baromètre
Toutes ces controverses sont arrivées après la cérémonie des Golden Globes, mais avant toutes celles qui culminent vers les Oscars. En ce sens, on sent déjà les effets de cette mauvaise presse, alors que ces deux films ont été pour la plupart exclus des prix majeurs. Aux Critics Choice Awards, c’est le film Anora de Sean Baker (plus récent gagnant de la Palme d’Or à Cannes) qui est reparti avec le titre du meilleur film. À cette même cérémonie, Jon M. Chu, qui a réalisé Wicked, a remporté le prix de la meilleure réalisation. Brody (meilleur acteur), Saldana (meilleure actrice de soutien) et Emilia Pérez (meilleur film international) sont toutefois parvenus à remporter des prix malgré tout.
Aux Directors Guild Awards, Sean Baker (Anora) a cette fois remporté le prix de la meilleure réalisation, et son film a également remporté la plus haute distinction aux Producers Guild Awards quelques jours plus tard. Le changement de paradigme semble donc bien présent, ce qui fait qu’Anora pourrait bien causer la surprise aux Oscars.
Les deux dernières cérémonies majeures avant les Oscars seront donc intéressantes, quoiqu’elles pourraient n’aider en rien à la prédictibilité des gagnants. Les BAFTAs (l’équivalent britannique des Oscars) récompenseront fort probablement Conclave, seule production anglaise parmi les nominations majeures aux Oscars, et les Spirit Awards, qui récompensent les productions indépendantes, sacreront fort probablement Anora. Toutefois, comme cette cérémonie se déroule la veille des Oscars, elle n’aura que peu d’impact sur les membres votants.
Et les autres catégories dans tout ça?
L’année 2024 fut assez forte en termes de cinéma de qualité, mais il ne devrait pas y avoir d’énormes surprises à prévoir dans les autres catégories. Dune : Part 2, de Denis Villeneuve, et Wicked devraient se partager quelques Oscars techniques (meilleur son, meilleurs décors, meilleurs costumes, etc.), tandis que Kieran Culkin (A Real Pain) et Conclave remporteront vraisemblablement les catégories meilleur acteur de soutien et meilleur scénario adapté, respectivement.
C’est peut-être du côté du cinéma d’animation que la dernière surprise pourrait survenir. Alors que The Wild Robot semblait favori dans la catégorie, voilà que le film letton Flow s’est vu remettre quelques prix d’envergure, dont un Golden Globe. Ce sera une course à deux dans cette catégorie, tout comme pour le prix d’interprétation féminine, qui ira soit à Demi Moore (The Substance, favorite pour l’instant) ou Fernanda Torres (I’m Still Here).
Source : Getty Images
