Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu? : ouverture d’esprit et fermeture du rideau

Par Daniel Gaumond

Indignation, malaise et rire aux larmes, c’est ce qu’ont vécu les spectateurs de la pièce Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?, adaptation du film du réalisateur français Philippe Chauveron en pièce de théâtre par Emmanuel Reinchenbach. En tournée au Québec du 7 juillet au 2 décembre 2017, la pièce représente la 56e mise en scène de madame Filiatrault, directrice artistique du Théâtre du Rideau Vert depuis 2004, qui connait une carrière dans le domaine depuis près de 70 ans. Pleins feux sur un régal théâtral qui a su charmer le public le 22 novembre dernier au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke.

Débutée aux alentours de 20 h à la salle Maurice-O’Bready, la pièce d’environ deux heures met en scène la famille Bouchard dont les parents, joués par Rémy Girard et Micheline Bernard, tentent de jongler entre leurs préjugés et les choix amoureux de leurs quatre filles. En effet, les trois premières sont mariées à un Juif, un Arabe et un Asiatique : un beau festin culturel qui entre en collision avec les traditions du terroir des parents. L’ultime espoir de ces derniers, fiers Québécois qui se disent « ouverts, mais pas trop », réside dans leur quatrième fille, célibataire, qui peut encore sauver la mise en leur ramenant un gendre « normal ». Hélas! Elle tombe amoureuse et décide d’épouser un homme noir qui est, le comble, un comédien de théâtre français! Qu’ont-ils fait au Bon Dieu, ces chers catholiques, pour mériter tout ça? C’est dans une approche humoristique, forte en ironie et en autodérision, que la pièce explore le thème de la différence, de la tolérance et de l’ouverture d’esprit à travers ce mélange multiculturel. Mais comme le dit si bien le père : « À force de s’ouvrir, on finit par déchirer. » Et c’est ce qui arrive à cette famille…

Caricatures, stéréotypes et obscénités, tout le monde y passe : les Noirs, tous des voleurs, les Juifs, accros à l’argent, les Asiatiques, au petit engin reproducteur, les Arabes, terroristes polygames, les femmes, hystériques sensibles, sans oublier le fameux Québécois moyen qui n’est « pas raciste, mais… ». C’est avec audace et provocation que la pièce traite de sujets tabous, sensibles et même vulgaires au sein de cette famille dysfonctionnelle. Dans un jeu franc, expressif et naturel, les acteurs s’échangent des répliques cinglantes quant à leurs différences, de façon à choquer et à divertir le public dans la salle. Rappelant un peu la série Les Bougon dans laquelle Rémy Girard tient aussi le rôle principal, la pièce de théâtre dénonce, à l’aide de la caricature, les préjugés et les conceptions erronées à l’égard des ethnies, des orientations sexuelles, des religions et même des cultures.

Quelque peu cacophonique parfois en raison du nombre élevé de personnages sur scène et du rythme rapide, voire précipité de l’intrigue, la pièce reste néanmoins un chef-d’œuvre par l’humour qui la caractérise, par les décors époustouflants qui sont présentés, par le jeu impeccable des acteurs, mais surtout par l’intention derrière toute la mise en scène qui rappelle que peu importe qui nous sommes, nous possédons chacun des préjugés à l’égard des autres, et nous restons tous des êtres humains qui ne demandons qu’à être aimer…


Crédit Photo © Théâtre du Rideau Vert

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