Parcours migratoires : de l’Afrique à Sherbrooke 

Par Elizabeth Gagné 

De gauche à droite sont assis Perle Aurore, Ismael Camara, professeur Patrick Dramé ainsi qu’Arel Berthier. 

Durant la 11e édition de la Semaine sherbrookoise des rencontres interculturelles, qui s’est déroulée du 8 au 17 novembre, plus d’une trentaine d’activités ont été organisées afin de promouvoir le dialogue et le rapprochement interculturel entre les Sherbrookoises et Sherbrookois de toutes origines. L’Université de Sherbrooke n’a pas fait exception.  

Dans le cadre d’un cours donné par la professeure Stéphanie Lanthier, les étudiants et moi-même avons eu la chance d’entendre le parcours migratoire de trois étudiants et étudiantes de l’Université de Sherbrooke. Empreint de courage, de persévérance et de détermination, leurs témoignages m’ont profondément touché et j’espère également qu’ils vous toucheront.  

Perle Aurore Fama Sana 

Perle Aurore Fama Sana termine son certificat en études féministes et des genres ainsi qu’un baccalauréat multidisciplinaire. Aurore est née au Burkina Faso. De prime abord, elle se décrit comme une personne qui rit de tout et de rien. Elle est arrivée au Canada il y a cinq ans.  

« Il faut passer par l’immigration pour prendre le permis d’étude. On te demande pourquoi tu es là, bien que ce soit assez évident que je viens pour étudier. » Déjà un premier choc culturel. « À l’aéroport, il y a l’agent de l’immigration qui me parlait. J’étais comme OK, est-ce que vous pouvez parler un peu plus lentement monsieur? Je m’excuse. Puis, il y avait aussi le fait de vouvoyer les gens. Déjà, moi, je prends en général l’Afrique, c’est crucial de vouvoyer les personnes plus âgées. Puis l’agent m’a dit : ah non, faut que tu me tutoies parce que c’est un peu insultant de me vouvoyer. » 

L’intégration à l’université n’a pas été évidente. « Ici, c’était totalement différent. Par exemple, le plagiat a une connotation différente. Dans mon pays, c’est vraiment quand tu copies sur ton voisin qui est juste à côté. Pour un travail que tu dois rendre au professeur, ça n’existe pas chez moi. Tu peux copier-coller des trucs sur Internet, puis le remettre, puis le prof sera content. Du coup, j’ai été choquée. »  

Les études féministes ont également été un choc pour elle. « J’ai appris des choses totalement différentes de ce qu’on m’a appris quand j’étais chez moi. Je me suis rendu compte que j’avais des droits. J’avais droit de raconter mon histoire en tant que femme, en tant que femme noire. Puis j’avais le devoir aussi de faire apprendre et de montrer le bon chemin à mes cousines, à mes tantes. » Étant personnellement de nature timide, son emploi d’étudiante lui a vraiment permis de s’intégrer à Sherbrooke. « Dès mon premier jour, j’avais toute une gang qui est venue autour de moi. Ils m’ont mis vraiment à l’aise et ils ont été un vrai support moral. »  

Ismael Camara 

Ismael Camara est étudiant au baccalauréat en Histoire. Il a grandi en Guinée. Après plusieurs démarches, il est arrivé à Montréal le 31 août 2023. « C’était la première fois que je quittais la Guinée. »  En attendant de débuter sa session d’hiver, Ismael Camara est resté chez un parent à Chicoutimi. « J’ai beaucoup ressenti la solitude. Tout le monde était dans leur maison. »  

Le début de la session a été difficile. « L’accès à l’ordinateur est vraiment restreint dans mon pays. C’était vraiment nouveau, mais je me suis quand même adapté facilement et rapidement. Mais toujours, il y avait le phénomène de la solitude qui était là. Le premier mois, j’étais à Lennoxville. Il fallait prendre deux à trois bus et il y faisait froid. C’était vraiment difficile. Finalement, j’ai eu les résidences universitaires et je suis venu ici en février. Mais il fallait que je trouve un travail. » Tous les jours, pendant des mois, il a déposé plusieurs CV partout, sans retour. « Finalement, on m’a appelé et c’est là que mon intégration a commencé petit à petit. » Le sport à beaucoup aider à briser la solitude, raconte Ismael. Cependant, il travaille de nuit, de 22h à 5h, ce qu’il trouve difficile puisqu’il a des cours à 8h.  « Là, je suis en train de m’adapter et ça va plutôt bien. »  

Arel Berthier Atioguim 

Arel Berthier Atioguim est également étudiant en Histoire et vient du Cameroun. Il est le plus jeune d’une famille de cinq enfants. C’est son frère qui lui a suggéré de faire des études à l’étranger pour qu’il soit bien outillé. Arel Berthier est arrivé à Sherbrooke le 15 janvier 2024. Comme beaucoup d’étudiants, trouver un logement a été très difficile. « Vous savez, quand vous arrivez ici, ce n’est pas comme en Afrique où on pouvait rester quatre personnes dans une maison, comme on fait à la coutume africaine. Donc je regardais sur Marketplace et j’ai eu la chance de trouver un logement. C’est très cool parce que là c’est encore de l’interculturalité, j’ai des colocs qui viennent de divers horizons. »  

Le tremplin académique n’a pas été facile non plus pour Arel. « J’avais les mêmes problèmes qu’Ismael au niveau de l’informatique. C’était très compliqué de se retrouver sur Moodle. » La recherche d’emploi a également été très difficile. « Au niveau du travail, sincèrement, c’est stressant. J’ai beaucoup marché pour avoir un travail. Dieu merci, j’ai eu un emploi et ça va me permettre de peut-être joindre les deux bouts. Chacun s’intègre à sa manière, moi j’ai plutôt choisi une activité de bénévolat à Moisson Estrie. C’est très cool. Ce sont des femmes plus mûres, j’étais comme le petit-fils. Je pouvais leur poser des questions. » Bien qu’encore en phase d’intégration, Arel Berthier s’est fait des amis et s’adapte au mode de vie ici. « J’ai eu un travail et je crois peut-être, avec le temps, je vais être plus Québécois qu’Africain. »  

Les parcours migratoires de Perle Aurore, d’Ismael Camara et d’Arel Berthier sont inspirants. L’article ne rend malheureusement pas justice à la richesse de leurs récits qui nous ont été partagés. Une chose est sûre, ces étudiants et étudiantes sont un modèle de courage, de détermination et de persévérance pour chacun d’entre nous.  


Crédits: Stéphanie Lanthier

Elizabeth Gagné
Cheffe de pupitre CULTURE | + posts

Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.  

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