L’hiver québécois en peinture 

Par Elizabeth Gagné 

Même si le froid déplaît à plusieurs, il suffit de poser son regard pour y voir la beauté unique qu’il apporte à nos paysages. Nos hivers ont inspiré de grands artistes de chez nous et font partie intégrante de notre identité et de notre fierté. Le peintre québécois Clarence Gagnon a su extirper cette beauté et la sublimer en peinture. 

Né le 8 novembre 1881 à Montréal, Clarence Gagnon entreprend d’abord des études à l’Académie commerciale catholique. Voué à suivre les traces de son père en faisant carrière dans le commerce, le destin de Clarence l’amène pourtant ailleurs. C’est le peintre Ludger Larose qui l’initie pour la première fois au dessin. 

Soutenu par sa mère, Clarence Gagnon décide finalement de suivre ses instincts et de s’inscrire au Conseil des arts et manufactures. Il devient l’élève d’Edmond Dyonnet et de Joseph Saint-Charles. Dès 1897, Clarence entre à l’Art Association de Montréal, où il suivra les enseignements de William Brymner. Parmi ses camarades de classe, on retrouve les peintres Edward Finlay Boyd et Alexander Young Jackson. Très tôt, Clarence démontre des aptitudes au dessin et à la peinture. 

Formation européenne adaptée à la québécoise 

Son goût pour la peinture de paysages s’est développé en 1900 alors qu’il se rendait chez son ami, Horatio Walker, à l’île d’Orléans, pour y passer l’été à Beaupré. En décembre 1903, Clarence Gagnon réussit à vendre 17 de ses tableaux, ce qui lui a permis d’amasser une somme d’argent suffisante pour aller à Paris afin de finaliser sa formation. 

Sur place, Clarence s’entoure de plusieurs artistes québécois, dont Hector Fabre, Alfred Laliberté, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté et Louis-Philippe Hébert. Il s’inscrit à l’Académie Julien, une école d’art bien connue pour sa pédagogie ouverte et sa diversité d’influences. Il étudie sous la supervision de Jean-Paul Laurens, mais Gagnon préfère apprendre son métier en peignant des paysages, ce qui crée des désaccords entre le maître et son élève. Il ne fréquentera que très peu l’Académie à cause de cela. 

Les œuvres de Clarence Gagnon sont majoritairement des scènes tirées de ses divers voyages en Europe : Maroc, Bretagne, Espagne, Italie, etc. Son séjour en Europe a été très formateur pour son style qui mélange les influences européennes, dont l’art figuratif, avec une sensibilité propre à la nature canadienne. Ce premier séjour a permis à Clarence Gagnon de faire connaître ses toiles, qui seront, entre autres, exposées au Salon de la Société des artistes français. Il se distingue notamment en remportant une médaille d’or à l’Exposition internationale de Saint-Louis en 1904. Par la suite, il adapte les techniques impressionnistes à la lumière et aux couleurs du paysage québécois. 

L’amour des hivers québécois 

En 1907, Clarence installe son studio à Paris dans le quartier Necker près de la gare Montparnasse. Il partage ainsi son temps entre Québec et la Ville Lumière. À partir de 1912, Gagnon séjourne principalement au Québec et plus particulièrement dans les régions rurales de Charlevoix et les Laurentides. Il peint plusieurs tableaux, principalement des paysages hivernaux. Ces derniers feront l’objet d’une exposition spéciale à Paris à la galerie Reitlinger en 1913. Elle s’avéra être un succès. 

Depuis, les paysages de Charlevoix deviendront le sujet de prédilection du peintre. Dans ses tableaux, Clarence Gagnon illustre à plusieurs reprises le style de vie traditionnelle dans Charlevoix. Sa passion pour la nature canadienne s’est manifestée dans une série de peintures et de gravures mettant en valeur les vastes étendues du Québec, ses forêts, ses montagnes et ses hivers. Au milieu des années 1920, Gagnon peint de moins en moins et se consacre alors davantage à l’illustration. Il sera l’illustrateur du roman Maria Chapdelaine de Louis Hémon, publié en 1933, l’un des plus célèbres romans illustrés par un artiste canadien, ainsi que du Grand Silence blanc de Louis-Frédéric Rouquette en 1929. Clarence Gagnon meurt en 1942 d’un cancer du pancréas à l’âge de 60 ans. 

La récolte de glace, Québec, 1935.
La Carriole rouge, Charlevoix (Québec), 1924-1925, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec. 
Illustration dans Maria Chapdelaine, page 8, 1933. 

Legs et héritage 

Gagnon a été très impliqué sur la scène artistique canadienne de son époque. Bien qu’il n’ait pas été membre officiel du Groupe des Sept, il partageait avec ses membres la volonté de représenter le paysage québécois d’une manière unique et distincte. Il faisait partie de ceux qui ont contribué à forger une identité artistique nationale. Ses œuvres ont joué un rôle clé dans la définition du paysage canadien dans l’art. Doté d’une grande sensibilité, Clarence Gagnon apporte une vision d’une nature pure et majestueuse, typiquement québécoise. 

Son style unique, qui allie réalisme et impressionnisme, et son regard tendre sur les paysages québécois continuent d’influencer et d’inspirer les artistes et amateurs d’art. Les musées canadiens, comme le Musée des beaux-arts de Montréal et la Galerie nationale du Canada, conservent plusieurs de ses œuvres, témoignant de son importance dans l’histoire de l’art au Canada. 


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