Par Katrine Joncas
Le 25 juin dernier avait lieu à la Maison du cinéma la première du nouveau film tant attendu de Denys Arcand, La chute de l’empire américain. Une véritable réussite où l’on peut savourer l’excellente performance d’Alexandre Landry et de Maripier Morin, qui est apparue au grand écran pour la toute première fois.
Synopsis
Pierre-Paul (Alexandre Landry), 36 ans, diplômé en philosophie, mais livreur pour une compagnie de livraison croit fortement qu’il est trop intelligent pour devenir riche. En plein quart de travail, celui-ci est témoin d’un vol à main armée. Le dernier brigand vivant étant sérieusement blessé, il laisse les deux sacs remplis d’argent derrière lui et s’enfuit. Pris de face par un dilemme, Pierre-Paul décide de s’emparer des sacs et de les cacher à l’intérieur de son camion de livraison. Suite à l’interrogatoire des enquêteurs, le livreur, maintenant millionnaire, doit échapper aux forces ainsi qu’aux criminels qui tentent le tout pour le tout afin de reprendre possession des sommes.
Une réalité exposée à l’écran
Bien que l’intrigue du film soit basée sur un vol, les différentes péripéties du récit ainsi que le dénouement sont basés sur le même point : la réelle marge entre les riches et les pauvres. Au Québec, on compte des milliers de personnes en situation d’itinérance. Dans le nouveau film d’Arcand, le public est soumis à une réelle réflexion quant à l’importance d’aider les plus démunis. D’ailleurs, dans une entrevue avec Le Collectif, Maripier Morin s’est prononcée sur l’urgence d’entraide à laquelle la population est exposée : « On parle d’itinérance dans ce film-là, mais il y a aussi eu le mouvement #moiaussi à l’automne qui a soulevé de nombreuses questions, […] mais je pense qu’au final, la morale c’est qu’on doit faire attention les uns aux autres. » En démontrant les différentes magouilles présentes dans la société et la réalité de plusieurs métiers, dont celui de policier, Arcand propose un film dans lequel les caractéristiques politiques et économiques, autant positives que négatives, sont exposées. Les réalités présentées amènent le public à réaliser, s’il ne l’avait pas déjà fait, les différents problèmes sociétaux en lien avec les classes sociales. L’endroit où de la nourriture est servie aux itinérants à Montréal est bondé lorsque Pierre-Paul y est pour aider au service. Même si les gens savent l’état de la situation en général, les images posées sur le problème sont des plus alarmantes.
Un cinéma à la hauteur
Que dire du jeu de Maripier Morin! Comme l’avait mentionné Denys Arcand lors de leur passage à Tout le monde en parle cet hiver, la nouvelle actrice « perce » véritablement l’écran. Maripier jongle entre son texte et ses regards convaincants qui envoûtent le public. Lors d’une entrevue réalisée avec Le Collectif, l’animatrice a mentionné que l’animation l’avait beaucoup aidé lors du tournage grâce à l’écoute que cette profession nécessite : « Il faut écouter pour être capable de réagir, puisque si tu penses juste à ta ligne, t’es off. Quand t’es dans l’autre, ça te nourrit. » De plus, Maripier a eu la chance de pratiquer avec Alexandre Landry avant le début du tournage, ce qui lui a permis de vraiment connecter avec l’acteur.
D’ailleurs, l’acteur a lui aussi livré une performance irréprochable. Occupant le rôle principal dans un film de Denys Arcand, l’acteur avoue avoir voulu être à la hauteur en lisant beaucoup à propos des différents philosophes qui lui étaient totalement inconnus, mais qu’il avait à citer dans le film. Alors qu’il affirme consciencieusement que « Denys Arcand, c’est un homme qu’[il] conçoit comme un homme plus intelligent que [lui] », l’acteur semble vraiment s’être prêté au jeu en entrant dans l’univers philosophique dans lequel baigne son personnage en assumant sans orgueil qu’il avait à travailler pour comprendre et livrer l’œuvre de l’auteur. Somme toute, non seulement le film cède un message important, mais les acteurs ont eu aussi appris beaucoup de l’expérience. Une réussite bidirectionnelle!
Du vrai Deny Arcand
Grâce aux nombreux succès cinématographiques réalisés par Deny Arcand, notamment Le Règne de la beauté ainsi que L’Âge des ténèbres, le public pouvait s’attendre à un autre succès pour cette nouveauté. Encore une fois, le réalisateur a épaté la galerie grâce au texte juste à point et l’orchestration impeccable des éléments narratifs du film.
Toujours dans le but de rendre une œuvre à la hauteur, l’auteur avait changé le titre en mars dernier. Le triomphe de l’argent était donc le premier titre de l’œuvre. Dans une entrevue à l’émission de radio de Paul Arcand, l’auteur du film avait expliqué qu’« en voyant les images, [il] trouvait que [son] ancien titre ne correspondait plus à ce qu’[il] avait tourné. Ce qu’[il] voyait était plus touchant et plus tendre ». En visionnant le résultat, la volonté de l’auteur d’exposer que « le Québec est directement touché par la longue agonie de puissance » est très compréhensible. Comme il avait mentionné en entrevue à Tout le monde en parle, aujourd’hui, on demande davantage les sommes amassées des films et moins si le film est bon. Pour ce qui est de ce nouveau film, la question n’est pas à se poser : c’est excellent.
Crédit Photo @ La Chute de l’Empire Américain