Par Elizabeth Gagné

Antonine Maillet, née à Bouctouche au Nouveau-Brunswick le 10 mai 1929, nous a quitté le 17 février 2025, laissant derrière elle un héritage dont les Acadiens et les Acadiennes continueront à porter fièrement.
Romancière et dramaturge, vous la connaissez peut-être pour son roman La Sagouine ou encore Pélagie-La-Charrette. Attachée à sa terre natale, le fond de la baie, Antonine Maillet a utilisé sa plume afin d’éclairer une culture, une identité, un peuple qu’on a tenté d’écraser. Elle est l’une des plus grandes voix de la littérature acadienne.
Poursuivre ses rêves
Provenant d’une grande fratrie, Antonine Maillet fut encouragée par ses parents, tous deux maîtres d’école, à poursuivre ses rêves. Vers les années 50, elle poursuit le chemin de ces derniers et obtient son baccalauréat en enseignement avant de rentrer au couvent et de devenir sœur Marie Grégoire.
Visionnaire, elle poursuit ses études en lettres. Durant cette période peu connue de la vie d’Antonine Maillet, elle écrit une première pièce de théâtre et un premier roman intitulé Pointe-aux-Coques, en 1958. Elle dira un jour en entrevue à Radio-Canada : « J’ai compris que ce n’était pas ma place (le couvent). J’étais un petit peu visionnaire, quand même, on ne peut pas être écrivain et ne pas être un peu visionnaire. Alors, je savais que le monde s’en allait vers quelque chose d’autre. Et je voulais être au premier rang de ce Nouveau Monde. »
Elle a créé un monde où les Acadiens et Acadiennes ont été mis à l’honneur peut-être pour la première fois. Un monde où leur dialecte, leur culture et leur histoire ont pu rayonner au-delà des frontières. C’est à travers La Sagouine, son personnage le plus célèbre au théâtre, que sa carrière s’envole.
Selon le prétexte que personne n’allait comprendre ce que la brave femme narrait, plusieurs théâtres ont refusé de jouer la pièce. C’est en 1971 que La Sagouine est interprétée pour la première fois sur scène au Théâtre du Rideau Vert à Montréal, incarnée par Viola Léger. La Sagouine est une Acadienne qui raconte dans son dialecte les histoires de son bout de pays. Le personnage a gagné le cœur des gens qui s’en sont épris. La réputation de La Sagouine prend rapidement de l’élan alors que le monologue est diffusé à la radio et la pièce interprétée à la télévision. Sa popularité est telle que l’on construit un village thématique en son nom à Bouctouche.
À Radio-Canada, Antonine Maillet aurait dit que « La Sagouine, c’est à la fois une pauvre, la dernière des démunies, mais avec une dignité qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer. (…) Sans le savoir, cette Sagouine-là dit des vérités qu’on avait terriblement besoin de dire, pis cette vérité-là, c’est : nous sommes encore en vie après toutes les épreuves qu’on a traversées ».
Mais La Sagouine n’est pas son seul succès. En 1979, Antonine Maillet écrit le roman Pélagie-La-Charrette. Inspiré par le courage des survivants du Grand dérangement de 1755, le roman raconte les péripéties d’une veuve acadienne qui, chassée par les Anglais, devient esclave en Géorgie et décide de revenir en Acadie avec ses enfants. Une épopée épique qui remporte le prestigieux prix Goncourt. Antonine Maillet devient la première écrivaine non européenne à recevoir ce prix et la seule Canadienne jusqu’à ce jour à avoir reçu cet honneur.
Au cours de sa carrière, Antonine Maillet obtient de nombreux honneurs tels que le prix du Gouverneur général en 1972. Elle est aussi sacrée officière de l’Ordre du Canada en 1976, officière de la Légion d’honneur en France en 2003, citoyenne d’honneur de la Ville de Montréal en 2020 et bien plus encore.
Ainsi, l’Acadie a perdu l’un de ses plus précieux joyaux, mais sa lumière continuera à faire vivre la culture acadienne pour des générations à venir.
Source : Acadie Nouvelle

Elizabeth Gagné
Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.