Les mots dérivés de noms d’universités abondent au Québec. Ainsi, des adjectifs relationnels comme « uqamien », « mcgillois » et « polytechnicien » ou encore comme « énapien », « téluquien » et « uquiste » ont souvent émergé de manière spontanée dans l’usage. À Sherbrooke, quelques noms d’établissements scolaires ont aussi donné lieu à des adjectifs. On trouve par exemple « bishopois », « lebérien » et « montcalmien », respectivement créés par rapport à l’Université Bishop’s et aux écoles secondaires Le Ber et Montcalm.
Par Gabriel Martin
Une étudiante internationale qui a observé le phénomène avec un certain étonnement me demandait récemment : existe-t-il un adjectif comparable pour l’Université de Sherbrooke ?
Les textes produits par la communauté étudiante fourmillent de tentatives de doter l’établissement de son propre adjectif ou nom dérivé. À titre d’exemple, dans l’édition du Collectif du 16 avril 2014, deux rédactrices se sont risquées à recourir au néologisme « Unisherbrookois », demeuré sans lendemain.
Unisherbrookois ou UdeSien ?
Les personnes qui fréquentent le campus depuis assez longtemps savent néanmoins qu’il existe déjà un usage oral plutôt informel assez bien établi depuis une dizaine d’années au moins. On se sert assez couramment de l’adjectif « UdeSien, UdeSienne », prononcé [ydəɛsjɛ̃, ydəɛsjɛn] (c’est-à-dire « U-DE-È–SIEN, U-DE-È-SIENNE ») pour désigner ce qui est relatif à l’Université de Sherbrooke. L’emploi est assez fréquent pour être parvenu à se glisser dans quelques sources à large diffusion. Il est par exemple attesté dans La Tribune du 12 octobre 2011, où on cite un étudiant qui parle des « paysagistes et architectes UdeSiens ».
À l’oral, on relève aussi une variante plus rare de l’adjectif qui se prononce [ydəsjɛ̃, ydəsjɛn] (c’est-à-dire « U-DE-SIEN, U-DE-SIENNE ») et pourrait s’écrire « udessien, udessienne ». En termes linguistiques, on dira que cette forme est lexicalisée, autrement dit qu’elle s’est ancrée assez fermement dans le vocabulaire des gens qui l’utilisent pour acquérir une certaine autonomie par rapport à sa racine (en l’occurrence « UdeS ») et donc s’en distinguer un peu plus.
Certaines personnes se demanderont peut-être si l’emploi de « udessien, udessienne » devrait être évité dans une « langue de qualité ». Il est vrai que le mot est surtout attesté dans des situations de communications familières ou orales jusqu’à maintenant. Cela dit, aucune règle absolue n’empêche de l’utiliser aussi dans des écrits plus formels.
On observe surtout que le mot, qui est employable aussi bien à titre d’adjectif (p. ex. dans « la communauté udessienne ») que de nom (p. ex. dans « les udessiens et udessiennes »), ouvre certaines possibilités stylistiques. Il vient enrichir le lexique et représente par conséquent une ressource linguistique supplémentaire pour les rédacteurs et rédactrices. On pourra donc lui reconnaitre une certaine utilité. D’ailleurs si on l’utilise assez souvent à l’écrit, le mot en viendra à passer totalement inaperçu ; il a peut-être même le potentiel, soyons optimistes, d’en venir à incarner une forme d’étendard identitaire positif.