Pirates, diablesses, infirmières… depuis quand est-ce sexy?

Par Victor Dionne

Vous êtes à la recherche d’un costume pour une soirée d’Halloween? Pas de problème! Vous pouvez vous déguiser en ange, en citrouille, en aviatrice ou en religieuse. Cela dit, si vous magasinez dans le neuf, il y a de bonnes chances que vous trouviez l’habit désiré, mais en version sexy.

La sexualisation des costumes d’Halloween est un phénomène particulier qui risque de se répéter pour quelques années encore. Maintenant, chaque déguisement féminin à sa version plus osée, qui en révèle davantage sur le physique de la personne qui le porte. Bien sûr, les individus sont maîtres de leur corps et peuvent s’habiller comme ils veulent. Mais pourquoi Sherlock Holmes devrait-il être vêtu tout d’un coup d’une jupe mi-cuisse, d’un énorme décolleté, de talons aiguilles et a de maquillage à n’en plus finir? Ce type de tenue de soirée ne fait que contribuer à l’hypersexualisation du corps de la femme.

L’Halloween, évènement culturel à caractère sexuel?

Selon le gouvernement du Québec, « l’hypersexualisation, ou la sexualisation de l’espace public, est le phénomène par lequel les médias donnent un caractère sexuel à un produit ou à un comportement qui n’a rien de sexuel. » En ce sens, l’hypersexualisation se manifeste autant dans les magazines, le cinéma et l’industrie de la mode. Pour ce faire, ces différents médiums vont banaliser la sexualité, se servant des stéréotypes sexuels et utilisant le corps féminin pour vendre un produit.

La vente de costumes pour la fête du 31 octobre contribue à son renforcement. L’industrie du déguisement pour adulte, qui s’inscrit évidemment dans celle de la mode, inculque (de manière consciente ou non consciente) l’idée que la femme est un objet sexuel. Les tenues festives plus révélatrices présentent en premier plan les « attributs » féminins, comme les fesses, les cuisses et les seins. Toujours conforme aux dires du gouvernement québécois, mettre l’accent inutilement sur ces parties du corps réduit la femme à l’objet. Elle n’est pas respectée pour la personne qu’elle est, mais pour son physique.

Ce type de sexualisation inutile valorise aussi certains stéréotypes génériques qui ne sont aucunement représentatifs des femmes en général. Avec des costumes à tendance lascive, on met de l’avant des normes socioculturelles spécifiques semblables à la physionomie d’un mannequin. La femme présentée en exemple sur l’emballage du déguisement est souvent blanche, mince, grande avec une « bonne » poitrine. Cette fausse représentation de ce qu’est une femme ne fait qu’ajouter aux différentes pressions vécues en lien avec les standards de beauté.

Une étude de 2014 réalisée par Erin Mayer pointe du doigt une autre particularité de la sexualisation des costumes d’Halloween. À l’aide de publications sur le site web communautaire Reddit, elle a découvert que les designers ont tendance à sexualiser le déguisement en fonction de l’âge, même s’il s’agit de la même thématique. À titre d’exemple, elle se sert du costume de Dorothée, l’héroïne du film mythique Le magicien d’Oz. La constatation est simple; plus les jeunes filles vieillissent, plus le costume devient sexy. Encore une fois, comme l’autrice le précise, il n’y a rien de mal à vouloir être sexy pour une fête d’Halloween. Toutefois, Dorothée n’a jamais porté qu’un haut et une jupe révélatrice. Cela ne fait que contribuer à sexualiser le corps de la femme.

Les stéréotypes de genre

La « genrification » des déguisements d’Halloween est aussi un autre problème. Une étude de 2016 réalisée par les universitaires Sharron J. Lennon, Zhiying Zheng et Aziz Fatnassi sur l’objectification et la sexualisation des costumes montre la tendance aux stéréotypes respectifs de genre chez les tenues des enfants le 31 octobre. En faisant référence à une autre étude de 2000, ils mentionnent que l’offre des costumes pour les jeunes garçons et pour les jeunes filles n’est pas du tout la même. Pour le garçon, on mise sur des déguisements en lien avec des rôles professionnels, comme le policier ou le pompier. Tandis que pour la fille, ce sont des habits qui font référence à l’apparence ou aux relations avec des hommes, comme une princesse ou une mariée. Cette mouvance s’accorde avec la dichotomie du costume masculin et féminin, où le premier serait actif, et le deuxième passif. Il accentue la représentation du garçon comme la personnalité dominante et celle de la fille comme reculée. C’est réducteur pour le sexe féminin.

Encore une fois, stéréotyper les déguisements d’Halloween ne fait que fortifier des normes aucunement représentatives de ce que sont réellement la femme et l’homme. Comme mentionné plus haut, la jeune fille est réduite à son apparence physique par des habits d’Halloween axés sur la beauté et les relations, contrairement aux costumes de garçon, qui le représentent comme figure forte. Ceci étant dit, autant les déguisements des deux sexes font valoir un standard de beauté socioculturel. L’homme doit ainsi incarner la force physique, l’énergie et la domination, en plus d’avoir les épaules larges et les muscles imposants, comme le mentionne le gouvernement du Québec. Ce standard de beauté est commun chez tous les superhéros, une thématique récurrente pour les costumes de garçons.

Par contre, l’étude sur la masculinité des costumes pour homme de S.M. Alexander (2014) démontre que seulement 4 % des tenues d’Halloween pour homme sont sexualisées et démonstratives d’« attributs » associés à la masculinité. Chez la femme, c’est une autre histoire. Comme le souligne Mayer : « There is no unsexy or funny pumpkin Halloween costume available in mainstream stores. If you want that, you have to make it yourself. »

Donc, cette année, si vous ne voulez pas contribuer à ce système, l’idée du costume DIY est une bonne alternative. En plus, c’est meilleur pour l’environnement!


Crédit photo @ Abracadabra Superstore

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