La place des personnes trans dans le sport de haut niveau

Par Josiane Demers

Lorsqu’il est question de la place des personnes trans dans le sport de haut niveau, la société a encore du chemin à parcourir. Si de nouveaux sports semblent avoir intégré des cultures inclusives dès le départ, certains autres s’avèrent plus réfractaires aux changements.

À chacun sa réalité

Pour des raisons physiques, la réalité des hommes et des femmes trans diffère considérablement. En effet, comme l’explique Camille Michon, chargée de cours de l’Université Laval et titulaire d’une maitrise en psychopédagogie, les hommes trans semblent vivre des enjeux surtout en lien avec l’acceptation dans la culture sportive masculine. Cette dernière affirme que « la masculinité hégémonique est très présente dans le sport et peut être confrontante pour quelqu’un qui n’a jamais vécu cela ». Par contre, ces hommes n’ont pas à se soumettre à des analyses de taux d’hormones et n’ont souvent pas à se plier à une règlementation particulière leur étant destinée comparativement à leurs homologues féminines.

Chez les femmes, c’est généralement un peu plus complexe. Bien qu’elles aient parfois plus de facilité à s’intégrer dans leur sport respectif, elles sont plus susceptibles de faire face à des contraintes venant des fédérations ou des institutions sportives, ou même de leurs adversaires en contexte de compétition. Le sujet polarise davantage parce que certains pensent que malgré un traitement hormonal, les femmes trans sont biologiquement plus fortes que les hommes. Peu d’études ont été publiées jusqu’à maintenant afin de vraiment bien étudier et comprendre la problématique.

Entre mythe et réalité

Comme l’explique Camille Michon, plusieurs groupes s’opposent à la présence des personnes trans dans les compétitions sportives féminines en évoquant la possibilité qu’un « homme s’infiltre dans le contexte sportif féminin pour être le meilleur ». Certains vont jusqu’à affirmer qu’un athlète masculin olympique entamerait une transition seulement pour un cycle olympique de 4 ans dans le seul et unique but d’obtenir un podium. Aucun cas n’a encore été répertorié. Cet argument n’est donc pas appuyé par des faits. De plus, madame Michon ajoute « que socialement et physiquement, faire une transition est très demandant. C’est exigeant et cela entraine des répercussions permanentes sur le corps. C’est un processus réfléchi qui a beaucoup d’impact sur leur vie ».

La tendance est à l’inclusion

Pendant l’élaboration de son mémoire, Camille Michon s’est entretenue avec trois athlètes féminines trans de haut niveau entre 18 et 25 ans. Elles estiment que le sport a intérêt à faire une place aux personnes de leur communauté, surtout dans les sports récréatifs. Les activités sportives se veulent inclusives et créent un sentiment d’appartenance. C’est un exutoire, un lieu de défoulement. Il est donc « important de rendre le sport le plus inclusif possible afin que tout le monde puisse bénéficier de ces effets positifs là », explique-t-elle. Plusieurs personnes traversent des périodes sombres. Selon la Mental Health Commision du Canada, elles sont deux fois plus susceptibles de penser au suicide que les personnes LGB. Le filet social que représente le sport pour ces gens n’est certainement pas à négliger. C’est pourquoi il est primordial de mettre sur pied des protocoles assurant l’inclusion à tous les niveaux.

Quelques nuances

Alexie B. Fontaine, anciennement Alexis et ex-athlète professionnel de fitness chez les hommes, a commencé sa transition il y a quatre ans. Elle est incapable d’offrir une opinion tranchée sur la place des personnes trans dans le sport. Celle qui détient une maitrise en kinésiologie explique que « chaque personne trans a une réalité particulière. Cela devrait être analysé au cas par cas. Au-delà du taux d’hormones, plusieurs facteurs ne sont pas considérés comme le développement des tendons et des os lorsqu’une personne commence sa transition après sa puberté ».

Bénéficiant d’une stature plus imposante que la moyenne des femmes, Alexie se verrait mal compétitionner du côté féminin dans les épreuves de fitness qu’elle dominait chez les hommes avant sa transition. C’est pourquoi il est difficile pour elle de prendre position sur la question. Elle soutient qu’il faut toujours garder en tête les droits de la personne et que les femmes trans qui veulent compétitionner devraient être libres de le faire.

Deux idéologies

Une certaine partie de la population considère malheureusement que les femmes trans ne sont pas de vraies femmes et qu’elles ne devraient donc pas compétitionner dans le sport féminin de haut niveau. Cette position qui se retrouve partout à travers le monde est surtout populaire en Europe, qui selon Alexie B. Fontaine, « accuse un retard d’au moins 10 ans sur l’Amérique dans les mentalités ».

En Amérique du Nord, le discours tend à considérer l’identité de genre plutôt que le sexe à la naissance. Une femme qui s’identifie comme une femme l’est, point final. Par contre, certains États américains refusent toujours certains droits aux personnes trans et contestent l’établissement de politiques d’inclusion dans le sport comme le mentionne Victrix Ludorum dans un article de The Economist.

Des sports plus inclusifs que d’autres

À la suite de leur transition, certaines femmes trans ont soit abandonné leur sport ou changé d’activité de prédilection. Quelques sports sont plus ouverts face à réalité trans. « Le quidditch, le ultimate frisbee et le hockey féminin se démarquent », explique Camille Michon. Il faut souligner que tous ces sports sont relativement nouveaux alors ils sont créés, dès le départ, avec des règlements d’inclusion. Certains seront surpris par la présence du hockey dans ce palmarès, mais la fédération canadienne de hockey féminin a été créée en 2007, ce qui est plutôt récent.

Le CIO

En 2016, le comité international olympique (CIO) a actualisé sa politique face aux personnes trans. Auparavant, entre 2003 et 2016, un ou une athlète trans devait avoir subi la chirurgie de réattribution de sexe et avoir entamé un traitement hormonal depuis au moins deux ans pour être admissible à la compétition. Dans des propos rapportés par Stephen Wilson de l’Associated Press, le directeur médical de l’organisation, le docteur Richard Budget, explique que « les règles ont été mises à jour, car l’exigence de l’opération allait à l’encontre des devoirs sur le plan légal et des droits de la personne ».

Une chose est sure, la question de la place des personnes trans dans le sport est complexe et comporte plusieurs subtilités. C’est pourquoi il est important d’y apporter des nuances et d’accepter qu’entre le pour et le contre, le blanc et le noir, il y a beaucoup de gris.


Crédit Photo @ Stéphanie Gonot

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