Chambres d’écho, les corporations contrôlent-elles le débat ?

Par Simon RD

Il y a quelques jours de cela, sous prétexte d’un danger pour la démocratie et de la désinformation concernant la COVID-19, les géants Facebook et YouTube ont décidé de censurer et d’effacer les comptes du conspirationniste et un des leaders du mouvement antimasque, Alexis Cossette-Trudel, fondateur de Radio-Québec. L’homme, pourtant pratiquement inconnu avant le confinement, a depuis rassemblé plus de 70 000 abonnés. Son éditorial flirte avec les idéaux et théories de QAnon. Des théories proposant par exemple l’existence d’un État profond où des organisations pédosataniques auraient des activités de pédophilie dans l’angle mort de la société. Toutefois, les conspirationnistes sont-ils les réels grands instigateurs de la polarisation du débat ?

Bien avant la démocratisation des plateformes Web, les discussions salées sur les complots et les légendes urbaines façonnaient ces nuits étoilées autour du feu de camp et même les fêtes de famille un peu arrosées. Il y avait toujours cet oncle qui racontait le monde d’un côté obscur, un monde gangrené par les supercheries au profit de l’élite : l’État profond. Les dirigeants d’un système corrompu étaient dépeints par une déshumanisation considérable. On pouvait y croire ou non, sans plus. Les histoires issues des théories de la conspiration étaient plutôt excitantes, car on nageait dans l’inconnu, le doute et un peu le mystère. C’est excitant de voir le monde plus gros et secret qu’il l’est en réalité. Mais aujourd’hui, la rhétorique complotiste pose un certain danger pour l’avenir.

Les réseaux sociaux, un nouveau terrain des débats incontrôlables

En parcourant les médias sociaux, il y a cette impression que la société se désagrège, comme si on avait oublié de pressuriser le vaisseau et voilà que notre société semble être aspirée dans un trou noir. Le Web 2.0 permet une tribune monumentale aux leaders d’opinion. Ceux qui n’y adhèrent pas y répondent avec rudesse et parfois avec violence de plus en plus. Évidemment, les réponses violentes viennent « des deux camps ».

Antifas, Black Lives Matter, antimasques, antivaccins, Proud boy, gauche, droite, droite, gauche, c’est la valse. Bienvenue au 21e siècle. Deux autres clans se dessinent et les traits sont de plus en plus précis. Ceux qui croient au virus, ceux qui n’y croient pas. En fait, au Québec et selon l’Institut national de la santé publique, près d’un Québécois sur quatre souscrit à la théorie pour laquelle la COVID-19 aurait été créée en laboratoire.

Les corporations contrôlent le débat

Aujourd’hui, les débats de société sont devenus explosifs et fractionnés. Aux États-Unis, la gauche et la droite ne semblent jamais avoir été aussi violentes verbalement et physiquement depuis la Guerre froide. Les leaders d’opinion, les médias, les mouvements sociaux, les politiciens, tout le monde participent à cette valse sanglante des enfers. La gronde est réelle, le coronavirus a muté, il n’est plus juste un virus, il est devenu une crise sociale virulente qui semble plonger l’être humain vers un monde obscur que nous ne voulons pas visiter. Devrons-nous encore une fois démolir le mur de Berlin ?

Bien que les complotistes, qui gagnent de plus en plus en popularité, semblent être une menace pour la cohésion sociale, sont-ils vraiment les grands ennemis de la démocratie ? Est-ce vraiment eux le problème ? Ou serait-ce plutôt les corporations qui possèdent des technologies remarquables, qui leur permettent, sans le vouloir ou délibérément, de créer des chambres d’écho ? Des lieux dans le cyberespace où on y diffuse du contenu qui rejoint les idéaux de tout un chacun, sans jamais vraiment les confronter avec des idées qui ne leur plaisent pas.

L’ère de la censure

En mettant de côté le sujet sur les conspirationnistes pour un instant, nous vivons à une époque où même les institutions du savoir se font censurer dans des contextes d’éducation. Alors, qui croire ? On lynche et cyber intimide une professeure d’université pour l’utilisation du n-word dans un contexte d’éducation, on décapite un professeur d’histoire pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe. C’est 2020, la nouvelle ère de l’obscurantisme, du Moyen-âge. Sommes-nous à la veille de ressortir les guillotines ?

Mais qui sont les vrais responsables de cette dissolution des membres de notre société ? Personne n’a vraiment la réponse, mais une chose qu’on peut remarquer est que les corporations, qui soit dit en passant n’ont pour objectif que la recherche du profit au détriment du bien humain, contrôlent le débat. On n’a qu’à regarder le film documentaire Derrière nos écrans de fumée pour assister à des témoignages de personnes inquiètes de la suite des choses, qui auparavant ont participé au développement des algorithmes de Facebook, par exemple. Toujours garder en tête que si le service est gratuit, c’est que le consommateur est probablement le produit.

Enfin

Cette année, des mouvements sociaux ont gagné en visibilité et c’est très bien. Même que c’est rassurant de savoir que le droit humain et la défense des opprimés sont au cœur des débats. Mais ironiquement, les libertés de penser, la liberté d’expression et les libertés académiques ne semblent jamais avoir été aussi en danger au 21e siècle en occident. Plus personne ne veut se parler et tout le monde veut avoir raison. C’est ça, le danger des chambres d’écho.

Cependant, c’est vrai que les luttes sont dures. Il faut les gagner par la force et la souffrance. Peut-être qu’avec une vision en macro de cette époque, nous verrons que bon nombre de droits auront été gagnés et qu’il y aura eu un vrai transfert du pouvoir politique vers un pouvoir populaire. Qu’on aura permis d’amener les opprimés et les laissés-pour-compte à une place de choix au sein de la société ! Encore là, tout dépendra de qui écrira le livre d’histoire. Les luttes sociales sont importantes, mais l’enjeu qui donne froid dans le dos, c’est qu’aujourd’hui, ce sont les corporations qui manipulent et contrôlent le débat, puis ça, ça peut faire plus mal que l’enfer. Un réveil carnassier. Laisser contrôler le débat est une erreur et les révolutions sont nécessaires.


Crédit Photo @ Simon RD

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