Par Alexia Leblanc
La pénurie de cannabis à travers le Québec se poursuit et l’agence gouvernementale ne peut prédire quand le problème sera résolu. Il est difficile de faire un portrait de la situation pour l’année 2019 et les avis d’experts en la question sont assez partagés.
Un problème d’approvisionnement
Le 17 octobre dernier, la SQDC ouvrait ses 12 succursales dans différentes villes de la province. La forte demande avait dépassé les attentes et seulement 10 jours après la légalisation, les magasins devaient réduire leurs heures d’ouverture en raison d’un manque d’approvisionnement. Les succursales sont maintenant ouvertes du jeudi au dimanche et, même si le jeudi est censé être la journée où les étagères sont les plus remplies, la quantité de produits offerts demeure très limitée. Comme Fabrice Giguère, un porte-parole de la SQDC, l’a annoncé en entrevue avec La Presse, les succursales vont continuer d’être ouvertes que quatre jours par semaine, pour le moment.
La situation n’est d’ailleurs pas propre au Québec. Toutes les provinces du pays, à différents niveaux, ont le même défi. Le manque d’approvisionnement est le défi principal, comme l’a reconnu Justin Trudeau, et plusieurs experts estiment que la pénurie pourrait durer encore trois ans.
Une lutte difficile contre le marché noir
Un des objectifs principaux du gouvernement fédéral de légaliser la consommation récréative de cannabis était de lutter contre le marché noir, qui est très important au Canada. Selon l’Institut C.D. Howe, basée à Toronto, la production de cannabis au cours des 10 prochains mois ne pourra répondre qu’à 38 % de la demande. Comme Germain Belzile, un chercheur et économiste à l’Institut économique de Montréal (IEDM), l’a expliqué en entrevue avec Le Journal de Québec, « c’est vraiment très mal parti. On est rendus avec des magasins ouverts seulement quatre jours par semaine. Il y a de très bonnes chances que le gouvernement ne fasse pas d’argent avec cela. Ce sera un cas unique au monde. »
Même si ce n’est pas tous les experts qui s’entendent sur la solution, certains croient que le gouvernement du Québec devrait songer à privatiser la vente au détail du cannabis. Comme l’explique Germain Belzile, les coûts fixes sont très élevés et, bientôt, les employés de la SQDC seront payés comme ceux de la Société des alcools du Québec, ce qui pourrait être difficile à supporter pour le gouvernement. Ce ne sont toutefois pas tous les experts qui s’entendent sur cette option.
Si l’objectif était de récupérer une bonne part du marché noir la première année, le prix moyen du cannabis légal inquiète certaines personnes. Selon un rapport de Statistique Canada publié le 9 janvier dernier, « entre le 17 octobre et le 31 décembre, le prix moyen payé pour le cannabis séché provenant de fournisseurs légaux (9,70 $) était supérieur au prix payé pour le cannabis séché acheté auprès de fournisseurs illégaux (6,51 $). » L’agence rappelle toutefois que, puisqu’il s’agit d’une première étude, l’échantillon était assez restreint.
Des négociations entre la SQDC et le syndicat des TUAC
Le mercredi 16 janvier auront lieu des discussions entre la SQDC et le syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce avec l’objectif de conclure une première convention collective.
Le premier syndicat à avoir été accrédité est celui des TUAC pour deux établissements, soit celui de Rimouski et celui dans le quartier Rosemont, à Montréal. Deux autres succursales attendent toujours une réponse, soit celle de Mirabel et celle de Sainte-Foy, mais comme Jean-Marc Carron, coordonateur au recrutement à la section locale 501 des TUAC-FTQ, l’a assuré en entrevue avec La Presse canadienne, « tout va bien et l’ambiance est bonne ».
Le sort des huit autres succursales sera à déterminer au cours des prochaines semaines.
Une bonne nouvelle du côté de Sherbrooke
Les choses se passent un peu mieux pour une entreprise de la région. Neptune, une industrie sherbrookoise, a reçu, au début du mois de janvier, sa licence d’exploitation de Santé Canada pour la transformation du cannabis.
Connue autrefois sous le nom de Neptune Technologies et Bioressources, l’entreprise, qui se situe dans le parc industriel de la ville de Sherbrooke, se nomme maintenant Neptune Solutions Bien-Être. Le président, Michel Timperio, a confirmé que la production de cannabis pourra débuter dans les prochaines semaines et un des objectifs serait de pouvoir approvisionner la SQDC.
L’usine, qui se spécialisait avant dans la fabrication d’huile de krill, sera maintenant un important producteur de cannabis médicinal et ce changement permettra la création de plusieurs emplois de grande qualité, notamment en ingénierie et en biochimie. L’entreprise a d’ailleurs signé une entente avec Canopy Growth, une autre entreprise canadienne spécialisée dans la production et la distribution de cannabis à usage médical, située à Smiths Falls en Ontario. L’entente pluriannuelle permettra à Canopy Growth de renforcer ses capacités d’extraction, puisque Neptune a su parfaire ses techniques au cours des dernières années. Pour le moment, plus de 10 millions de dollars ont été investis.
Une période d’ajustement
Même si la situation des succursales québécoises de la SQDC semble assez difficile en matière d’approvisionnement, la plupart des experts confirment qu’il ne s’agit que d’une simple période d’adaptation. Le Canada étant le deuxième pays au monde à légaliser la consommation récréative de cannabis, il est difficile de se fier sur des modèles qui auraient déjà été adoptés. Il suffit donc pour les consommateurs d’attendre encore quelques années avant que l’ordre soit rétabli.
Crédit Photo @ Neptune