Union européenne et Donald Trump : un remaniement des relations 

Par Léopold Messina 

Les tensions entre l’Europe et Washington ont atteint un pic sans précédent. 

À la suite des nombreuses annonces de Trump, ce ne sont pas seulement le Canada et le Mexique qui sont visés. Au lendemain de sa rencontre avec Emmanuel Macron, le président américain a annoncé des tarifs de 25 % sur les produits européens, affirmant que l’Union européenne avait été conçue pour « arnaquer » les États-Unis. Les récents droits de douane américains, censés répondre à un sentiment « d’être mal traité » par ses alliés, engendrent de nombreuses mesures de la part de l’Union européenne, qui regrette de devoir y répondre. 

Le POTUS semble oublier que l’UE a été fondée dans le but de mettre fin aux guerres sur le continent et d’apporter paix et prospérité à un territoire ravagé par les grandes guerres. Sans compter que les Américains ont largement bénéficié du marché européen lors de la reconstruction et de la revitalisation du territoire après la Seconde Guerre mondiale. 

Le porte-parole de l’exécutif européen a tenu à rappeler l’importance de l’UE. « L’Union européenne est le plus grand marché de libre-échange au monde. Et elle a été une aubaine pour les États-Unis », a-t-il affirmé. 

L’attaque de Trump s’inscrit dans une série de tensions croissantes entre Washington et Bruxelles, exacerbées par certaines décisions récentes de l’UE qui ont frustré le président américain. La régulation des géants de la technologie est perçue par Trump comme une entrave au libre marché mondial, est un exemple frappant de cette discordance. 

En réponse aux déclarations de M. Trump, l’Union européenne, a immédiatement contesté les chiffres avancés par le président, qui affirmait que le déficit américain avec l’UE atteignait 300 milliards de dollars. Bruxelles soutient que ces chiffres sont erronés, précisant que le déficit réel sur les biens est de 157 milliards et chute à seulement 50 milliards lorsqu’on inclut l’excédent commercial américain dans les services.  

Après l’annonce récente de nouveaux droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium, l’Europe a réagi avec des contre-mesures, réactivant ainsi des dispositifs déjà en place lors du premier mandat de Donald Trump. 

Ursula von der Leyen a souligné que ces droits de douane ne sont rien d’autre que des taxes, dont l’impact se fera ressentir tant en Europe qu’aux États-Unis, en provoquant une hausse des prix pour les consommateurs et les entreprises. Elle a laissé entendre que ces décisions pourraient nuire à l’économie des deux côtés de l’Atlantique. 

Depuis plusieurs semaines, les déclarations de Trump ont semé l’incertitude, pesant sur l’économie américaine et mondiale. La Commission européenne, quant à elle, ne compte pas en rester là et a déjà annoncé une deuxième vague de représailles face aux décisions américaines. 

Une Europe en changement 

La politique de la Maison-Blanche ne semble pas plaire aux Européens, qui se mobilisent et multiplient les attaques contre la politique américaine. Face à ces tensions, les pays européens sont appelés à repenser leur dynamique et à privilégier une plus grande indépendance vis-à-vis des États-Unis. Cette volonté s’est notamment traduite par l’idée, autrefois défendue par Emmanuel Macron, de créer une armée européenne, une perspective renforcée par la guerre en Ukraine.  

Friedrich Merz, président des démocrates-chrétiens ayant remporté les élections en Allemagne, a de même soutenu une indépendance face aux États-Unis de Donal Trump. En rajoutant une possibilité de la fin de l’OTAN, avec la création d’une défense européenne, s’opposant ainsi au rapprochement russo-américain.  

Depuis presque une semaine, les Vingt-Sept ont annoncé un accord de 800 milliards d’euros pour la défense européenne, en réponse à l’arrêt du soutien de Washington envers ses alliés. On observe une véritable union des pays européens, ce qui est inédit. Tous ont suivi la même direction, à l’exception de la Hongrie, qui a refusé de signer cet accord. Ainsi, l’Europe assiste à un réarmement de ses pays. 

Ces derniers jours, plusieurs discussions ont eu lieu sur la reprise du service militaire. En France, 66 % des citoyens se disent favorables à un retour obligatoire de cette mesure. Une ancienne figure du parti vert allemand, autrefois opposée au service militaire, affirme désormais qu’il est nécessaire que l’Allemagne le réintroduise. 

Ce souhait d’indépendance se ressent également au magasin. Avec la politique du président américain, plusieurs citoyens canadiens ont commencé à boycotter les produits et entreprises américaines, une tendance qui commence à s’exporter en Europe.  

Au Danemark, une grande entreprise a identifié les produits européens avec une petite étoile pour faciliter le choix des consommateurs. À la suite de la rencontre de Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche, le géant du pétrole norvégien Haltbakk Bunkers a annoncé qu’il cessait immédiatement d’approvisionner les navires de la marine américaine. 

Bien que positif pour les produits locaux européens, le boycott de marques américaines produites en Europe, comme les M&M ou Coca-Cola, pourrait faire des ravages pour les travailleurs de l’UE. 

Une « Cour de Néron » à la Maison-Blanche 

Claude Malhuret s’est adressé au Sénat dans un discours dénonçant la politique de Donald Trump, établissant des parallèles avec la politique d’Hitler à l’égard de la démocratie allemande. Sa comparaison de Washington avec la « Cour de Néron » et sa qualification d’Elon Musk de « bouffon sous kétamine » ont notamment fait le tour du web dans les derniers jours. 

Les relations diplomatiques avec Washington sont en pleine mutation, notamment avec les élections en Allemagne qui pourraient redéfinir la dynamique du couple franco-allemand sur la scène internationale. Il reste à voir quelle direction prendra cette alliance stratégique dans les prochaines années de la présidence de Donald Trump, alors que les incertitudes grandissent quant à l’engagement des États-Unis envers l’Europe. 

Cependant, une chose est certaine : les Européens ne comptent pas cesser de dénoncer la politique de la « Cour de Néron » et les choix controversés de la Maison-Blanche. Face à un désengagement progressif de Washington, l’Union européenne a amorcé son réarmement et affiche une volonté ferme d’assurer sa propre défense, indépendamment du soutien américain.  

Cette nouvelle posture marque un tournant majeur dans l’histoire de la politique européenne de sécurité, témoignant d’une prise de conscience collective quant à la nécessité d’une autonomie stratégique renforcée. 


Crédits : Jonathan Ernst

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