Par Justine Danis

Le 10 février dernier, le Service des stages et du développement professionnel (SSDP) a organisé un midi-rencontre avec l’entreprise Imperial Tobacco Canada. De ce fait, nous nous sommes questionnés quant à la pertinence, aujourd’hui en 2025, de faire la promotion d’une entreprise qui produit du tabac.
Selon l’Enquête québécoise sur le tabac et les produits de vapotage menée en 2023, une personne sur dix fumerait la cigarette. La même étude a été réalisée, pour la première fois en 2020. Celle-ci a démontré que 12 % des personnes québécoises en haut de 15 ans fumaient la cigarette. En 2001, Statistique Canada avait recensé 26 % de la population canadienne qui fumait. En 2005, ce nombre avait diminué à 22 %. On le sait, les chiffres le prouvent : la consommation de cigarettes, donc de tabac, diminue à mesure que la société évolue.
Rien de nouveau, fumer c’est risqué
Les risques de consommation de tabac, on les connait, mais rien de moins qu’un petit rappel pour représenter la gravité de celle-ci. Selon Québec sans tabac, le tabagisme peut être relié à 16 cancers, tels que les cancers du poumon, de l’œsophage, du pharynx, de la cavité buccale, du col de l’utérus, etc. Sans oublier que le tabagisme peut être à l’origine de 21 maladies chroniques, dont les accidents vasculaires cérébraux, l’asthme, les pneumonies, la tuberculose et les parodontites. La société s’est résolue à constater, depuis longtemps, que la cigarette est nocive pour la santé. Les statistiques et les cas réels de santé le prouvent, c’est indéniable.
Malgré tout, lors du midi-rencontre, Imperial Tobacco Canada a misé sur son slogan Un avenir meilleur, signifiant vouloir bâtir un monde sans fumée. Dans sa présentation, pour « vendre » l’entreprise, les représentants ont mis l’accent sur les produits à risques potentiellement réduits, le salaire et les avantages sociaux. En revanche, qu’en est-il de l’éthique ?
Le SSDP éclaircit la situation
Pourquoi le Service des stages et du développement professionnel (SSDP) choisirait-il de faire de la place à une entreprise qui promeut des produits nocifs pour la santé ?
Afin de mieux comprendre le raisonnement derrière ce choix d’entreprise, Le Collectif s’est entretenu avec le directeur général du Service des stages et du développement professionnel, Alain Tremblay. Le but était de savoir si le SSDP était tenu d’accepter toutes les propositions d’entreprise en matière d’offres de stages aux personnes étudiantes.
« Le SSDP souhaite offrir à la communauté étudiante le plus grand buffet d’offres de stages possible. Si l’entreprise a toujours bien accueilli les personnes étudiantes et offre des stages de qualité, leur offre de stage est publiée. Pour le SSDP, c’est à l’étudiante ou l’étudiant de déterminer si l’offre de stage correspond à ses attentes, ses objectifs de carrière et, surtout, ses valeurs. Le SSDP ne se substitue pas aux étudiantes et étudiants dans cette réflexion. Il en va de même pour un stage chez Imperial Tobacco Canada que pour tous les autres stages affichés par le SSDP. »
Mais alors, est-ce que le SSDP a la capacité de refuser des entreprises en conséquence d’une inadéquation entre les valeurs de celle-ci et celles de l’Université de Sherbrooke ?
« C’est une grande question. Comme mentionné dans la réponse précédente, c’est à la personne étudiante de déterminer si l’offre de stage correspond à ses valeurs. Jusqu’à présent, l’Université reste neutre dans ce choix. »
Une réflexion étudiante
Il est plus qu’important de prendre le pouls des personnes étudiantes sur l’enjeu. Celui-ci peut rapidement créer un débat de principes. Plusieurs personnes étudiantes ont réfléchi à la question de valeurs et de moralité derrière la décision du SSDP. Par respect et à la demande des personnes concernées, certains témoignages resteront anonymes.
« C’est triste de voir que l’UdeS porte certaines valeurs qui ne sont pas toujours respectées. Il serait bon de donner un petit coup d’effort à travers l’université pour rendre l’entièreté de ses actions cohérentes avec les valeurs qu’elle prône. »
Il était primordial d’avoir un témoignage d’une personne étudiante qui se donne corps et âme en travaillant et en étudiant en santé :
« Honnêtement, en tant qu’étudiante en médecine, ça me laisse perplexe. Je ne connais pas tous les tenants et aboutissants derrière l’affichage des offres de stages […] Mais ce que je sais, c’est que le tabac tue. Et voir mon université, qui se positionne comme un leader en développement durable et qui est associée à un centre hospitalier, donner une tribune à une entreprise de tabac, ça ne passe pas. »
Selon elle, le danger du tabagisme est une des premières choses apprises dans la formation. « On sait à quel point il est dévastateur, et ce n’est pas juste théorique : en clinique, on voit des patients qui luttent toute leur vie contre cette dépendance. On se bat quotidiennement pour aider les patients à arrêter de fumer, alors imaginer leur réaction s’ils apprenaient que mon université donne de la visibilité à une compagnie de tabac… ça me mettrait mal à l’aise. »
En terminant, elle ajoute : « Est-ce que, vraiment, en 2025, une université qui se dit engagée pour la santé et le développement durable peut rester “neutre” sur ce genre de sujet ? J’ai du mal à voir la cohérence. »
Il est alors à se demander si, en offrant une tribune à une compagnie de tabac comme Imperial Tobacco Canada, le SSDP n’allait pas à l’encontre du positionnement de l’Université de Sherbrooke comme l’une des meilleures universités au monde en matière de développement durable et son campus de la santé annexé à un centre hospitalier. M. Tremblay a répondu brièvement :
« Pour le SSDP, le même raisonnement devrait se faire pour les minières, les compagnies de pétrole ou d’armement… le dernier mot revient toujours aux personnes étudiantes. »
En somme, le Service des stages reste clair et concis sur son raisonnement : le choix relève de la communauté étudiante. En ce sens, le SSDP n’exerce que son rôle d’offrir des opportunités et l’affichage d’offres de stages.
Bref, une réflexion s’impose !
Source : Justine Danis

Justine Danis
Dynamique et avide de nouvelles aventures, elle plonge avec enthousiasme dans le Collectif en tant que cheffe de pupitre pour la section Campus. Grande passionnée de la vie universitaire, ce poste est pour elle l’occasion rêvée. Après avoir gradué au baccalauréat en science politique, elle entame une maîtrise en communication marketing, afin d’enrichir son expérience acquise dans le secteur municipal. Elle saura mettre en lumière l’Université de Sherbrooke, en romantisant ou en démontrant la réalité du campus d'une manière unique et captivante. Vous découvrirez le campus comme vous ne l'avez jamais vu.