Une victoire de Trump au goût amer 

Texte d’opinion par Emmy Lachance 

La réélection de Trump, le 5 novembre dernier, est un résultat prévisible, mais décevant.  

Nous sommes le mercredi 6 novembre, il est huit heures du matin. Je me lève plus tard qu’à l’habitude, car je suis restée debout la nuit dernière pour regarder les résultats de l’élection présidentielle américaine. Quand je me suis couchée, les deux candidats étaient au coude à coude dans les États clés. Je regarde mon téléphone et je consulte les nouvelles : mon cœur fait un bond. Donald Trump a été réélu.  

Un résultat attendu, mais décevant 

Je ne suis pas surprise de la réélection de Trump, bien que mes espoirs ne s’étaient pas complètement éteints face à une victoire possible de Harris. Après le débat catastrophique entre Trump et Biden en juin dernier, j’avais presque perdu espoir d’éviter un retour du républicain au sommet du pays le plus influent au monde, qui est également notre voisin. Mais lorsque la candidature de Kamala Harris a été annoncée pour remplacer le président dans la course, j’ai senti une vague de positivisme, et un regain d’optimisme.  

À partir du mois d’août et jusqu’à la fin octobre, la majorité des sondages nationaux donnaient la victoire à Harris. La possibilité d’une première femme noire et d’origine indienne à la tête des États-Unis semblait tout à fait plausible. Puis les sondages de la dernière semaine avant les élections ont commencé à montrer une tendance de plus en plus forte pour Trump. La victoire de ce dernier ne se présente donc pas comme un choc, mais plutôt comme une déception.  

Pour moi, la plus grande déception est l’écart dans les résultats obtenus par les deux candidats. Dans les deux dernières élections, la population américaine avait donné son appui en majorité au candidat démocrate. Bien que Trump ait obtenu la majorité du collège électoral en 2016, c’est Clinton qui avait gagné le vote populaire, et ce, par près de 2.9 millions de voix. Mais cette fois-ci, selon les résultats préliminaires, Trump a non seulement remporté le collège électoral, mais il a également obtenu la majorité du vote populaire, avec plus de 4.8 millions de voix, selon les prédictions de CNN en date du 6 novembre.  

Pourquoi un tel écart ? 

Devant ces résultats, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui a poussé les Américains à voter en si grand nombre pour un homme qu’ils avaient mis à la porte en 2020, et dont les accusations et procédures judiciaires qui le touchent sont aussi nombreuses que sérieuses.  

Complot pour tentative d’invalidation de résultats électoraux en Géorgie, tentative de retournement des résultats de l’élection le 6 janvier 2021, paiement illicite pour faire taire une femme avec qui il a eu des relations sexuelles, et possession illégale de documents classifiés sont les accusations criminelles portées contre le nouveau président élu. Et cela n’inclut pas les affaires civiles, dans lesquelles il a été reconnu responsable de fraudes financières, de diffamation et de viol. Ces nombreuses accusations, ajoutées aux fréquents commentaires misogynes et racistes de Trump, n’ont pas empêché la population américaine, pourtant constituée de 50.5 % de femmes et de 41.6 % de personnes non blanches, à redonner à ce personnage l’une des positions les plus puissantes au monde.  

L’une des raisons avancées par les experts est que les Américains ont voté pour l’économie, avant les questions sociales. Si Harris avait construit sa campagne autour des droits humains et de la protection des populations vulnérables, celle-ci n’avait pas réussi à obtenir la confiance des Américains pour renforcer l’économie, selon les sondages. Trump, de son côté, avait misé sur l’économie. Il faut reconnaitre que le président élu a effectivement réussi à maintenir une économie forte durant la pandémie de COVID-19. Cela s’est probablement fait au détriment d’autres facteurs, comme la santé de la population, mais il serait hypocrite de ne pas reconnaitre l’apport de Trump à l’économie américaine. C’est possiblement pour cette raison que sa candidature a suscité autant d’intérêt.  

Une autre raison pour expliquer la victoire de Trump évoquée par les analystes en politique américaine est le bilan de Biden. Le taux d’approbation du 46e président est très bas. Les dernières données en date du 4 novembre estiment que Biden avait l’appui de seulement 38.5 % de la population. C’est plus bas que le taux d’approbation des trois derniers présidents, lorsqu’on le compare au même moment de leur présidence. 

Quel avenir pour les États-Unis ? 

La question des droits des femmes et des minorités est remise de l’avant, maintenant que le républicain a été réélu. Lors de son dernier passage à la Maison-Blanche, Trump a réussi son pari de nommer trois juges conservateurs à la Cour Suprême. Le remplacement d’anciens juges plus démocrates, comme la défunte Ruth Bader Ginsburg, a fait basculer le tribunal de neuf juges du côté conservateur, avec six juges nommés par des présidents républicains, influencés par la droite religieuse conservatrice. C’est cette cour majoritairement conservatrice qui a pris la décision d’invalider l’arrêt Roe v. Wade, qui protégeait le droit à l’avortement au niveau fédéral, pour plutôt retourner cette décision aux États.  

Depuis l’annulation de ce droit, 13 États ont mis en place des interdictions totales de l’avortement, la majorité sans exception pour les cas de viols ou d’incestes. De plus, huit États ont annulé le droit à l’avortement après 18 semaines de grossesse. Des femmes se voient aussi refuser l’accès à des soins de santé lorsqu’elles vivent des complications de grossesse, par peur des médecins d’être dans l’obligation de procurer un avortement pour sauver la vie de la femme et de commettre par le fait même un acte illégal. L’attitude de Trump face à ces régulations est inquiétante pour de nombreuses femmes, qui ne veulent pas être contraintes à porter une grossesse à terme. Il s’est effectivement vanté à de nombreuses reprises d’être la raison pour laquelle l’arrêt Roe v. Wade a été annulé. Bien qu’il ait annoncé sur son réseau Truth Social qu’il apposerait son veto à une interdiction de l’avortement au niveau fédéral, ses prises de positions inconsistantes ne font rien pour rassurer de nombreuses femmes.  

Les prochaines années nous indiquerons quelles seront les conséquences d’une seconde présidence Trump. Espérons que les positions controversées de l’homme d’affaires n’entrainent pas plus de chaos dans le monde, qui est déjà surpassé par un nombre incalculable de conflits et de menaces à la vie et aux droits humains.  


Source: Rawpixel

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