Par Meg-Anne Lachance

Les conservateurs centristes ont remporté les élections législatives allemandes du 23 février dernier. L’Alternative pour l’Allemagne (AFD) a obtenu le deuxième plus grand nombre de voix, faisant de ce scrutin un moment historique pour l’extrême droite. Ce résultat met officiellement fin au gouvernement hautement critiqué du chancelier Olaf Scholz.
C’est le chef de file des chrétiens-démocrates, Friedrich Merz qui prendra le flambeau. Pour la politologue et présidente de la Hertie School de Berlin, Cornelia Woll, Merz « doit faire face à des tâches herculéennes ». Selon cette dernière, il est nécessaire que « l’Allemagne soit rapidement en mesure d’agir pour ne pas être simple spectatrice au moment où Trump et Poutine façonnent l’avenir ».
Le chef de la droite se donne deux mois, soit jusqu’à Pâques, pour surmonter les divergences, notamment budgétaires, entre les deux partis et doter le pays « d’un gouvernement efficace ».
« Le monde ne nous attend pas, les choses continuent de changer rapidement », a répété lundi le futur chancelier.
L’incertitude plane
Bien que victorieux, un important défi attend Friedrich Merz; la formation du gouvernement. Le scénario possible d’une formation des trois partis, identique à la dernière coalition, augmente les chances de l’Allemagne d’avoir de nouveau un gouvernement lourd et instable. Les élections de la semaine dernière se sont tenues sept mois avant la date initialement prévue, justement en raison de l’effondrement de la coalition.
Avec seulement 29 % des voix, les conservateurs auront besoin d’un, voire peut-être deux, partenaires pour former le gouvernement. Une situation que la population espérait éviter après l’échec massif de la coalition tripartite d’Olaf Scholz.
M. Merz a cependant affirmé être « déterminé à tenir des discussions constructives, bonnes et rapides avec les sociaux-démocrates ».
Beaucoup désirent le retour de la coalition d’Angela Merkel, formée des chrétiens-démocrates en tête et les sociaux-démocrates comme seul partenaire de second rang. Mais à l’heure actuelle, l’entrée possible de l’Alliance Sahra Wagenknecht laisse planer le doute. Si l’Alliance parvenait à atteindre les 5 % nécessaires pour être admis au parlement, M. Merz serait contraint à former à nouveau une coalition tripartite.
Malgré tout, l’idée d’une coalition du même type que sous Mme Merkel entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates perdure au sein de la population. Cependant, avec le fossé qui s’est creusé entre les deux partis depuis les dernières années et la possible présence de l’Alliance au parlement, cela rend le tout plus difficile. Friedrich Merz, ancien opposant à Angela Merkel, a pris un important tournant vers la droite sur différentes questions, dont l’immigration illégale.
Les extrêmes sur un élan
Une des complications dans la formation du futur gouvernement provient du refus de M. Merz de s’allier au parti arrivé en 2e position. En effet, en raison des propos très souvent dénoncés de l’AFD, ce dernier a promis de ne jamais s’associer à ce parti.
L’AFD a été accusée à plusieurs reprises d’avoir des slogans frôlant ceux nazis et d’être impliquée dans des complots visant à renverser le gouvernement. Le parti n’a d’ailleurs pas de gêne à minimiser l’Holocauste.
Avec la montée importante des partis proches des extrêmes, Friedrich Merz reconnaît lui-même que ces élections représentaient un « dernier avertissement » aux partis modérés. Depuis les dernières années, les partis plus extrémistes gagnent en popularité.
« Les gens en ont assez. Ils ne sont pas contents de la politique pratiquée par les partis traditionnels parce que les prix augmentent toujours plus […] et les gens ont vraiment peur après la série d’attentats [commis ces dernières semaines dans le pays] », a exprimé en entrevue une électrice de l’AFD.
Les dernières élections ont été historiques pour le mouvement nationaliste d’Alice Weidel. Pour la première fois de son histoire, l’AFD ressort de la campagne électorale avec 20,5 % des voix, le double de ce qu’elle avait pu récolter quatre ans plus tôt. La cheffe du parti, soutenue par Donald Trump, a affirmé vouloir « dépasser » le parti conservateur « au cours des quatre prochaines années et devenir le premier parti » du pays.
De son côté, le parti de l’extrême gauche, Die Linke, a lui aussi terminé les élections avec un résultat surprenant. Son programme social très hostile à l’égard de l’extrême droite semble avoir conquis la jeunesse du pays, lui permettant ainsi d’atteindre 8,8 % des votes.
Pour une Europe plus forte
« La priorité absolue, pour moi, sera de renforcer l’Europe aussi rapidement que possible afin que nous puissions progressivement parvenir à une véritable indépendance vis-à-vis des États-Unis », a affirmé le gagnant des élections après la fermeture des bureaux de vote.
Dans les promesses de Friedrich Merz, il y a le souhait d’avoir une politique étrangère plus forte pour l’Ukraine, d’une formation rapide du gouvernement et du rétablissement du « leadership fort » de l’Allemagne en Europe.
Bien que plusieurs voyaient en l’homme d’affaires le meilleur partenaire allemand pour le président américain, les propos de M. Merz sur M. Trump des dernières semaines semblent avoir fait changer d’avis.
« Je n’aurais jamais pensé dire quelque chose comme ça à la télévision, mais après les commentaires de Donald Trump la semaine dernière, il est clair que cette administration est largement indifférente au sort de l’Europe, ou du moins à cette partie de l’Europe », admet Friedrich Merz.
Le futur chancelier a fermement condamné ce que la population allemande considère comme étant « une ingérence des fonctionnaires de l’administration Trump » pour l’AFD.
Quelques semaines plus tôt, le vice-président J.D. Vance et le milliardaire Elon Musk avaient tous deux partagé publiquement leur appui au parti de l’extrême droite. Ces appuis avaient fortement fait réagir, et semblent finalement avoir fait profiter le parti Die Linke.
Pendant que Friedrich Merz se prépare à prendre la tête du gouvernement, l’Allemagne continue d’être déchirée. Avec le portait actuel, toutes les options semblent être imaginables; la création d’une forte coalition ou le retour à une instabilité gouvernementale.
Crédit : Steffen Prosdorf

Meg-Anne Lachance
Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!