Par Rémi Brosseau-Fortier

La région du Nord-Kivu est confrontée à une crise majeure avec les récentes offensives conjointes du groupe armé M23 et des forces de défense rwandaises. Depuis la chute de Goma, la capitale de cette province de l’est de la République démocratique du Congo, ce sont plus de 110 000 personnes qui ont été déplacées, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Les responsables onusiens ont condamné ces offensives armées et ont exprimé des préoccupations sur le bien-être des personnes déplacées.
L’offensive du M23 a déjà causé, a minima, 600 000 déplacés depuis le 30 novembre 2024. Le Programme alimentaire mondial (PAM) s’inquiète de l’insécurité alimentaire vécue par ces personnes. Le PAM rapporte une augmentation du prix des aliments de base tels que la farine de maïs (près de 70 %), le sel, l’huile d’arachide et l’huile de palme (45 %) depuis janvier 2025.
La conséquence? La proportion de ménages du Nord-Kivu ayant une mauvaise consommation alimentaire a bondi de 13 % en décembre 2024 à 71 % en février 2025.
Des risques pour les femmes et les enfants
Tandis que les conditions de vie se dégradent, les femmes et les filles sont confrontées à des enjeux sexospécifiques accrus. Les cas de violences physiques et sexuelles pouvant mener jusqu’à la mort sont à la hausse malgré les efforts de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO).
De nombreuses personnes de genre féminin sont également attaquées par des militants du M23 lorsqu’elles ramassent du bois de chauffage et certaines doivent avoir recours à la pratique du « sexe de survie » pour éviter la mort.
Selon la porte-parole du PAM en RDC, Shelley Thakral, « mettre de la nourriture entre les mains des femmes et leur offrir des moyens de subsistance est essentiel pour réduire la violence envers les femmes et les filles ». Afin de répondre aux besoins criants, 57 tonnes de nourriture seront distribuées par l’agence onusienne pour soutenir 11 000 enfants et femmes enceintes ou allaitantes directement menacées de malnutrition sévère.
La communauté internationale dénonce les actions du Rwanda
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a réitéré son appel au respect de l’accord de cessez-le-feu ratifié le 30 juillet 2024 entre la RDC et le Rwanda. De plus, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité la résolution 2773 exigeant la cessation de toute hostilité, la renégociation d’un cessez-le-feu et le retrait immédiat du M23 et des forces armées de Kigali.
Pour Kinshasa, cette déclaration arrive trois semaines trop tard, ce qui a « laissé libre cours à la poursuite de l’occupation illégale de territoires de la RDC par le Rwanda et ses supplétifs du M23 ».
Pour la France, l’adoption du texte « envoie un message clair : il n’y a pas d’issue militaire au conflit dans l’est de la RDC ». Même son de cloche du côté du Royaume-Uni, de la Chine et de la Fédération de Russie : le Rwanda doit impérativement s’assoir à la table des négociations.
De son côté, le gouvernement rwandais nie tout lien avec le M23 et évoque le motif de la « sécurité nationale » posé par la collaboration entre les forces armées de la RDC et les milices congolaises anti-Hutus, notamment les FDLR (Forces démocratiques de la libération du Rwanda) accusées d’actes « génocidaires ».
Crédit : Al Jazeera-Flickr