Syrie : la fin d’une ère tumultueuse? 

Par Meg-Anne Lachance 

Après deux semaines de violentes frappes rebelles, le président Bachar al-Assad a quitté la Syrie pour la Russie, mettant fin à un règne de plus de 50 ans. 

Après plus de 20 ans au pouvoir, le président Bachar al-Assad a dû quitter son poste, après avoir été renversé par des rebelles syriens le 7 décembre dernier. Son départ arrive après deux semaines d’offensive éclair qui ont mis fin au contrôle gouvernemental des grandes villes et qui ont plongé le président al-Assad dans une situation de crise. Cette annonce met fin à cinq décennies de règne du parti Baas. 

Les rebelles menés par des islamistes radicaux ont annoncé être entrés, dimanche dernier, dans la capitale Damas après une offensive fulgurante en Syrie, faisant fuir selon eux le président Bachar al-Assad. C’est via l’application Telegram que les groupes rebelles ont fait cette annonce, en affirmant notamment que « le tyran Bachar al-Assad a pris la fuite » et « nous proclamons la ville de Damas libre ».  

« Assad a quitté la Syrie via l’aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent le site », a par la suite confirmé à l’AFP le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. 

Débutées le 27 novembre dans le nord-ouest de la Syrie, les offensives rebelles ont rapidement permis aux groupes de prendre le contrôle de plusieurs grandes villes clés. Peu de temps avant le renversement, les rebelles avaient exprimé leur souhait de renverser le président syrien. Le chef du groupe HTS, Hayat Tahrir al-Sham, confirmait également avoir des forces en action à Damas. 

Une fin abrupte 

« Après 50 ans d’oppression sous le [parti au] pouvoir du Baas, et 13 années de crimes, de tyrannie et de déplacements [depuis le début du soulèvement en 2011, NDLR] nous annonçons aujourd’hui la fin de cette ère sombre et le début d’une nouvelle ère pour la Syrie », ont exprimé les rebelles. 

Selon l’OSDH, le président Bachar al-Assad a pu quitter la Syrie par avion, quelques heures avant le retrait des forces gouvernementales de l’aéroport international de Damas. Le Kremlin a confirmé la présence d’Assad et de sa famille en territoire russe. 

Armée affaiblie, absence d’alliés, le président syrien était, depuis les dernières semaines, pris au fond du tunnel. Pour Aron Lund, spécialiste du centre de réflexion Century International, la faiblesse du régime Assad et la diminution de l’aide humanitaire sont « les principaux facteurs » derrière le succès des rebelles. 

Débuté avec 300 000 soldats, les forces militaires ont réduit d’environ de moitié dans les premières années de la guerre civile. Débutée en 2011 avec la répression sanglante de manifestations antigouvernementales, la guerre civile syrienne a fait, à l’heure actuelle, plus de 500 000 morts. 

« Depuis 2011, on assiste à un délitement en termes d’effectifs, d’équipements et de motivation de l’armée », explique, à l’AFP, David Rigoulet-Roze de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).  

En plus de ces difficultés militaires, les deux alliés majeurs du pouvoir syrien, la Russie et l’Iran, n’a cette fois pas aidé le président. C’était grâce à leur appui que Bachar al-Assad avait pu reprendre des territoires perdus après 2011. En 2015, l’intervention russe, notamment par un soutien aérien, avait renversé le cours de la guerre en sa faveur. 

Le Hezbollah libanais a également retiré ses forces de la périphérie de Damas et de la région de Homs. L’OSDH a annoncé à l’AFP que le mouvement islamiste libanais « a demandé ces dernières heures à ses combattants de se retirer de la région de Homs ». Une source a par la suite confirmé le retrait des soldats de la capitale syrienne. 

Avec le conflit actuel en Israël, l’Iran et le Hezbollah se sont retrouvés trop affaiblis pour soutenir activement Bachar al-Assad. 

Quel futur pour la Syrie? 

D’importantes foules se sont rassemblées sur les places centrales de Damas le 8 décembre, brandissant le drapeau révolutionnaire syrien. Pour une grande partie de la population syrienne, la fin du gouvernement Assad représente la fin d’une guerre civile qui ravage le pays depuis près de 14 ans. 

« Il y a un réel espoir que les Syriens auront droit à un système de gouvernance moins cinglant que celui d’al-Assad. Ça se voit, il n’y a plus d’appétit pour une Syrie dirigée par un État extrémiste, animé par la violence », soulève Ruby Dagher, professeure de l’Université d’Ottawa. 

Le départ d’Assad apporte cependant son lot d’inquiétudes; la Syrie devra trouver un remplaçant. « Les gens célèbrent en ce moment, mais la réalité, c’est qu’on en sait très peu sur ce qui s’en vient, sur le nouveau régime qui se mettra en place. C’est relativement rare que lorsqu’un groupe de rebelles prend le pouvoir par la force, ça mène à une démocratie », évoque le chercheur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, Jean Lachapelle. 

La Syrie, profondément marquée par des années de guerre civile, doit maintenant se reconstruire, ce qui représente un défi énorme pour un pays déchiré par des tensions sectaires. 

Deux jours après la chute du gouvernement, le commandant général de la coalition rebelle, Mohammad al-Bachir, a été nommé comme premier ministre chargé de la transition en Syrie jusqu’au 1er mars. Ce dernier a aussitôt promis le calme et la stabilité à la population syrienne. 

« Il est temps pour ce peuple de jouir de la stabilité et du calme […] et de savoir que son gouvernement est là pour lui fournir les services dont il a besoin. La mission du gouvernement intérimaire consiste à préserver la stabilité des institutions et à éviter la désintégration de l’État », a déclaré M. Bachir lors d’une entrevue pour la chaîne Al Jazeera. 

Le G7 s’est dit prêt à soutenir une transition vers un gouvernement « inclusif et non sectaire » en Syrie et appelé ses nouveaux dirigeants à soutenir les droits des femmes, l’État de droit et « les minorités religieuses et ethniques ». Du côté américain, les États-Unis ont affirmé qu’ils « reconnaîtront et soutiendront pleinement un futur gouvernement syrien issu d’un processus [politique] inclusif ». 

L’ONU a quant à elle demandé la libération immédiate des « innombrables » personnes encore arbitrairement détenues et a appelé le nouveau gouvernement à « préserver les preuves des atrocités » d’Assad. Le Programme alimentaire mondial de l’ONU réclame 250 millions de dollars « de toute urgence ». Selon ses estimations, 2,8 millions de personnes déplacées et vulnérables seraient en situation de difficulté alimentaire. 


Source: Wikimedia Commons

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