SAAQclic toujours dans l’eau chaude 

Par Meg-Anne Lachance 

Initialement prévue à 638 millions $, la plateforme SAAQclic a jusqu’ici coûté 1,1 milliard de dollars. 

Rapport accablant, enquête publique et maintenant accusation d’outrage au parlement, le « fiasco SAAQclic » ne semble pas s’arrêter. Un mois après le début de l’enquête demandée par François Legault, la présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, a accusé la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) d’avoir transmis « intentionnellement » de fausses informations aux personnes députées. 

« La SAAQ ne pouvait ignorer qu’elle entravait le pouvoir de contrôle de l’Assemblée. Elle savait ou aurait dû savoir que les renseignements qu’elle transmettait à la Commission de l’administration publique (CAP) étaient incomplets, erronés ou trompeurs », a déclaré Nathalie Roy au Salon rouge, le 2 avril dernier. 

Le PDG de la SAAQ, Éric Ducharme, et plusieurs anciens dirigeants de la société d’État, dont Nathalie Tremblay, Denis Marsolais, Caroline Foldes-Busque et Karl Malenfant, sont accusés d’avoir transmis de mauvaises informations à la CAP. 

Avec ce signalement, Mme Roy vient de déclencher le long processus d’outrage au Parlement. Le dénouement de ce très rare mécanisme parlementaire devra, s’il se rend à terme, être décidé par les personnes députées. 

L’opposition officielle n’a pas caché son souhait de voir la Commission de l’Assemblée nationale (CAN) se pencher sur ce possible outrage au Parlement. 

« Il est inacceptable qu’une société d’État […] se permette de transmettre de fausses informations aux parlementaires. Il s’agit d’un grave manque de transparence et de respect envers notre institution », a affirmé Monsef Derraji, porte-parole en matière de transport de l’opposition. 

M. Derraji a demandé « la tenue rapide d’une enquête de la CAN », une démarche également supportée par Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ). 

Une transition numérique ratée 

Le « fiasco SAAQclic » n’en est pas à son premier revers. La plateforme a été qualifiée « d’échec sur toute la ligne » par la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, dans son rapport sorti en février dernier. 

Initialement créée pour moderniser les systèmes informatiques de la SAAQ, la plateforme lancée en 2023 avait plutôt mené à l’engorgement du service à la clientèle. Certains concessionnaires automobiles se sont retrouvés dans l’incapacité de livrer leurs marchandises, et plusieurs personnes utilisatrices ont été incapables de renouveler leur permis de conduire ou de payer les droits d’immatriculation. 

Or, le rapport de Mme Leclerc avait révélé que moins de 80 % des tests finaux nécessaires avaient été complétés par la direction du programme. 

« La direction du programme CASA n’a pas effectué les tests nécessaires avant la mise en service du nouveau système informatique en février 2023. La qualité des tests réalisés, notamment, était insuffisante pour réduire les risques associés au fait de procéder à une seule mise en service pour tous les points de service », peut-on lire dans le rapport d’une cinquantaine de pages. 

Un ancien membre du conseil d’administration avait justifié la mise en ligne hâtive de la plateforme par « la pression » de « livrer la marchandise », malgré la présence de problèmes bien connus par la direction du programme CASA. 

« Tout au long de l’année 2022, différentes firmes ont produit des avis écrits indiquant que les retards dans la réalisation des tests ainsi que la qualité de ces derniers engendraient des risques importants. » 

Cette dernière a toutefois dissimulé ces craintes au comité de direction et au conseil d’administration de la SAAQ, comme l’a expliqué Mme Leclerc en conférence de presse. 

« Lors de la prise de décision concernant la date de mise en service, la direction du programme n’a pas informé adéquatement le conseil d’administration et le comité de direction de la SAAQ du fait que les tests n’étaient pas terminés et qu’il n’était pas prévu qu’ils le soient avant la mise en service. » 

Le projet sous enquête 

Dans cet élan de déboires, le premier ministre François Legault a annoncé, en mars dernier, l’ouverture d’une enquête publique et indépendante sur le « fiasco SAAQclic ». 

« Comment a-t-on pu en arriver à lancer un projet aussi mal préparé ? On doit comprendre pourquoi et comment c’est arrivé pour ne pas répéter les mêmes erreurs dans l’avenir », avait-il écrit sur son compte X. 

« Le gouvernement ne va pas se défiler de ses responsabilités. On va aller au fond des choses, on va analyser ce qui n’a pas fonctionné et on va rectifier le tir. » 

Bien qu’il affirme ne rien avoir à se reprocher, Éric Caire a démissionné de son poste de ministre de la Cybersécurité et du Numérique, le 27 février. 

Le journal Le Devoir a cependant dévoilé, il y a quelques semaines, que M. Caire avait été informé des dépassements de coûts majeurs du projet en juin 2022. Selon La Presse, le Conseil exécutif aurait lui aussi été mis au courant en novembre de la même année. 

« Les Québécois ont le droit de connaître la vérité avant de se rendre aux urnes », a quant à lui écrit M. Derraji sur son compte X. 

Mais si l’ouverture de cette enquête semble faire l’unanimité au sein des partis d’opposition, l’étendue de cette dernière ne plaît pas à tout le monde. Le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, a d’ailleurs formulé sept demandes pour cette enquête, dont celle de ne pas déclencher d’élections d’ici la publication du rapport final en juin 2026. 

« Pour aller au fond des choses et éviter d’autres fiascos, il faut que le mandat de la commission d’enquête publique soit élargi à l’ensemble de la transformation numérique des services de l’État », a réclamé la co-porte-parole de QS, Ruba Ghazal. 

De son côté le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime a demandé de réels résultats. « Pas question d’une enquête qui dure deux ans, avec une longue liste de recommandations bureaucratiques, sans nommer ni accuser les responsables politiques. » 

Les trois partis d’opposition réclament cependant tous la démission du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, qui était aux Transports dans les années qui ont précédé le virage numérique de la SAAQ. 

« Il faut que la CAQ rende des comptes sur la question de la dissimulation de l’information », conclut M. Plamondon.  


Source : Allo permis

Meg-Anne Lachance
Cheffe de pupitre SOCIÉTÉ at Journal Le Collectif  societe.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!

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