Les Nations-Unies et le Conseil de sécurité : les défis de l’édification d’une communauté internationale – Deuxième partie

Campus-dossierspecial-onuPar Julia Poulin

Portrait d’un gouvernement à vocation universelle

Dans le temple des Nations-Unies, les membres permanents du Conseil de sécurité sont les gardiens d’un idéal. Cet idéal, c’est celui de la réalisation de la paix et de la sécurité mondiale qui devrait en principe les conduire à agir résolument et en synchronicité avec tous les membres de la communauté internationale. En pratique, toutefois, de nombreux défis tendent à corrompre la poursuite de cet objectif. Plusieurs se questionnent d’ailleurs sur le bien-fondé de cette institution vieillissante et sur l’efficacité de celle-ci qui, le 24 octobre dernier, a célébré son 69e anniversaire de création depuis l’entrée en vigueur de la Charte des Nations-Unies en 1945. Cet évènement permet un moment de réflexion pour célébrer les réussites de l’Organisation, mais aussi pour soulever l’existence d’obstacles et de faiblesses qui s’interposent sur le chemin de la paix.

À notre tour, en tant qu’observateur jouissant d’une perspective externe pour juger de cette institution, c’est un moment tout indiqué pour s’interroger au sujet des motivations sur lesquelles reposent les décisions adoptées par le Conseil de sécurité. L’humain se trouve-t-il encore au cœur des choix du Conseil de sécurité où l’intérêt de celui-ci tend à plier vis-à-vis des considérations nationales des membres permanents ? Le Conseil de sécurité fait face à de puissantes critiques à l’égard du mécanisme de droit de veto, sans parler du fonctionnement antidémocratique et archaïque de l’organe.

Tout d’abord, nul ne peut nier que la logique de l’intérêt national domine fortement les décisions et biaise celles-ci par l’exercice du droit de veto des membres permanents. Ce mécanisme est un privilège accordé à un pays afin d’arrêter unilatéralement une décision commune, ce qui s’ensuit d’un pouvoir illimité de blocage octroyé aux gouvernements qui les détiennent. Tel que l’histoire a pu nous le démontrer, de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. À chaque fois qu’un pays utilise ce privilège, que ce soit à des fins politiques, dans le but de protéger un gouvernement allié ou de servir ses intérêts nationaux, on empêche ou on restreint la réaction de l’ONU face à des situations critiques où les conséquences humaines devraient être au cœur des préoccupations. L’histoire nous a aussi appris que bien souvent l’ONU en ressortait peu outillée pour faire face aux tensions entre les pays. Nous n’avons qu’à penser au génocide rwandais ou à celui de Srebrenica, au conflit syrien lorsque les interventions américaines ont été contrées par le veto russe ou encore les initiatives prises dans le cas du conflit israélo-palestinien où les États-Unis ont exercé leur veto onze fois pour bloquer les ingérences menaçant la souveraineté de leurs alliés. Bref, tout porte à croire qu’un tel outil n’a jamais été utilisé de façon légitime…

Des rivalités politiques minant la poursuite de l’intérêt commun

Il est de mon avis qu’en 2014, le veto apparaît comme une pratique totalement archaïque et contraire aux principes d’égalité et de démocratie que l’Organisation s’évertue à instaurer planétairement. Ce sont encore les pays les plus puissants qui ont le plus de chance de faire valoir leur avis sur la scène internationale et qui, ultimement, dominent celle-ci par des stratégies douteuses et une ligne directrice profondément discutable. En effet, qui sont la Russie, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis pour dicter quelles seront les interventions de la communauté internationale alors que cette composition des membres permanents est inchangée depuis ces 69 années et reflète toujours les réalités politiques et militaires de la Deuxième Guerre mondiale ? On remarque, d’ailleurs, au sein même du Conseil de sécurité des pratiques contradictoires. D’un côté, nous avons les principes d’égalité et de démocratie illustrés par le droit de vote égal des membres non permanents et la composition hétérogène de ce sous-groupe où on exerce une rotation et un souci de représentation de tous les continents. De l’autre, nous avons les 5 Tout-Puissants, qui n’ont jamais été délogés et dont l’arbitraire diplomatique n’a aucune limite grâce à leur veto.

En toute logique, pour exercer cette mission de paix et de sécurité dans le contexte d’aujourd’hui, les membres permanents du Conseil de sécurité devraient refléter les réalités de l’émergence de nouveaux leaders tels que le Japon, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, etc. Je ne dis pas que ces pays changeraient la donne et n’utiliseraient pas leurs nouvelles prérogatives pour servir leur intérêt national ou gagner au jeu des rivalités politiques… Cela dit, j’estime qu’un vent de changement au sein de cette institution serait bénéfique pour tous, ne serait-ce que pour affirmer que le monde d’aujourd’hui est radicalement différent et que celui-ci prend des mesures concrètes pour pallier à ce changement.

En définitive, notons que les défis sont nombreux, car tous les pays portent avec eux un lourd bagage historique chargé d’une culture unique, d’une religion qui leur est propre, d’alliés et d’ennemis incontestables et de maux économiques et sociaux. Néanmoins, je partage une vision humaine de cette immense plateforme internationale qu’est l’ONU, qui, il y a de ça 69 ans, a décidé de vivre avec cette pluralité de nations et de tendre vers l’harmonisation des nations au profit d’une paix mondiale durable.

L’ONU doit continuer de tenir une vision humaine, parce qu’entre les échecs et les réussites, l’hostilité et l’acclamation publique, les évènements tragiques et les moments de gloire, la stagnation et l’évolution, je souhaite que cette institution se relève de ces moments de faiblesse, se corrige et se réforme. Plus important encore, je souhaite qu’elle ne cesse jamais de lutter pour rendre les marginaux et les vulnérables maîtres de leur avenir en trouvant un terrain commun pour édifier une fraternité humaine.

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