La perception de l’environnement aux Îles Vierges

Par Frédérique Charron

En arrivant aux Îles Vierges, la première chose qui m’a sauté aux yeux était la gestion des déchets et la gravité du système en place. Contrairement à chez nous, ou l’on sépare nos déchets dans des bacs noirs, bleus et verts, ici, il n’y a qu’un bac. Tout se retrouve à un seul et même endroit sans avoir été trié. C’est très troublant de constater la dangerosité que représentent les sites d’enfouissement. Malheureusement, la population n’est pas sensibilisée à ce problème mondial et culturellement, pour la plupart des résidents et résidentes, personne ne voit l’utilité de changer les choses. Ramasser des déchets pour les éloigner de leur environnement habité est une vision réparatrice, mais arrêter de consommer des produits créant des déchets en serait une de guérison.

Nettoyage des déchets sur une plage

L’université a récemment organisé une journée de nettoyage sur la plage du campus, tout juste avant la tempête Karen. L’intention m’a surprise, constatant la consommation excessive des contenants de styromousse par la cafétéria de l’université. En effet, ayant vécu l’ouragan Dorian peu de temps après mon arrivée ici, tous les repas offerts étaient servis dans de grands contenants de styromousse pour tous les étudiants, à chaque repas, pour la durée de l’ouragan. La quantité de déchets m’a choquée et je ne comprenais pas pourquoi aucun étudiant ne se plaignait de ce genre de comportement. Malheureusement, les gens sont très loin de concevoir diminuer leur quantité de déchets, alors que plusieurs ne font encore que les laisser par terre.

Nous nous sommes donc rejoints à la plage, où l’équipe organisant l’événement nous remettait gants et seaux pour ramasser les déchets éparpillés sur la plage. Nous avons récolté une quantité incroyable de sacs de plastique, bouteilles en verre, microplastiques mélangés aux algues, mégots de cigarettes, bouteilles de plastique, etc.

Heureux de voir le fruit de tous nos efforts, nous avons rejoint les équipes pour peser la quantité de déchets. À la fin de la prise de données, chaque participant et participante recevait une boisson rafraîchissante dans une bouteille de plastique. Mais quelle ironie ! Refusant de consommer du plastique, j’ai été quelque peu déçue d’apercevoir la majorité accepter le rafraîchissement sans réaliser l’ironie de la chose, quelques minutes seulement après avoir constaté la quantité incroyable de déchets ramassés.

C’est à ce moment que j’ai réalisé que l’éducation environnementale est encore loin de faire son chemin dans les mentalités locales. Malheureusement, ceux et celles acceptant les boissons embouteillées venaient également des États-Unis et n’étaient pas plus conscientisés. Ramasser des déchets représente un geste important, mais qu’en est-il d’arrêter de consommer ces déchets pour éviter de devoir les ramasser ou de les accumuler ? Régler le problème à la source n’est pas encore inculqué ici et ne l’est visiblement pas dans plusieurs états américains non plus. C’est très décevant de constater que, si les gens ne voient pas le problème sous leurs yeux, ils n’en arrivent pas à une réflexion plus profonde sur la cause d’un problème beaucoup plus grand.

Surconsommation de produits emballés

Tous les produits de consommation offerts sur l’île sont importés. C’est dans la mentalité d’offrir un produit qui est facilement transportable et rapidement vendu une fois sur place. Les gens visent la facilité et la rapidité. Comme c’est ancré dans la culture, il est difficile de s’y détacher et de tenter d’inculquer de nouvelles valeurs pour diminuer les impacts environnementaux immenses que l’île subit discrètement, loin des yeux de la population. Ceux et celles souhaitant faire un effort pour l’environnement n’ont pas énormément d’options non plus. C’est tout un défi d’éviter de créer des déchets reliés aux secteurs de consommation essentiels, tels que l’alimentation et l’hygiène, par exemple.

Aucun système de récupération

Ce qui nous saisit surtout est de remarquer qu’aucun système de récupération n’est mis en place sur l’île. Tous ces déchets ne sont pas triés et se retrouvent tous au même endroit dans un site d’enfouissement, qui devient dangereux pour les citoyens qui habitent les environs. Des problèmes de contamination et de surabondance font rage depuis quelques années et le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires pour y remédier. Avec les différents ouragans qui frappent l’île chaque année, les débris et déchets se font de plus en plus nombreux, en plus de ceux de la consommation quotidienne des citoyens. Certains activistes tentent de faire pression sur le gouvernement, mais ce dernier ne considère pas que cela représente un enjeu important. La population devra donc se concentrer davantage sur le secteur privé si elle souhaite voir un système de récupération être mis en place dans les prochaines années.

Sensibilisation

Contrairement à ce que nous pouvons observer au Canada, aucune campagne de sensibilisation de diminution des déchets et de gestion de ceux-ci n’est entreprise. Les gens ne sont donc pas informés sur l’importance de trier quoi que ce soit, étant donné que ce n’est même pas un service offert. N’ayant pas un gouvernement conscient de ces impacts environnementaux, on ne peut s’attendre à ce que la population le soit et c’est malheureusement dans un avenir très rapproché qu’elle en vivra les conséquences. Outre la gestion des déchets, plusieurs font rouler le moteur de leur voiture en arrêt, ne consomment que de l’eau embouteillée, jettent leurs mégots de cigarettes dans les cours d’eau, etc. Tous ces petits gestes ont des impacts collectifs, mais personne ne réalise sa propre empreinte environnementale.

Avec l’augmentation des ouragans et des tempêtes tropicales que l’île vit chaque année, on pourrait s’attendre à ce que les gens réalisent l’impact des changements climatiques, étant donné qu’ils sont les premiers à en vivre les conséquences. Pourtant, plusieurs ne semblent pas croire que cela provient d’une cause en particulier et certains se disent même climatosceptiques.

Il est souhaitable que les activistes locaux prennent en charge la catastrophe environnementale en collaborant avec le secteur privé pour voir un changement drastique dans les systèmes en place.


Crédit Photo @ Frédérique Charron

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