Par Meg-Anne Lachance

Coupures de subvention, poursuite judiciaire et manifestation, la relation Trump/Harvard continue de s’envenimer. Plus de deux semaines après que la prestigieuse université a refusé de se plier aux exigences du président américain, ce dernier continue ses attaques envers elle.
« Harvard est une institution antisémite et d’extrême gauche, comme beaucoup d’autres, où sont acceptés des étudiants du monde entier qui veulent déchirer notre pays », accuse Donald Trump dans un long message publié sur le réseau Truth Social, le 24 avril.
En début avril, l’administration Trump a fait parvenir une longue liste de demande à l’Université américaine, dont les républicains accusaient de laisser prospérer l’« antisémitisme » sur son campus.
Dans les exigences, figure la fin des politiques de diversité et une demande de changements des programmes qui « alimentent le harcèlement antisémite ». Le président de l’Université, Alan Garber, a répondu que Harvard « n’abdiquera pas son indépendance ni ses droits garantis par la Constitution ».
« Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu’elles doivent enseigner, qui elles peuvent enrôler et embaucher, ni sur quelles matières elles peuvent mener des recherches », a répliqué M. Garber dans une lettre adressée aux personnes étudiantes et au corps enseignant.
L’administration Trump a également sommé Harvard de tenir un « audit » des opinions de sa population étudiante et professorale, ce à quoi l’Université a répondu qu’elle « n’est pas prête à accepter des exigences qui vont au-delà de l’autorité légitime de cette administration ou d’aucune autre ».
D’importantes manifestations s’étaient tenues quelques jours plus tôt à Cambridge, pour demander à l’Université de résister aux « tentatives d’influence » de Donald Trump.
Un gel financier comme réponse
Face à ces refus, l’administration du riche milliardaire a annoncé le gel de 2,2 milliards de dollars en subventions destinés à Harvard.
« La Task Force conjointe de lutte contre l’antisémitisme annonce le gel de 2,2 milliards de dollars de subventions sur plusieurs années [ainsi des] contrats pluriannuels d’une valeur de 60 millions de dollars », a confirmé le ministère de l’Éducation américain via un communiqué.
Le lendemain de cette annonce, Donlad Trump a également menacé l’Université de retirer ses avantages fiscaux. « Peut-être que Harvard devrait perdre son exemption fiscale et être imposée comme une entité politique, si elle continue de défendre sa “folie” politique, idéologique, inspirée par/soutenant le terrorisme. »
Donald Trump « veut voir Harvard s’excuser. Et Harvard doit s’excuser pour l’antisémitisme flagrant qui s’est produit sur son campus », a dit Karoline Leavitt, sa porte-parole, le 15 avril dernier.
Les répercussions du gel monétaire n’ont pas attendu. Quelques heures après l’annonce, la chercheuse de renom, Sarah Fortune, s’est fait ordonner par sa source de financement de mettre fin à ses recherches sur la tuberculose.
Le professeur David R. Walt a lui aussi reçu un avis l’informant que ses recherches sur un outil de diagnostic de la maladie de Lou Gehrig, ou SLA, devaient cesser immédiatement.
« Si ce projet est abandonné, ce qui est probable, et que d’autres projets sont abandonnés, des gens vont mourir », a dénoncé le Dr. Walt.
Deux autres recherches portant sur les voyages dans l’espace et les maladies causées par les radiations ont été affecté, une décision illogique selon le chercheur.
« Ils annulent ces deux programmes à un moment où le gouvernement annonce qu’il va construire des réacteurs nucléaires dans tout le pays pour fournir de l’énergie », a déclaré M. Ingber. « Et ils veulent aussi aller sur Mars! »
« Le retrait du gouvernement de ces partenariats met en péril non seulement la santé et le bien-être de millions de personnes, mais aussi la sécurité économique et la vitalité de notre pays », a déploré le M. Garber.
Malgré les coupures dans leurs études, les chercheurs et chercheuses s’entendent pour dire que le refus d’Harvard était la bonne décision. « Je suis heureux que Harvard ait eu le courage de faire cela et je suis prêt à l’accepter », affirme le Dr. Walt.
Enquête et procédure judiciaire
En plus de ces coupures, une enquête a également été lancée par le Congrès. Les républicains ont annoncé l’ouverture de l’enquête parlementaire afin de contrôler le « manque de conformité avec les lois sur les droits civiques » de la présidence.
« Harvard semble si incapable ou réticent à empêcher la discrimination illégale que l’institution, sur votre ordre, refuse d’envisager un accord de règlement raisonnable proposé par les fonctionnaires fédéraux et destiné à remettre Harvard en conformité avec la loi », écrit le président du comité d’enquête, James Comer, dans la lettre destinée à Alan Garber.
L’institution d’environ 30 000 personnes étudiantes et à la tête du classement mondial de Shanghai, a finalement répliqué en portant plainte au tribunal fédéral du Massachusetts.
« Les actes du gouvernement empiètent non seulement sur le premier amendement, mais aussi les lois et réglementations fédérales », peut-on lire dans le document judiciaire, qui qualifie la décision gouvernementale « d’arbitraire ».
« Ne vous méprenez pas : Harvard rejette l’antisémitisme et la discrimination dans toutes ses formes et procède activement à des réformes structurelles pour éradiquer l’antisémitisme de son campus », stipule le même document.
« Mais au lieu de s’engager dans ces efforts continus avec Harvard, le gouvernement a annoncé un gel général du financement de la recherche médicale, scientifique, technologique et d’autres recherches qui n’ont rien à voir avec l’antisémitisme. »
Plusieurs ont salué la prise de position de Harvard, dont l’ancien président et étudiant de l’Université Barack Obama, qui a qualifié Harvard d’« exemple » que les autres institutions devraient suivre.
À titre de rappel, l’Université de Columbia a opté pour une approche complètement différente en acceptant d’effectuer les réformes demandées par Donald Trump, causant une vague de frustration. Après s’être fait accuser de « capituler » à l’administration Trump, l’Université s’est voulue rassurante en affirmant qu’elle refuserait « tout accord qui nous ferait renoncer à notre indépendance ».
« Nous défendons ce que je considère comme l’un des piliers les plus importants de l’économie et du mode de vie américains : nos universités », a déclaré M. Garber en entrevue avec NBC News.
Crédit : Joseph Williams


Meg-Anne Lachance
Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!