CDU et AFD : le cordon sanitaire allemand rompu 

Par Blaise Vaney 

Le leader de la CDU, Friedrich Merz, lors d’une apparition en campagne électorale à Erfurt en août 2024. 

Les Conservateurs chrétiens-démocrates (CDU) ont présenté une résolution au Parlement allemand visant à durcir les politiques migratoires de l’Allemagne, le 29 janvier 2025. Bien que symbolique, cette résolution a été adoptée avec une courte majorité des voix grâce au soutien du parti d’extrême droite allemand, l’Alternative pour l’Allemagne (AFD). Face à cet appui, un projet de loi officiel a été déposé par la CDU et appuyé par l’AFD, brisant ainsi le fameux cordon sanitaire.  

C’est dans son élan que la CDU est, le 31 janvier, revenue à la charge, cette fois-ci, en proposant un projet de loi officiel visant à « limiter l’afflux de réfugiés ». L’appui de l’AFD à ce projet marque un tournant majeur pour l’Allemagne et son cordon sanitaire. 

Le cordon sanitaire est une convention politique européenne empêchant les alliances avec l’extrême droite. En Allemagne, où le passé nazi pèse encore, aucun parti n’avait franchi cette ligne depuis la Seconde Guerre mondiale.  

En 2018, la CDU avait même fait du cordon sanitaire une doctrine officielle. Lors des régionales de 2024 en Thuringe, la CDU avait préféré s’allier avec des partis de gauche, dont un parti pro-russe, plutôt qu’avec l’AFD. Ce revirement marque donc un changement de cap important pour le parti et pour l’Allemagne. 

Une montée du ressentiment anti-immigration 

Ce changement arrive alors qu’un lourd climat pèse sur le pays. Deux attentats récents ont fortement marqué l’opinion publique.  

Le premier, le 20 décembre 2024, a eu lieu au marché de Noël de Magdebourg. Un immigrant saoudien de 55 ans a tué cinq personnes et blessé plus de 200 autres en utilisant un camion bélier. Malgré le fait que celui-ci partageait une idéologie d’extrême droite, cet attentat a été repris à des fins politiques par l’AFD afin de faire monter le sentiment anti-immigration en Allemagne.  

Le second, le 22 janvier 2025, a coûté la vie à deux personnes, dont un enfant. Son auteur, un Afghan de 28 ans en situation irrégulière, a relancé le débat sur la migration.  

Si Friedrich Merz, dirigeant de la CDU, était resté mesuré après le premier attentat, il a cette fois promis une « interdiction d’entrée de fait » pour toutes les personnes sans papiers, y compris les réfugiés. 

Vers une coalition CDU-AFD? 

À l’approche des législatives, les sondages placent la CDU en tête avec 30 % des intentions de vote, suivie de l’AFD à 20 %. Cette situation ouvre la porte à une potentielle coalition.  

Selon le politologue Markus Linden, ce rapprochement est « un coup de poker risqué ». Il évoque aussi la possibilité que Merz, grâce à l’AFD, puisse diriger un gouvernement minoritaire. 

Quelles que soient les alliances à venir, une chose est certaine : Merz a brisé, pour la première fois depuis 1945, le cordon sanitaire en collaborant avec un parti souvent accusé de flirter avec l’idéologie nazie.  

Ce rapprochement est survenu la même semaine que la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, ce qui a suscité de vives réactions. 

Angela Merkel, ancienne chancelière de la CDU, a vivement critiqué cette alliance, la qualifiant de « manœuvre tactique » irresponsable. En réaction, des manifestations ont eu lieu devant les bureaux de la CDU pour dénoncer cette rupture historique du cordon sanitaire. 


Crédit : Steffen Prosdorf

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