Par Emmy Lachance
Le vote pour élire la nouvelle co-porte-parole de Québec solidaire (QS) a finalement eu lieu, le 16 novembre dernier. Sans grande surprise, c’est Ruba Ghazal qui a été élue au poste, avec un appui de 91% des voix. Mais la nouvelle position de Mme Ghazal survient dans un contexte particulier, alors que Québec solidaire doit réagir aux allégations de racismes du gouvernement mises de l’avant par son député Haroun Bouazzi.
Ruba Ghazal est née au Liban dans une famille palestinienne et s’est installée au Québec lorsqu’elle n’avait que 10 ans. Ayant cheminé dans les classes d’accueil pour apprendre le français et s’intégrer à la société québécoise, la nouvelle co-porte-parole se décrit comme une enfant de la loi 101.
Elle a par la suite étudié au HEC Montréal, où elle a obtenu un baccalauréat en administration des affaires, puis elle a complété une maîtrise en environnement et un certificat en santé et sécurité au travail à l’Université de Sherbrooke. Après avoir travaillé dans de grandes entreprises à titre de conseillère et de cadre en santé-sécurité et environnement, Ghazal s’est tourné vers la politique.
Elle a été élue pour la première fois en tant que députée de Québec solidaire dans la circonscription de Mercier en 2018. Durant ce premier mandat, elle a tenu plusieurs rôles, dont celui de porte-parole de son parti en matière d’énergie, d’environnement et d’économie, en plus de siéger dans diverses commissions.
Mme Ghazal a reçu l’appui de la population pour un second mandat lors des élections de 2022, reconduisant son poste de députée de Mercier, fonction qu’elle occupe encore. Lorsque Manon Massé a annoncé son intention de quitter son poste de porte-parole féminine de QS, Ghazal a annoncé son intention de présenter sa candidature. Celle-ci a perdu de justesse au deuxième tour de l’investiture contre sa collègue Émilise Lessard-Therrien.
Mais le passage de Mme Lessard-Therrien en tant que co-porte-parole a été bref. En juin 2024, Ghazal a réaffirmé son souhait d’occuper le poste de porte-parole féminine du parti. Cette fois, étant seule dans la course, elle a réussi son pari, devenant officiellement la troisième porte-parole féminine de QS.
Son entrée au poste arrive cependant à un moment tumultueux pour le parti, après qu’un de ses députés ait accusé le gouvernement d’entretenir un environnement empreint de commentaires à caractère raciste à l’Assemblée nationale.
Un congrès marqué par les propos de Haroun Bouazzi
C’est le Journal de Montréal qui a, le 14 novembre dernier, publié des propos tenus par le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi lors d’une prise de parole devant la Fondation Club Avenir. Ce dernier avait rapporté qu’il était régulièrement témoin de comportements et de paroles qui dépeignent l’autre comme « dangereux » ou « inférieur » à l’Assemblée nationale. Cette histoire a fait les manchettes dans les jours qui ont suivi, accusant le député de Maurice-Richard de dépeindre l’Assemblée nationale comme raciste.
En entrevue à l’émission Tout un matin sur Ici Première, M. Bouazzi a expliqué que ses propos avaient été déformés, et qu’ils se voulaient plutôt pédagogiques. Celui-ci a rappelé qu’il n’avait « jamais traité personne de raciste », mais s’est dit tout à fait à l’aise avec les propos qu’il a tenus.
Après la publication de la nouvelle, les réactions ont fusé de toute part dans les formations politiques. Le ministre de la Justice et leader parlementaire, Simon Jolin-Barrette, a soutenu que de tels propos ne devraient pas être acceptés par QS, sous-entendant que celui-ci devrait être exclu de son groupe.
Pour sa part, le chef péquiste Paul St-Pierre-Plamondon a affirmé que les propos de Bouazzi étaient diffamatoires et avaient pour but de rendre son parti infréquentable. Le candidat à la chefferie du Parti libéral, Denis Coderre, a même demandé la démission du député de Maurice-Richard.
Du côté de Québec solidaire, les réactions étaient plutôt nuancées. Gabriel Nadeau-Dubois et Ruba Ghazal avaient réagi aux propos en les caractérisant de maladroits, exagérés et polarisants. Mais le congrès du parti a servi de plateforme pour régler la question de manière officielle et déterminer la position du parti.
Québec solidaire soutient Bouazzi, mais pas ses propos
Les membres de QS, déchirés sur la question, ont choisi de tenir un débat à huis clos pour discuter de la position de leur parti. Dans une série de résolutions, le parti a finalement décidé de se positionner derrière son député et de prendre sa défense face aux menaces et aux paroles haineuses auxquelles il doit faire face, sans toutefois cautionner ses propos.
Les résolutions stipulent que Québec solidaire « réaffirme son engagement historique et fondamental dans la lutte contre le racisme systémique, la haine et toutes les formes d’intolérance », « dénonce l’instrumentalisation injustifiée dont sont souvent victimes les personnes immigrantes », « condamne fermement les menaces, la violence et la campagne de diffamation dirigée contre le député Haroun Bouazzi et lui offre son soutien face aux circonstances », et finalement « affirme clairement et sans ambiguïté que Québec solidaire ne soutient pas et n’a jamais soutenu que l’Assemblée nationale et ses membres sont racistes et réitère qu’il ne s’agit pas de la position du parti ».
En réaction à la tournure des événements, M. Bouazzi a exprimé qu’il se réjouissait que son parti réitère son appui à la lutte contre le racisme et l’instrumentalisation des personnes immigrantes. De retour à l’Assemblée nationale, le député a présenté ses excuses à Christian Dubé et Lionel Carmant, pour sa maladresse. Haroun Bouazzi avait cité ces derniers pour expliquer la teneur de ses propos sur la construction de l’autre comme dangereux ou inférieure.
Si les porte-parole de QS soutiennent que le caucus est uni, les députés du parti n’ont pas de réponse aussi claire et solide. Christine Labrie, députée de Sherbrooke, a répondu « non » à un journaliste lui demandant si l’affaire était terminée.
Selon Mme Ghazal, il n’est pas exclu que le principal intéressé voie certaines de ses responsabilités retirées. Des annonces à cet effet devraient être faites dans les prochaines semaines.
Source: Assemblée Nationale