Par Sarah Gendreau Simoneau

Alors qu’au Québec, une personne sur cinq fera face à des enjeux de santé mentale au cours de sa vie, la détresse psychologique ne cesse d’augmenter et l’accès à des soins appropriés demeure limité. Les troubles anxieux sont de plus en plus présents, notamment chez les jeunes.
Tout le monde éprouve un jour ou l’autre de l’anxiété, ce qui est tout à fait normal. Il s’agit d’un mécanisme de protection qui peut nous aider à faire face à une situation inquiétante ou potentiellement dangereuse. Il est ainsi naturel de ressentir de l’anxiété à certaines occasions, par exemple lorsque vous vivez un changement de vie important. Il est aussi normal d’être anxieux la veille d’un examen, lorsque vous passez une entrevue pour un emploi ou au moment d’une épreuve sportive, par exemple. L’anxiété est alors liée à des événements particuliers et disparaît généralement dès que la vie reprend son cours normal.
Toutefois, l’anxiété devient un problème quand elle est excessive et qu’elle persiste. C’est le cas, par exemple, si elle ne disparaît pas quand la situation préoccupante revient à la normale, si elle occasionne un niveau de détresse important, si elle n’est liée à aucun événement de vie, c’est-à-dire qu’elle apparaît sans qu’on puisse en déterminer la cause, si elle préoccupe continuellement la personne ou encore si elle a des conséquences importantes sur la vie au travail, en société ou sur d’autres facettes de la vie quotidienne.
Elle peut alors être un signe de la présence d’un trouble anxieux.
Une nouvelle stratégie pour contrer les troubles anxieux ?
La professeure Pasquale Roberge et son équipe explorent des pistes prometteuses qui pourraient rendre des traitements efficaces à la portée du plus grand nombre, dans une ère où l’accès aux soins appropriés demeure limité.
Rattachée au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) et chercheuse régulière au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS), elle dirige le Laboratoire de recherche sur les troubles anxieux et dépressifs en première ligne. Pour la psychologue de formation, il est urgent de démocratiser l’accès aux soins en santé mentale, alors que les besoins se multiplient.
« Ça fait longtemps qu’on doit trouver des pistes de solutions pour améliorer l’accès aux services de première ligne en santé mentale. Le ministère de la Santé et des Services sociaux en faisait déjà une priorité il y a 20 ans. La situation a continué à se détériorer depuis, et elle est encore aujourd’hui loin d’être réglée. »
Cependant, des approches éprouvées en psychologie pourraient avoir un impact bénéfique significatif pour des milliers de personnes souffrantes, si seulement elles pouvaient y avoir accès.
Notamment, la thérapie cognitive-comportementale (TCC) est reconnue depuis plus de 50 ans comme l’approche de psychothérapie la plus efficace dans le traitement des troubles anxieux. Son efficacité a également été démontrée pour soigner les troubles du sommeil, le stress chronique et la dépression.
Pasquale Roberge est d’avis que l’amélioration de la santé mentale au Québec passe par un meilleur accès ce genre de thérapie. Elle consacre donc ses travaux de recherche à développer des moyens visant à rendre accessibles des stratégies thérapeutiques cognitivo-comportementales pour l’ensemble de la population.
Une clinique virtuelle d’autosoins
Un des projets sur lesquels travaille l’équipe du laboratoire de la professeure Roberge, en collaboration avec le CIUSSS de l’Estrie — CHUS, le Centre de recherche du CHUS (CRCHUS) et l’hôpital Montfort, en Ontario, se base sur les principes de la thérapie cognitive-comportementale. Il s’agit d’une clinique virtuelle nommée ēquilia. C’est une adaptation de la clinique virtuelle This Way Up, qui connaît un grand succès depuis son implantation en Australie, où elle a permis d’améliorer considérablement les symptômes et le fonctionnement des personnes qui suivent ses programmes en ligne.
La plateforme ēquilia, entièrement encadrée par la recherche, offre des programmes d’autosoins en ligne gratuits et confidentiels visant à développer des habiletés pratiques pour gérer les pensées, les sensations et les comportements liés aux troubles anxieux et dépressifs. « La clinique virtuelle est une approche autonome de soins, qui permet presque instantanément d’avoir accès à des stratégies efficaces qu’on peut mettre en place de manière graduelle dans notre vie pour aller mieux », explique Pasquale Roberge.
Les programmes de cette clinique virtuelle s’adressent davantage aux gens qui souhaitent agir par rapport à un certain niveau de symptomatologie qui interfère avec leur fonctionnement, mais ils peuvent aussi constituer le point de départ d’une réflexion par rapport à l’état de son bien-être de manière générale.
Les étudiantes et étudiants de l’UdeS ont été invités, cet hiver, à participer, dans le cadre d’un projet pilote, à un programme spécifique d’ēquilia portant sur le bien-être étudiant en contexte universitaire.
Considérant la pression liée à la réussite scolaire et à l’adaptation à la vie étudiante universitaire, le programme offre des pistes de réflexion sur des stratégies à mettre en place pour optimiser son bien-être dans un contexte d’études. « Ce que l’on souhaite, avec ce programme, c’est de voir si ça répond à un besoin pour les personnes étudiantes, si le programme a un impact par rapport à leur niveau de bien-être et de détresse psychologique. Il y a de nombreux bénéfices à s’outiller et déployer toutes sortes de stratégies pour assurer son bien-être tout au long de sa vie », souligne Pasquale Roberge.
De bonnes habitudes de vie
La professeure exhorte par ailleurs les gens à être attentifs aux signes et symptômes qu’ils peuvent présenter depuis un certain temps, et qui pourraient être précurseurs d’anxiété et de dépression.
L’isolement social, la perte d’intérêt pour des activités qui nous plaisent, le fort sentiment d’autocritique, la culpabilité, l’irritabilité, la fatigue, les problèmes de concentration et la difficulté à prendre des décisions représentent autant de symptômes comportementaux, émotionnels, physiques et cognitifs qui peuvent contribuer à la détresse psychologique.
On doit faire attention à tous ces signaux et prendre les moyens nécessaires pour, d’abord et avant tout, mettre en place de bonnes habitudes de vie afin de réduire la détresse mentale.
Mme Roberge convient que la révision des habitudes de vie n’agit évidemment pas comme une baguette magique pour faire disparaître les symptômes anxieux et dépressifs. Un soutien psychologique et de l’aide professionnelle peuvent être nécessaires si les symptômes perdurent et s’aggravent.
Source : IStock

Sarah Gendreau Simoneau
Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.
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