Par Félix Morin
Gabriel Nadeau-Dubois a été, lors de la dernière grève étudiante, le porte-parole de la CLASSE. Avec Tenir tête, GND ne nous présente « pas un récit officiel », mais, comme il le dit si bien, « son récit ». Intime, personnel, intelligent et par moment romancé, ce livre écrit au « nous » démontre que, malgré tout ce qu’on pense de lui, la tête de Turc du gouvernement libéral était loin d’être vide.
La première partie du livre se nomme « Trois assemblées générales ». Il y retrace trois AG particulièrement différentes : Valleyfield, Maisonneuve et Lionel-Groulx. Cette section est la moins intéressante du livre. Gabriel y nomme parfois des détails harassant sur ces trois AG. Parfois, il y a même une certaine incohérence. Par exemple, à Lionel-Groulx, il retranscrit les dires d’un individu contre la grève. Premièrement, on ne sait rien sur ce qui a été vraiment dit. En quelque sorte, on doit faire confiance à Gabriel. De plus, il y a d’un côté, une critique du discours et du manque de respect de l’étudiant de Lionel-Groulx et de l’autre, une sorte d’éloge du discours, « d’une grande musicalité et particulièrement touchant » selon GND, de la part d’un étudiant pour la grève au Cégep Maisonneuve. Or, lorsqu’on lit les deux « verbatim », on se rend bien compte que les deux sont particulièrement démagogiques et que ni l’un ni l’autre ne mérite un respect réel sur le fond.
Malgré cela, je suis forcé d’admettre que ces trois assemblées générales représentent, en quelque sorte, des évènements marquants de la grève et sont aussi des symboles que Gabriel utilise habilement pour passer des messages. On y comprend l’importance des cégeps dans les stratégies de grève, on y voit une participation massive des étudiants au vote dans certaines institutions, et Gabriel expose ce qu’il appelle « la haine de la démocratie ». De plus, il souligne grandement le travail des exécutants de la CLASSE dans les trois cégeps. Cela est touchant. On peut y voir la fébrilité, les heures de sommeil absentes et les risques de prendre parole dans les AG que ces représentants prenaient au nom d’une vision de l’éducation qui était loin d’être partagée par tous.
Dans la seconde partie du livre, du nom de « Deux idées : la juste part et l’excellence », il parle de l’importance cruciale des mots dans la stratégie libérale de communication publique. Il retourne aussi aux sources du gel des droits de scolarité, souvent amenées comme de la négligence, alors qu’elles ne représentaient qu’un moyen progressif d’atteindre la gratuité. Il tire, avec des nombreuses citations et statistiques, des conclusions sociologiques, politiques et économiques qu’une telle mesure a eues sur le Québec. Par exemple, une plus grande accessibilité à l’éducation supérieure a été dans la création d’une classe moyenne québécoise. Cette section du livre est peut-être la plus pertinente du livre. Son analyse est fine et les conclusions qu’il tire sont, par moment, surprenantes.
Dans la troisième partie, « Une lutte », GND témoigne de moments particuliers de la grève. Son « interrogatoire » par la SQ, l’adoption de la loi 78, le mouvement des casseroles, les injonctions, etc. Ce segment est intéressant parce qu’il nous fait voir, de l’intérieur, des évènements marquants du Printemps étudiant. Toujours dans une perspective personnelle, donc partiale, il nous présente « comment » les choses se sont passées. On y lit des conflits entre lui et la FECQ, le grand respect qu’il a pour Martine, et bien d’autres choses.
Un livre intéressant et à lire. Il a du talent. Il écrit bien et il est très clair dans ses explications. Par contre, la forme ne touche une grande profondeur de pensée. Le fond de ce qu’il dit est intéressant. Il ne fait l’unanimité et il ne la fera jamais. Certains le détestent parce que ce qu’il dit est dangereux, et d’autres parce qu’il est trop modéré. Peu importe, il reste extrêmement intelligent et j’ai hâte de le voir écrire sur ses visions, et moins sur son vécu.
Crédit photo © Éditions LUX