Se sensibiliser aux réalités et aux perceptions autochtones en milieu journalistique 

Par Elizabeth Gagné  

La conférence Les Québécois.es dans l’imaginaire autochtone se donnait au Quai des arts de Carleton-sur-Mer dans le cadre du FIJC.

« Être informé c’est être libre ». Ce slogan, qui nous provient de René Lévesque et que l’on retrouvait sur les chandails du comité organisateur du Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer (FIJC), résonnait avec plusieurs des conférences qui se sont orchestrées au cours de la fin de semaine du FIJC.  

Notamment avec celle sur Les Québécois.es dans l’imaginaire autochtone. Dans une perspective d’ouvrir le discours entre Allochtones et Autochtones, Isabelle Picard (ethnologue, chroniqueuse, consultante et autrice de la Nation wendat), Jeannette Martin ( Mi’gmaq et directrice du Patrimoine de la Langue et de la Culture de la communauté de Gesgapegiag et vice-présidente de l’association Femmes autochtones du Québec) et Shushan Bacon (journaliste à Espaces autochtones de Radio-Canada membre de la Nation innu et wendat) se sont regroupées afin de discuter des réalités autochtones dans une prise de parole médiatique et sociétale sous la modération d’Isabelle Larose de Radio-Canada.  

À la base, la conférence devait s’intituler Les Autochtones dans l’imaginaire Québécois. En discutant de la thématique avec le fondateur du festival Bertin Leblanc, Shushan Bacon a réagi défavorablement à cette proposition initiale. Fatiguée de toujours devoir « s’adapter à la société dominante », elle voulait cette fois-ci renverser le miroir afin que ce soit nous qui nous adaptions à la perspective autochtone.  

Deux visions, une seule terre qui nous unit  

Les panélistes se sont donc réunies afin de discuter de leur perception du monde selon leurs yeux à elles. Cette vision, qui est différente de celle de la majorité québécoise, s’explique par une vision circulaire, décrit Jeannette Martin. « Les systèmes matriarcaux et patriarcaux qui nous ont été imposés sont tous hiérarchiques alors que pour nous, la vision est très linéaire et horizontale, mais parfois on oublie que nos pieds touchent la même terre mère. »  

Pour Isabelle Picard, qui est fatiguée d’entendre dire qu’il y a deux visions (autochtones et allochtones), rappelle qu’il y a plein de choses qui nous lient, à commencer par le territoire qu’on partage et qu’il faut protéger. Au début de sa carrière, elle acceptait de jouer la « game » avec les médias qui parfois étaient très agressifs et qui voulaient parler que des taxes et des impôts. Aujourd’hui, elle n’accepte plus de faire des entrevues si elle ne se sent pas à l’aise ou en sécurité.  

Rendre la prise de parole sécuritaire  

Le sentiment de sécurité est donc extrêmement important pour nos panélistes. Sushan Bacon nous rappelle que le pays a été construit pour effacer les Premières Nations, notamment avec le régime des pensionnats. « Pendant longtemps on ne voulait pas nous voir ni nous entendre et donc notre voix a été étouffée. Et c’est pourquoi les demandes d’entrevue sont parfois refusées dans les communautés parce qu’on n’est pas habitués de prendre la parole et nos paroles sont souvent déformées par la perception allochtone. On est en train de chercher notre voix ».   

Prendre le temps 

Les trois femmes s’entendent pour dire que souvent, les journalismes manquent de connaissances et qu’ils ne sont pas sensibilisés aux réalités autochtones. Isabelle Picard offre depuis de nombreuses années des formations aux journalistes à Radio-Canada afin qu’ils soient sensibilisés et préparés à aller en milieu autochtone. Comprendre que la temporalité, le rapport au temps, est différente en milieu autochtone est essentiel. Pour Jeannette Martin, la transmission orale est très importante et remplace la notion d’entrevues. On ne peut pas demander à un aîné de raconter sa vie en cinq minutes. « La notion d’être à l’heure n’existe pas », souligne Shushan Bacon. C’est une des choses que les journalismes allochtones doivent prendre en considération lorsqu’ils veulent faire des entrevues en milieu autochtone. Il faut prendre le temps d’écouter et d’être présent.  


Crédit : Benoit Daoust

Elizabeth Gagné
Cheffe de pupitre CULTURE  culture.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.  

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