Par Edouard Guay
Véritable électron libre de la musique, le français Anthony Gonzalez utilise son groupe M83 comme un laboratoire expérimental, où il calibre ses potions, dose les ingrédients et teste des mixtures au rythme qui lui convient. Cinq ans après le tourbillon de succès causé par Hurry Up We’re Dreaming et sa chanson-hymne Midnight City, Gonzalez nous offre enfin Junk, son septième album, avec une version revampée de M83.
Le surplace? Très peu pour lui! Nouveaux musiciens, nouvelle identité sonore, M83 ne fait jamais les choses à moitié, quitte à déstabiliser les amateurs de la première heure. Il serait bien hasardeux de décrire avec précision les influences de Junk tant le résultat est éclectique. Perdu dans l’espace, Gonzalez nous offre une collection de ritournelles inspirées de jingles télé des années 1980. Le résultat est un album intéressant, mais inégal, qui déroute par son côté disparate. Le shoegaze est mis de côté au profit de mélodies rétro et un peu kitch. On en a un bon exemple avec Moon Crystal et Tension, des petits interludes qu’on oublie facilement.
Heureusement, les invités viennent donner un peu de consistance à la proposition. La vocaliste Mai Lan fait dodeliner la tête et taper du pied sur l’excellente Bibi the Dog, une délirante pièce acide, à l’instrumentalisation bien sentie. Le légendaire Steve Vai se joint à la partie dans Go. Son puissant solo de guitare nous bourdonne encore dans la tête quand l’album se termine. Le jeune guitariste Jordan Lawlor se tire bien d’affaire également sur Walkway Blues, l’un des morceaux les plus convaincants de Junk. Gonzalez s’efface au profit de son orchestre cosmique, et c’est souvent une bonne chose. Son esprit des belles années revient à quelques reprises, notamment lors de l’excellent Road Blaster, un cousin éloigné de Midnight City.
Dommage que plusieurs passages ronflants viennent donner à Junk un côté prétentieux et inégal. On se croirait dans une comédie musicale vachement soporifique quand on entend For the Kids et Atlantique Sud. Heureusement, la superbe Solitude et son côté enivrant à la James Bond tire l’album vers le haut. L’ambition est un couteau à double tranchant, et il arrive qu’on se prenne dans le piège de s’éparpiller. Gonzalez, qui nous offre un album intéressant, n’y échappe pas ici.