Par Elizabeth Gagné

C’est la vieille cassette qui tourne toujours. Dès que l’économie du Québec reçoit une claque, c’est toujours à la culture de prendre la première gifle. À la suite de l’annonce des coupures budgétaires du gouvernement dans la culture et la fin des subventions accordées aux musées pour les dimanches gratuits, le monde de la culture en a ras-le-bol.
Le 29 janvier 2025, le Front commun pour les arts a rendu publiquement les conclusions de son mémoire déposé dans le cadre des consultations pré-budgétaires. Ce dernier a présenté les conséquences que subiront les artistes et les organisations en arts si le gouvernement du Québec ne concède pas à leurs demandes de financement. Il risque d’y avoir une dévitalisation de leur écosystème avec la suspension de projets et d’activités, avec la baisse de soutien financier pour la relève ainsi qu’une diminution du rayonnement international de la culture québécoise.
Une diminution de l’offre aux citoyens sera également inévitable puisque la situation engendrera une augmentation des coûts ainsi qu’une diminution des spectacles et des expositions. De plus, une dégradation des conditions de travail est à prévoir pour des milliers d’artistes et de personnes travaillant dans le domaine des arts et de la culture qui se trouvent déjà en situation précaire. Parmi ses demandes, le Front commun réclame de porter à 200 millions de dollars les crédits du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) dès la prochaine année financière, de viser la consolidation des budgets du CALQ en rendant l’ensemble de ses crédits permanents, de systématiser l’indexation des programmes du CALQ et de faire de la culture d’ici une véritable priorité gouvernementale dotée d’une vision à long terme pour les milliers d’artistes et travailleurs culturels du secteur.
Manifestation et tensions
Parallèlement, le regroupement de la Grande mobilisation des arts du Québec (GMAQ) appelle à la mobilisation avec une cinquième manifestation qui se tiendra le 22 mars prochain partout au Québec. La GMAQ, qui regroupe quiconque qui se décrit comme artiste ainsi que des travailleurs et travailleuses de la culture, est un mouvement autonome, distinct du Front commun pour les arts. Lors de la dernière manifestation, MC Gilles d’Infoman a accompagné la GMAQ, le 22 février dernier à Montréal. Cette dernière manifestation a connu somme toute une belle couverture médiatique selon la GMAQ sur ses réseaux sociaux.
Les tensions actuelles entre le Canada et les États-Unis ne devraient pas être une excuse pour mettre de côté les enjeux liés à la culture. « Alors que le monde entier s’inquiète de l’arrivée au pouvoir d’un dirigeant états-unien obscurantiste, qui ne cache pas ses visées antidémocratiques et conquérantes, on aurait pu s’attendre à ce que le gouvernement de la CAQ comprenne l’urgence d’agir pour défendre la culture québécoise. Protéger la vie culturelle d’ici, c’est affirmer ce qui nous distingue, c’est défendre la liberté de parole, la liberté de penser et la démocratie. Or, ce gouvernement asphyxie les arts : il laisse tomber les institutions culturelles qui nous appartiennent et nous représentent. Nous exigeons qu’il apporte son soutien immédiat à un milieu vital pour l’ensemble de la société, et qui, comme d’autres sphères d’activités, est aussi mis en péril par les politiques de notre voisin du Sud » déplore la GMAQ.
Des discussions qui s’éternisent
Dans l’une de ses dernières publications, la GMAQ mentionne que cela fait un an qu’ils ne cessent de discuter avec le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, et son cabinet. La première manifestation a eu lieu le 18 avril 2024 et celle du 22 mars 2025 représentera la cinquième grande manifestation pour les arts. L’objectif de cette manifestation est d’exiger une hausse des financements en culture au Québec.
« À l’aube du vote du budget provincial, la GMAQ a pensé qu’il serait essentiel de faire acte de présence afin de rappeler que la culture et la création permettent de définir une identité plurielle, vivante et tendue vers un devenir commun. Rappeler que la culture, la création, est un des piliers d’une société démocratique saine. Négliger la culture, c’est préparer le terrain à l’obscurantisme et aux régimes autoritaires. Nous ne pouvons pas attaquer la culture sous prétexte d’austérité : il n’y a pas de liberté sans arts, sans pensée, sans création. »
La GMAQ rappelle « qu’un gouvernement qui n’investit pas dans sa culture est responsable d’une société qui s’appauvrit. Nous rappelons que la culture, loin d’être déficitaire, est un secteur qui rapporte plus que la majorité des autres industries. Investir en culture, c’est réinvestir dans l’économie locale. Investir en culture, c’est créer des emplois et augmenter le PIB. Nous rappelons que nos demandes ne sont pas un simple soutien à la culture : nous exigeons la reconnaissance de son rôle vital dans la construction d’une société libre ».
La Grande mobilisation des arts du Québec réitère que même si le ministre de la Culture rappelle son soutien et son ambition de faire de la culture une priorité, le constat est qu’elle ne représente que 1,54 % des dépenses publiques au Québec. « Nous faisons encore le constat que le CALQ représente à peine 8,7 % du budget du ministère de la culture et des communications et 0,11 % du budget total du gouvernement du Québec. Le salaire médian des artistes est inférieur à 17 000 $ par année. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour : nous voulons des actes, des moyens et une politique culturelle à la hauteur de nos enjeux démocratiques. »
Même si les discussions continuent entre le ministre de la Culture et la GMAQ, il est rassurant de voir Mathieu Lacombe défendre le milieu de la culture contre des gens comme Guillaume Jr. Abbatiello. En effet, le coprésident de la chaîne de pizzeria Salvatoré a suggéré, dans une vidéo publiée le 1er mars sur ses réseaux sociaux, que si le milieu de la culture manque d’argent, c’est peut-être que le contenu culturel québécois est « de la marde ». Devant ces propos, Mathieu Lacombe a riposté dans sa propre vidéo en défendant les arts et la culture au Québec.
Pour faire votre part, encouragez la culture d’ici en vous divertissant avec du contenu québécois.
Crédits : GMAQ

Elizabeth Gagné
Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.