Baby-sitter : une pièce qui nous laisse bouche bée 

Par Émilie Lalonde

Un homme attrape le microphone d’une journaliste lors d’un segment diffusé en direct à la télévision et crie des obscénités. Il ne s’agit pas d’un évènement qui s’est déroulé hier – même si ça aurait bien pu être plausible –, c’est plutôt l’élément central de la pièce Baby-sitter. Elle s’est arrêtée le 31 octobre au Centre culturel de Sherbrooke lors de sa tournée du Québec et a fait déferler, grâce à ses propos et à ses dialogues francs, une vague de remises en question dans l’assistance.

« C’était juste une blague! » Cédric, le personnage principal, celui qui a crié avec toute sa confiance ce qu’il considère comme de simples vulgarités, répète cette phrase sans cesse à sa conjointe Nadine. Il voulait faire rire ses amis. C’est tout. Toutefois, la vidéo de l’évènement est diffusée sur YouTube et est visionnée presque 200 000 fois. L’incident prend de l’ampleur et Cédric perd son emploi chez Hydro-Québec. Son frère Jean-Michel décide donc de l’aider à écrire une lettre d’excuses qui se transforme vite en projet bien plus grand. Les deux hommes choisissent de créer un livre qu’ils désirent intituler Sexist Story. Pendant ce temps-là, Nadine tente de reconstruire sa confiance en soi avec la nouvelle baby-sitter, Amy.

Une fiction? Non, pas tant que ça!

L’auteure, Catherine Léger, a créé une pièce de théâtre drôle, poignante et totalement déroutante. Elle met au centre de sa pièce un évènement qui aurait très bien pu se dérouler hier soir aux nouvelles de 18 h. Si on remonte dans le temps, il y a quelques mois à peine, on se remémore tout de suite l’incident qui est survenu à Valérie-Micaela Bain, journaliste pour Radio-Canada. Alors qu’elle parlait de la programmation du festival OSHEAGA devant des milliers de spectateurs attentifs dans leur salon, un homme l’a embrassée sur la joue. Rapidement, madame Bain a repoussé cet invité non désiré tout en lançant un « non » bien clair. Certaines personnes lui ont reproché d’avoir eu une réaction excessive, de ne pas avoir le sens de l’humour.

Catherine Léger a créé un texte dans lequel tous ces points sont remis en question, mais ça ne s’arrête pas là. Les questions sur la perception de la femme, sur le féminisme, sur le rôle de l’homme, sur la peur, sur la force et même sur la vulnérabilité fusent de partout. Steve Laplante, celui qui interprète Jean-Michel, a mentionné après la représentation que « l’auteure a voulu tirer de tous les bords [avec cette pièce] ». La mise en scène signée Philippe Lambert ajoute encore plus à cette impression que tellement de sujets restent à être abordés, que tellement de questions restent à être répondues. Les scènes sont courtes et s’enchainent à un rythme effréné avec un fond de musique électro.

Baby-sitter laisse les spectateurs bouche bée. Bouche bée devant l’excellent jeu des acteurs, bouche bée par chacun des mots prononcés, bouche bée par la finale absurde. Quand les lumières se sont rallumées, sous un tonnerre d’applaudissements, les spectateurs ont doucement fermé leur bouche et ont ouvert leur esprit aux discussions importantes que notre société doit avoir.


Crédit Photo ©  Theatre catfight

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