Par Benjamin Le Bonniec
Il venait de fêter ses soixante-neuf ans par la sortie d’un nouvel album. Ce Blackstar, 26e opus de David Bowie, figure d’ores et déjà dans les hauteurs d’une carrière aussi fructueuse qu’exceptionnelle. Avec cet album en guise de testament, Bowie a encore plus marqué l’histoire de la musique, lui qui était déjà considéré par nombre de ses pairs et par la critique internationale comme l’un des (si ce n’est le plus) artistes les plus influents du rock. Et cette influence est impressionnante à bien des égards, lui qui a su surprendre inlassablement en se renouvelant à chaque album. De Space Oddity (1969) à The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars (1972), pendant les années expérimentales de sa période berlinoise (Low, Heroes et Lodger) avec le succès planétaire des années 1980 avec Scary Monsters (1980), Let’s Dance (1983) jusqu’à Never Let Me Down (1987) ou lors de sa renaissance artistique avec 1. Outside (1995) et bien sûr lors de ces dernières années avec deux albums sortis de l’au-delà (The Next Day en 2013 et Blackstar cette année), le caméléon du rock a irrigué le rock et surtout la pop tout en formatant sa légende.
Quand notre rêve est de devenir critique musical, voir partir un artiste comme Bowie nous touche particulièrement. On se sent orphelin d’un homme qui a voué sa vie à la musique, qui nous a permis de succomber à la tentation. Le 10 janvier 2016, nous avons perdu l’un des plus grands artistes de tous les temps, l’homme a disparu laissant derrière lui un héritage musical incommensurable. Bowie a éclairé la musique comme une torche dans l’obscurité. Que seraient devenus sans lui les Lou Reed, Ian Curtis, Kurt Cobain, Marc Bolan, Roxy Music, Talking Heads, Gary Numan, Placebo, Muse, Tom Yorke et Radiohead, MGMT, Arcade Fire, et cætera, et cætera… La liste est tellement longue qu’il prendrait toute cette page pour en voir le bout. Éclectique, David Bowie a touché à tout, de la pop-folk au glam rock, du punk à la new wave, de la britpop à l’électropop, mais ce sont les années 1970 qui resteront à jamais comme l’une des plus belles ères de la musique moderne. Entre le rock et le folk des débuts, Bowie a migré vers le soul et le funk avant de s’essayer à l’expérimental et au rock progressif, tout cela à grandes enjambées, traversant la décennie sans embusque et à une vitesse folle en termes de progression artistique.
Quand on s’éloigne de l’aspect novateur de sa musique, de cet avant-gardisme à toute épreuve, David Bowie, c’est aussi l’art de la mise en scène allant même jusqu’à brouiller son identité sexuelle. Les concerts de Bowie étaient de véritables spectacles. Théâtrale, exubérantes et extravagantes, les performances scéniques des années glam comme des années MTV sont encore dans nos têtes. Sa surexploitation des médias et sa maîtrise de la communication sont aussi les points forts d’une carrière quasi parfaite. David Bowie a su s’imposer au monde comme il a su en disparaître quand il le voulait. Aujourd’hui, l’homme et l’artiste ne sont plus de ce monde, mais son empreinte reste indélébile, sa marque laissée dans l’histoire de la musique est si exceptionnelle que l’on se sent désormais reconnaissants. À l’heure des comptes et des bilans, évidemment que les rétrospectives sont nécessaires, mais on a surtout envie d’exprimer cette reconnaissance. The Man Who Sold The World, Space Oddity, Life on Mars?, Heroes, Let’s Dance, Lazarus et tant d’autres sonneront encore dans nos têtes et nos maisons, joueront encore à la radio ou dans nos lieux de débauche pour le faire vivre inlassablement. Merci, David!