Le GCIUS est en mission humanitaire au Malawi, en Afrique. Membre de l’équipe pour construire un centre d’hébergement pour jeunes filles du secondaire dans le villagede Liwonde, je vous parle de mon expérience, de mon projet ; mais surtout de la vie à des kilomètres de celle d’étudiante.
Par Caroline Boissonneau
Je suis assise devant mon écran d’ordinateur. Il est 7h30 du matin. Je me sens inspirée. Chet Faker se fait un plaisir de jouer dans mes oreilles. Le ventilateur me souffle dans le dos déjà suant. Il s’efforce à nous offrir une tentative de fraîcheur. Le vent est chaud, étouffant et poussiéreux. Quant à lui, le soleil reste fidèle à ses habitudes. Les rideaux de notre appartement d’adoption suivent ses rayons. De cette manière, on réussit à tempérer les pièces. La fenêtre m’offre une vue sur notre clôture de briques rouges. Elle est relativement en bon état. Une hauteur raisonnable. Un homme nous a dit à notre arrivée : « Malawi is safe. I have visited many countries, mostly in Africa and Europe. There is no such a place as Malawi. » Et puis, les gens nous mettent en garde contre les voleurs : « Vous devriez avoir un gardien en tout temps ». On s’interroge sur cette ironie.
Il y a une variété impressionnante d’arbres s’élevant dans la cour. On y retrouve des manguiers ; la tentation est forte et notre impatience grandit de jour en jour. Peut-être aurons-nous la chance de déguster un fruit avant notre retour. Je classifierais les autres arbres comme étant recouverts de pics pics (des piquants d’environ 5 cm de long et qui transpercent les semelles de nos souliers) et garnis de fruits inconnus (on ose croire que ce sont des fruits, mais il se peut fort bien que ça ne se mange pas).
Par ailleurs, les araignées, les petits lézards et les fourmis s’approprient notre logement. Les fourmis sont incroyablement tenaces. Elles n’ont qu’une envie : celle de s’immiscer par les nombreuses ouvertures non étanches de notre maison. Au matin, c’est toujours une nouvelle surprise de les retrouver dans l’évier de la cuisine, sur les rebords des fenêtres ou près de la porte d’entrée. Il y a toujours une quantité abominable de fourmis séchées dans la marre grouillante. Leur espérance de vie doit être d’environ 24 heures, tout au plus.
Voici donc mon environnement d’accueil, qui crée en moi une vague d’inspiration passagère.
Toute la nuit, la chaleur m’a plongée dans un sommeil endolori. Une transe qui mélangeait deux mondes. Deux provenances incompatibles. Dans mes rêves, je crois dur comme fer que je me rallie au continent américain. Mes valeurs, mes pensées, mes démarches sont innées. Un acquis que ni je ne questionne ni je ne confronte. « I come from Canada. From the province of Quebec, French is our first language and English our second », que je leur explique. Effectivement, il est primordial pour un Québécois de mentionner « the french part of Canada ». On en ressent une fierté, quesse tu veux.
Par contre, au réveil de mon délire, une réalité me fait face. L’autre continent. L’Afrique avec un grand A. C’est là, à ce moment précis, que je me lève et que j’entame ma routine. La vie est belle dans la routine. On ne questionne pas la routine, elle est là pour éviter de nous interroger. Je tiens à garder mes repères. L’ouverture n’est pas si facile. Les sautes d’humeur sont imprévisibles. Depuis notre arrivée, il y a tant de choses qu’on doit assimiler. Nous sommes des filtres dans lesquels le charbon est inactif. On gobe tout. Parfois, ça nous touche, d’autres fois ça nous choque. Ces émotions arrivent sans prévenir. Avec la routine, il se crée un genre de barrière. Une barricade en béton armé. Ça ferait mal d’y insérer la pioche.
Ce projet, du Groupe de collaboration internationale en ingénierie de l’Université de Sherbrooke, c’est une expérience enrichissante, un défi. C’est comme ça qu’on nous le décrit. Qu’on se l’imagine ou qu’on souhaite l’imaginer. C’est un projet d’envergure qui nous oblige à nous dépasser. Sous le soleil, le travail est difficile. La concentration nous demande beaucoup d’énergie. Nous travaillons sous pression. On doit terminer la construction du centre d’hébergement pour jeunes filles de l’école secondaire de Liwonde pour Noël. Un cadeau tombé du ciel. Donc, je me retrouve ici, au Malawi, après m’être investie dans ce projet de financement, de conception et de construction depuis maintenant plus d’un an. Je n’aurais jamais cru que cette expérience formatrice est également une thérapie.