Par Frédérique Maysenhoelder

À l’Université de Sherbrooke, la santé mentale des personnes étudiantes est au cœur des priorités. Bruno Collard, directeur de la section psychologie et orientation aux Services à la vie étudiante, coordonne trois équipes au sein des secteurs de la psychologie, de l’orientation professionnelle et de l’intervention psychosociale. Leur mission : offrir un soutien adapté à la réalité étudiante, dans un cadre à court terme, mais efficace.
Les problématiques les plus fréquentes pour lesquelles les étudiants consultent ne sont pas nouvelles. « Les enjeux d’anxiété et de dépression, ça fait longtemps que c’est comme ça, même avant la pandémie », explique Bruno Collard. L’anxiété, notamment, touche une grande partie de la population étudiante, mais ne devient problématique que lorsqu’elle affecte leur capacité à fonctionner.
Des enjeux de santé mentale bien identifiés
« L’anxiété fait vraiment partie de la vie, elle a une fonction adaptative. Mais quand ça devient tellement présent qu’on ne mange plus, qu’on ne dort plus, qu’on ne va plus à nos cours, qu’on hésite à aller dans les interactions sociales… c’est là qu’on parle davantage de trouble anxieux », souligne-t-il.
Quant à la dépression, elle peut être exacerbée par le contexte universitaire. « Le début de l’âge adulte est une période de bouleversements. Et comme 85 % de nos étudiants ne viennent pas de Sherbrooke, il y a souvent une perte de repères. Le soutien social est pourtant le meilleur facteur de protection. »
L’isolement, un facteur aggravant
« L’isolement est un problème, c’est le principal vecteur de la détresse psychologique », affirme Bruno Collard. Selon lui, c’est une réaction naturelle : « Quand on ne va pas bien, on a tendance à s’isoler. C’est rare que tu ailles crier sur tous les toits que tu ne vas pas bien. Mais malheureusement, on se prive de ce qui est le plus utile, les connexions avec les autres. »
Ce phénomène est amplifié chez les personnes étudiantes, notamment par l’omniprésence des réseaux sociaux. « Il y a des connexions moins spontanées et moins significatives qui se créent. La capacité à entrer en relation avec les autres a chuté un peu. »
Pour contrer cette tendance, l’Université met en place des moyens concrets : « On déploie des opportunités pour que les nouvelles générations d’étudiants aient accès à du soutien social plus facilement. » Il cite des initiatives comme les aides à la vie étudiante, les cuisines collectives (à venir à l’automne 2025), le village UdeS, les centres d’entraide à l’étude par les pairs, les ateliers, les conférences et la veille téléphonique par les pairs ainsi que la Pair-Mission, parmi bien d’autres.
Un service psychologique à court terme, mais structuré
Le service de psychologie de l’Université offre des suivis de huit rencontres. « Même si c’est du court terme, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire », affirme M. Collard. Le service vise à outiller les membres de la communauté étudiante pour qu’ils poursuivent leurs études sans compromettre leur bien-être, mais il ne prend pas en charge les suivis de longue durée.
En cas de problématiques plus sévères, la population étudiante peut être orientée vers des ressources externes, dans le réseau de la santé ou au privé.
Une solution rapide : les consultations ponctuelles
Pour pallier le délai d’attente de six à huit semaines pour obtenir un suivi complet, des consultations psychologiques ponctuelles sont disponibles chaque semaine. « On en offre entre 12 et 16 par semaine. Ça permet de rencontrer quelqu’un en quelques jours, d’évaluer la situation et d’identifier des pistes de solution », explique le directeur.
Même si le service ne se définit pas comme une clinique de crise, une intervention rapide est possible. « Il y a toujours quelqu’un de garde. On peut faire une évaluation rapide de l’état de la personne en crise et la rediriger vers les bonnes ressources. »
Une équipe psychosociale pour les situations complexes
Depuis quelques années, une équipe d’intervention psychosociale a été mise en place pour accompagner les personnes étudiantes vivant des problématiques multiples : conflits relationnels, enjeux financiers, consommation, isolement, etc.
« On accompagne la personne à reprendre du pouvoir sur sa vie. » Cette équipe, composée de travailleurs sociaux, psychoéducateurs et d’une ergothérapeute spécialisée auprès des étudiants internationaux, en collaboration avec USherbrooke International, vise aussi à aider l’ensemble de la communauté universitaire à mettre sur pied et soutenir des initiatives dans les facultés.
L’orientation scolaire et professionnelle : accompagner les choix
En parallèle, les conseillers d’orientation soutiennent les étudiants dans leur démarche de choix de carrière et de vocation, de réorientation ou en situation difficile, comme une probation ou une exclusion. « Ce sont des périodes délicates, mais l’accompagnement adéquat permet d’y voir plus clair », affirme M. Collard. Des guides pratiques ont été conçus pour outiller les étudiants dans ces moments charnières. Ils mettent aussi à la disposition des personnes étudiantes de nombreux guides d’information scolaire et professionnelle afin d’y voir plus clair dans certains domaines et programmes.
Accessibilité financière : des barrières levées
Même si les services de psychologie comportent des frais, ils sont couverts par l’assurance collective étudiante. « On facture ce qui est couvert, et la personne peut faire une réclamation. Il ne faut pas s’empêcher de consulter pour des raisons financières », rassure M. Collard. Des ententes de paiement ou des aides comme la Fondation Force peuvent aussi être mobilisées.
Une équipe grandissante, mais la demande reste forte
Aujourd’hui, le service compte près de 30 professionnels, dont 12 à 15 psychologues, 6 conseillers en orientation et 4 conseillers en psychoéducation. « Quand je suis arrivé il y a six ans, on était une vingtaine. À travers la pandémie, on a bonifié notre effectif. On a une équipe variée et une belle capacité de prestation », se réjouit Bruno Collard.
Mais il nuance : « Bien sûr, si 100 % des gens qui avaient besoin d’aide faisaient une demande, on ne suffirait peut-être pas à la tâche actuellement, mais je me réjouis de constater que les personnes étudiantes se manifestent de plus en plus par rapport aux enjeux de santé mentale qu’elles vivent. C’est une excellente chose. Le stigma est moins fort. Ce n’est pas nécessairement que les problèmes sont plus présents qu’avant, mais que les étudiants s’autorisent davantage à en parler. »
Source : Université de Sherbrooke