Par Samuel Chouinard
La première chose que je lui ai demandée, c’est l’établissement dans lequel elle s’était inscrite, j’espérais à un point tel qu’elle ne soit juste pas à mon école… T’imagines, au cégep avec tes amis, ta petite vie, ton environnement et ta mère!? Le personnage fit pas dans le décor, du moins c’est ce que je me disais au début.
Ma mère est retournée aux études après avoir quitté les bancs d’école il y avait de cela dix-sept ans, une accumulation de différents boulots et deux enfants. Je ne me voyais vraiment pas partager un casier avec celle qui faisait mon lavage et qui laisserait probablement une photo de moi dans ce même casier, juste au cas où elle s’ennuierait de moi… La gêne que je m’imaginais vivre déjà, mais j’ai décidé de lui laisser une chance, c’est ma mère après tout. Je me rappellerai toujours le retour de sa première journée dans sa nouvelle vie d’étudiante en soins infirmiers. Elle me dit, le sourire fendu jusqu’aux oreilles : « Quand je suis entrée dans ma classe ce matin, tout le monde a arrêté de parler, ils croyaient que j’étais le professeur! » Son enthousiasme évident et l’énergie qui l’animait n’ont pu que me convaincre que tous les sacrifices que je la voyais faire depuis des mois l’ont menée à trouver un défi qui la faisait vivre.
C’est alors que j’ai pris le temps de m’arrêter un instant, de regarder ma mère, qui évoluait alors dans le même environnement que moi, et ce n’était pas si mal. J’en étais même plutôt fier de ma mère, mon sentiment a évolué au fil du temps qui passait, puis j’ai été accepté à l’université et la coupure s’est faite. Je ne voyais plus la présence de ma mère au cégep comme une situation étrange, mais ô combien je l’admirais de l’humilité dont elle avait fait preuve. Certes je me voyais bien inconfortable dans cette situation avec ma mère, mais je ne m’étais jamais arrêté pour me demander comment elle le vivait. C’est un pas de faire le choix de retourner à l’école, mais ç’en est un autre de se retrouver chaque matin en présence d’autres étudiants de l’âge de son propre fils.
Elle vivait au travers de mon cercle social et de mes amis, autant j’en vivais un désagrément, autant il était bien présent pour elle aussi qui ne se sentait pas à sa place. Malgré les appréhensions auxquelles j’ai fait face et les sentiments contradictoires qui se sont bousculés, je dois avouer que j’ai beaucoup appris de cette expérience. L’humilité, le courage et la persévérance sont trois valeurs tellement importantes dans la vie, je peux être fier de proclamer que ma mère les possède toutes. C’est une grande chose de trouver ce que l’on veut faire dans la vie, devant la panoplie de choix que l’on nous propose, mais à mes yeux, il est encore plus remarquable de s’avouer à soi-même qu’il faut changer de domaine pour soi.