Par Félix-Antoine Bourque et Samuel Cartier du programme pro bono

Lorsqu’on est jeune, c’est facile de voir le monde sous un axe binaire (noir ou blanc). Si tu es bon en maths, tu prends chimie-physique au secondaire, tu t’inscris en sciences de la nature au cégep et tu fais un bac dans un domaine scientifique quelconque : l’ingénierie, la biochimie, l’informatique, etc.
Et ce n’est pas une mauvaise chose ; pas du tout. Pour la plupart des gens, c’est exactement ce dont ils avaient envie de faire dans la vie.
Mais…
Pour d’autres, ce n’est pas nécessairement le cas. C’est possible de réaliser plus tard dans notre parcours que de faire un métier purement scientifique n’est pas l’option pour nous.
C’est la raison pour laquelle nous vous faisons découvrir un métier méconnu, celui d’agent de brevet. Louis Dubé-Riopel, agent de brevet chez la grande firme d’avocats Norton Rose Fulbright, possède un baccalauréat et une maîtrise en ingénierie de la Polytechnique à Montréal.
« J’ai su seulement à la maîtrise que je voulais devenir agent de brevet. Ma conjointe était en droit. J’étais ami avec ses amis et j’ai pu voir que c’était un domaine très intéressant. D’autant plus, lorsqu’on est à la maîtrise en ingénierie, on entre souvent en contact avec le monde des brevets », explique Louis Dubé-Riopel, ajoutant que ses collègues en sciences ne savaient pas nécessairement qu’un tel métier existait.
Le brevet entre en jeu lorsqu’on apporte quelque chose de nouveau, utile et inventif dans une invention quelconque. « Ça prend absolument les trois critères. L’objectif d’un système de brevet est de récompenser les inventeurs tout en permettant à la société de bénéficier du meilleur savoir possible. »
En effet, sans système de brevet efficace, les inventeurs auraient tout intérêt à ne pas divulguer leurs connaissances au public afin de pouvoir profiter à eux-seuls de leurs contributions. On aurait une économie très hermétique où le savoir et les connaissances ne voyageraient pas aussi rapidement. Tout cela n’aurait rien d’optimal.
« Ce que le brevet valide apporte à un inventeur, c’est la capacité de recourir à des dommages et intérêts lorsqu’on aperçoit une contrefaçon du brevet. On parle de contrefaçon lorsqu’on fabrique, utilise ou vend une invention brevetée sans la permission dans un pays qui a accordé un brevet. Et oui, un brevet est seulement valide dans le pays qui l’a accordé. Ça veut dire qu’on doit obtenir un brevet dans tous les pays où l’on souhaite bénéficier de cette protection », souligne M. Dubé-Riopel.
Droit ou science ?
L’agent de brevet trouve compliqué d’expliquer s’il exerce plus le droit ou la science dans son métier. « D’abord, il y a tout l’aspect relationnel, qui n’est ni du droit, ni de la science. Mais ça prend une place importante. Sinon je dirais que le gros du travail c’est principalement du droit. Le rôle de l’agent de brevet est de procurer une protection juridique à nos clients. Mais ce n’est pas du droit que n’importe quel avocat peut pratiquer, parce que ça nécessite un niveau de connaissance scientifique très poussé pour pouvoir comprendre les besoins de nos clients. L’agent de brevet doit donc être extrêmement polyvalent. C’est très rare qu’on trouve un travail où c’est autant le cas. »
Alors comment faire pour devenir agent de brevet ? Il faut passer l’examen du Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce (CABAMC). « C’est un examen en plusieurs parties très exigeant. Mais avant même de faire l’examen, il faut être sous la supervision d’un agent de brevet pendant deux ans. »
M. Dubé-Riopel explique que le tout peut se dérouler dans un cabinet d’avocats, dans une firme d’agents de brevet ou dans une firme qui combine les deux. « Quand on arrive du milieu scientifique, il y a certainement une période d’adaptation importante. Il faut persévérer. Une fois passé par-dessus, on finit par y arriver! »
Passer le barreau peut être un atout majeur au métier puisque les agents de brevet qui sont aussi avocats peuvent donner des conseils ou des opinions juridiques sur des sujets entourant les brevets, ce qui est utile pour aider à bâtir des entreprises. Quant à l’agent de brevet, il pourra donner des opinions spécifiquement sur les brevets. « Personnellement, je ne vois pas le besoin de faire le barreau. Il y a en masse de travail! »
Louis Dubé-Riopel insiste sur le fait que le métier est stimulant. « Ça fait travailler ton cerveau de plein de façons différentes et ce n’est jamais pareil. Les clients nous apportent des choses tellement variées à breveter. On fait souvent face à des nouveaux problèmes. Le métier n’est certainement pas pour tout le monde, mais si une personne a le profil nécessaire, je recommande. »
Crédits : Olivier Le Moal