Bar sur le campus : mythe ou réalité ? 

Par Justine Danis 

Avez-vous déjà entendu parler du Kudsak ? Ou du Bahut ? Ou même de l’Antre II ? Ces noms ont tous été attribués à des bars, mais pas n’importe lesquels. Imaginez-vous, après un cours, avoir l’opportunité de siroter une bière à même le campus, à l’intérieur ou sur une terrasse. Il y a quelques années, c’était bel et bien possible. 

Eh oui, il y a de ça 20 ans, il avait un bar sur le campus. Si vous ne l’avez pas connu, voici tout ce que vous devez savoir. Si vous l’avez connu voici une belle façon de vous remémorer ces belles années. 

Une histoire rapide des quarante dernières années 

Le premier bar est arrivé en 1963 sur le campus. Il s’agissait du Tombeau de BACUS, soit l’acronyme de Boîte à chanson de l’UdeS. Depuis ce temps-là, il y a eu du mouvement quant à la gestion de ce fameux bar, selon un article d’Urbania. Le BACUS a été en fonction jusqu’en 1968. Par la suite, l’Antre II a repris le flambeau jusqu’en 1976. Bien que le bar eût auparavant davantage une fonction de petites bières entre amis, c’est l’arrivée du Bahut, en 1977, qui amena une ambiance plus festive. Après un accident impliquant des flammes, en 1998, le Bahut a cessé ses activités. 

Frédéric Chevalier, gérant du Bahut à cette époque, n’avait pas dit son dernier mot. Après les rénovations, la FEUS, qui était déjà locataire, n’était plus intéressée à s’occuper de la gestion d’un bar, comme elle le faisait préalablement avec le Bahut. Elle était donc à la recherche d’une firme externe pour reprendre cette gestion. C’est à ce moment que Frédéric a vu une opportunité. Il a créé et incorporé son entreprise de gestion pour conserver la pérennité du bar sur le campus. Il a travaillé en partenariat avec deux autres personnes qui se sont finalement retirées du processus. 

Lors de la rentrée 1998, Frédéric Chevalier et son équipe avaient organisé une activité pour annoncer à la communauté étudiante que le bar revenait bel et bien sur le campus. Ainsi, ils ont fait participer la communauté étudiante pour trouver le nouveau nom de celui-ci. En janvier 1999, Kudsak est né. Tout se passait dans le local habité aujourd’hui par l’École de musique. Avant les rénovations des locaux de musique, on retrouvait une piste de danse, un bar et même une terrasse (on peut encore apercevoir les vestiges des dalles de béton à l’extérieur). 

La gestion d’un bar n’était pas de tout repos, confie Frédéric Chevalier. « Je courais comme un malade, je gérais le personnel, les inventaires, les achats et les partys étudiants organisés au bar. » Rapidement, la sœur de Frédéric est venue lui prêter main-forte, achetant elle-même quelques parts de l’entreprise. Elle s’occupait plus précisément du restaurant dans le bar, le Sens Unique, resto où les nachos étaient adorés de tous. 

En 2004, Frédéric Chevalier a décidé de passer une partie du flambeau. C’est David Gagné et David Tétreault qui ont repris principalement la gestion du bar. « Deux jeunes qui ont pris la relève, et qui ont amené le bar à un autre niveau. … Ils ont amené une vision plus jeune, plus dynamique. » Les deux David ont réussi de grands exploits à cette époque, puisque le Kudsak était considéré comme un des plus grands bars en Estrie. 

Pourquoi une fermeture ? 

Le bar a été victime de sa popularité et de son succès. Un mercredi hivernal, la police a effectué une descente, selon les dires de Frédéric. Cette soirée-là, les policiers ont dénombré environ 795 personnes à l’intérieur du bar. « Moi, je n’y étais pas, mais mes partenaires oui […] et c’est physiquement impossible », confie-t-il. À noter que le nombre maximum de clients était de 304 personnes. Cependant, Frédéric indiquait que la police pouvait tolérer jusqu’à 450 personnes, car il avait une plus grande marge de manœuvre en termes d’évacuation. De ce fait, une amende a été donnée à la suite de cette descente. 

Sept jours plus tard, Frédéric ne prend pas de risque et s’installe à la porte. Possédant une carrure imposante et plus de 10 ans d’expérience dans l’industrie des bars, il sait qu’il va avoir un bon contrôle de l’entrée. Encore une fois, plusieurs voitures de police ont débarqué. 

Les forces de l’ordre et le doorman ne sont pas arrivés à s’entendre sur le nombre exact de personnes à l’intérieur. Les policiers comptabilisaient près de 625 personnes, tandis que les compteurs de Frédéric indiquaient autre chose. Selon lui, leur technique de dénombrement était réfutable : « Ils divisaient le bar en quatre sections, et en équipe de deux, ils comptaient tout le monde qui passait devant, mais les gens, eux, se promenaient dans le bar. » Les clients pouvaient donc être calculés plus d’une fois, selon lui. Alors, de bonne foi, ce soir-là, les propriétaires ont décidé de vider le bar jusqu’à un nombre adéquat de personnes pour les autorités. C’était alors une deuxième amende au dossier du bar, bien que les propriétaires auraient voulu la contester. 

En revanche, deux amendes en deux semaines ont rendu le rectorat plus froid quant au renouvellement de bail, bien que les propriétaires aient essayé d’expliquer leur version de l’histoire. 

Une rencontre entre les propriétaires du Kudsak et d’autres acteurs clés, comme le rectorat et la Fédération étudiante de l’Université de Sherbrooke a donc eu lieu. L’objectif de cette réunion était de limiter la capacité des soirées très fréquentées à 304 personnes pour éviter les débordements et les interventions de la police. En vain, ce nombre maximal de clients ne permettait pas une rentabilité au bar, selon Frédéric Chevalier. 

« Moi, ma philosophie était qu’il reste ouvert les sept jours pour être un service étudiant. Même si le dimanche soir, il y a 10 personnes dans le bar et que ce n’est pas rentable, le bar est un lieu de rencontre alors on le gardait ouvert. » 

N’ayant pas resigné le bail, les hommes d’affaires ont décidé de déménager à l’emplacement actuel du Refuge des brasseurs. Malgré tout, Frédéric Chevalier s’est retiré quelques temps après le déménagement. D’autres péripéties se sont présentées sur le chemin menant à la faillite. De fil en aiguille, cet endroit est devenu ce qu’il est aujourd’hui, ayant été racheté par d’autres anciens étudiants passionnés de la bière. 

« Sauvez votre bar universitaire » 

Véronique Maltais, une ancienne employée du Kudsak, a mis l’accent sur l’aspect rassembleur du bar. Elle l’a qualifié d’« esprit de famille », car la clientèle était presque exclusivement composée d’étudiants. « Les bars étudiants, c’est un esprit festif, joyeux, respectueux. On est tous à la même place, tous des étudiants. On se sentait bien en entrant », confie-t-elle. Le bar c’était plus qu’un emploi de punch in, punch out, les employés étaient vraiment impliqués dans l’organisation. Ils faisaient régulièrement du bénévolat afin de promouvoir les activités du Kudsak. Pour Mme Maltais, la fermeture du bar est une immense perte pour le campus et pour la vie étudiante. 

Il y a tout de même eu des mobilisations pour sauver le bar. On ne parlait pas de sauver le Kudsak, mais bien l’opportunité d’avoir un lieu de rencontre à même le campus. Frédéric Chevalier confie qu’il a voulu vendre son fonds de commerce, le qualifiant de bon deal, à la Fédération étudiante de l’Université de Sherbrooke afin de préserver ce service à la population étudiante. 

Les manifestations contre le fermeture du bar le KudsaK fait la une du Collectif le 1er avril 2006.

Des manifestations ont eu lieu sur le campus. Par la suite, ont eu lieu de nombreux pourparlers pour ouvrir un lieu semblable sur le territoire universitaire avec une formule différente. Comme on peut le constater aujourd’hui, ces idées n’ont jamais abouti. 

Les pancartes faites lors des manifestations en 2006 pour conserver l’ouverture du bar.

Des retombées qui manquent 

Le Kudsak n’était pas seulement qu’un lieu où rencontrer des gens du campus. Le bar avait de réelles retombées économiques intéressantes pour le campus, autant en termes d’emplois, qu’en termes de ristourne aux associations. En effet, le bar permettait d’offrir 50 emplois étudiants. 

Actuellement, les associations ou les regroupements de l’université font souvent des partenariats avec des bars du centre-ville, mais auparavant, ces opportunités se faisaient avec le bar du campus. Le fonctionnement était bien simple : les jeudis, les associations étudiantes avaient comme objectif de vendre des billets, ce qui permettait aux acheteurs d’entrer dans le bar. Une petite partie de la somme du billet revenait à l’association et l’autre, au bar, ce qui participait activement à la vie étudiante. 

Chaque année, des retrouvailles sont organisées à la mémoire de Kudsak. Les anciens employés sont donc invités dans une loge du Vert & Or, louée pour cette occasion. Véronique Maltais confie que, 20 ans plus tard, la chimie est toujours aussi présente au sein de l’équipe retraitée du monde des bars. 

Des étudiants sur la grande terrasse profitant d’un verre.

Est-ce qu’un jour, le campus de l’Université de Sherbrooke pourrait revoir un lieu de rencontre comme le Kudsak ? 


Crédits : Philippe Darveau

Justine Danis
Cheffe de pupitre CAMPUS at Journal Le Collectif  campus.lecollectif@USherbrooke.ca   More Posts

Dynamique et avide de nouvelles aventures, elle plonge avec enthousiasme dans le Collectif en tant que cheffe de pupitre pour la section Campus. Grande passionnée de la vie universitaire, ce poste est pour elle l’occasion rêvée. Après avoir gradué au baccalauréat en science politique, elle entame une maîtrise en communication marketing, afin d’enrichir son expérience acquise dans le secteur municipal. Elle saura mettre en lumière l’Université de Sherbrooke, en romantisant ou en démontrant la réalité du campus d'une manière unique et captivante. Vous découvrirez le campus comme vous ne l'avez jamais vu. 

 

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