Jeu. Mai 23rd, 2024

Par Sarah Gendreau Simoneau 

Le 6 mai de chaque année est soulignée la Journée internationale sans diète, d’où provient la Semaine sans diète qui se déroulera du 6 au 10 mai 2024. Cependant, avec la montée en popularité de certains réseaux sociaux, notamment Instagram et TikTok, est-ce que cette journée passe alors inaperçue compte tenu des publications qui font la promotion du corps parfait, de l’entraînement excessif et des régimes restrictifs?  

La Journée internationale sans diète a été mise sur pied en 1992 par Mary Evans Young, une Britannique qui dénonçait notamment l’inefficacité des régimes amaigrissants et les dangers liés à l’obsession de la minceur. 

Aujourd’hui, est-ce que les réseaux sociaux peuvent déclencher, ou du moins, exacerber les troubles alimentaires notamment chez les jeunes qui adoptent des comportements alimentaires malsains pour correspondre aux idéaux de beauté présents sur les réseaux?  

La professeure au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal, Patricia J. Conrod, explique qu’en effet, les réseaux sociaux ont un effet direct sur l’estime de soi et les symptômes de trouble alimentaire. « Plus un adolescent sera exposé à des images faisant la promotion d’idéaux corporels irréalistes comme la minceur, plus il risquera de s’inquiéter de sa propre apparence et de son poids », pouvait-on lire dans Le Devoir, en décembre dernier. 

« Les réseaux sociaux peuvent assurément contribuer au développement d’un trouble alimentaire, mais ils ne peuvent pas le déclencher », nuance Isabelle Thibault, professeure en psychoéducation et experte en troubles des conduites alimentaires. Les troubles du comportement alimentaire (TCA) comme l’anorexie ou la boulimie, qui sont les plus fréquents chez les personnes adolescentes et les jeunes adultes, s’inscrivent dans une vision multifactorielle. C’est donc dire que si quelqu’un vit avec un trouble alimentaire, ce dernier est causé par un ensemble de facteurs de risque.  

Facteurs aggravants 

Isabelle Thibault, dans un article relayé par l’Université de Sherbrooke, explique que les facteurs de risque sont divisés en trois groupes. On y retrouve les facteurs prédisposants qui font référence aux caractéristiques personnelles, telles que la faible estime de soi, le perfectionnisme, l’anxiété, ou le sentiment de performance encouragé dans la famille, par exemple. Les facteurs précipitants, quant à eux, correspondent souvent aux événements stressants qu’une personne vit difficilement comme l’entrée à l’université, l’intimidation, les relations amoureuses ou le deuil, par exemple. 

Les facteurs de maintien, d’ordre métabolique, apparaissent quand des modifications dans les habitudes alimentaires ont été entreprises. C’est là que le corps entre dans un état de privation alimentaire et que des pensées obsessionnelles peuvent surgir. À ce moment, la personne aux prises avec ces pensées intrusives et un corps sous-alimenté devient plus sensible aux contenus liés à l’apparence et à l’alimentation sur les réseaux sociaux. Mme Thibault confirme alors que ces derniers participent au maintien des troubles alimentaires. 

Elle mentionne cependant que « la consultation de ces types de contenu n’est pas suffisante si le trouble alimentaire n’est pas déjà installé. Des études ont démontré des liens entre l’utilisation des médias sociaux et des pensées anxieuses ou dépressives. Comme pour les troubles de conduite alimentaire, on observe le maintien de l’attention de la personne et la contribution de ses pensées envahissantes pour des contenus qui font référence à la maladie ».  

C’est sûr que les algorithmes y sont également pour quelque chose. Plus on regarde des publications qui prônent la restriction alimentaire, plus on suit des comptes de gens qui s’entraînent à outrance, plus on sera entraîné dans cette boucle sans fin de l’influence malsaine. 

Et l’inverse?  

Et si les réseaux sociaux pouvaient aussi aider à lutter contre les troubles alimentaires? C’est ce qu’essaie de faire le groupe ÉquiLibre en faisant la promotion de la Journée internationale sans diète à longueur d’année, ainsi que d’autres regroupements auxquels plusieurs personnalités publiques s’allient.  

Johana Monthuy-Blanc, responsable du groupe de recherche Loricorps de l’Université du Québec à Trois-Rivières, se spécialise dans l’intervention auprès des patients qui connaissent leurs premiers épisodes de troubles alimentaires et est convaincue que les outils numériques peuvent contrer ces troubles. 

« On veut les attraper dès le début, ces patients, car seulement une personne sur deux ressort d’une hospitalisation sans y retourner », explique-t-elle. Loricorps, en 2018, a lancé l’application Intervenant de poche, qui vise à outiller les gens souffrant d’un trouble du comportement alimentaire ou risquant d’en développer un. Ça leur a permis de proposer un programme de recherche-intervention et la mise au point d’un outil de santé virtuelle qui sert à évaluer la perception de l’image corporelle.  

Mme Monthuy-Blanc explique qu’« un corps du plus fin au plus arrondi est projeté et la personne doit désigner celui qui lui ressemble et celui auquel elle aimerait ressembler ». Le problème sous-jacent est alors précisé, donc la méthode d’intervention sera plus facile à cibler.  

Se servir de son vécu 

Un autre aspect positif des réseaux sociaux dans ce type de problème c’est que des gens ayant eu des troubles du comportement alimentaire se servent d’Instagram, par exemple, pour partager leur vécu, souvent avec humour et légèreté, mais en abordant les vraies choses comme la diversité corporelle, la grossophobie médicale, l’importance de ne pas commenter l’apparence des autres, etc. C’est le cas de Jessica Brodeur, 35 ans, qui a traversé cinq ans de troubles, passant de l’orthorexie (l’obsession de manger sainement), à la bigorexie (l’impression de n’être jamais assez musclé), et l’hyperphagie (les compulsions alimentaires, mais sans méthodes compensatoires).  

« Ce qui se cache derrière les photos de moi “avant”, c’est beaucoup de détresse, de mal-être et d’émotions désagréables, confie-t-elle à La Presse. Et l’après, c’est moi qui suis plus heureuse et plus en santé que jamais. » 

« Même si tu vis dans un corps qui est plus gros que le corps standard, tu n’as pas besoin de le changer, et tu as le droit de vivre une vie heureuse, tu as la même valeur comme personne », croit celle qui a gagné, il y a quelques semaines, le prix ÉquiLibre. Jessica Brodeur est d’ailleurs l’autrice du livre Le corps que j’ai maintenant, récit des troubles alimentaires qui ont longtemps contrôlé sa vie. 


Source: IStock

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Rédactrice en chef et directrice générale, auparavant cheffe de pupitre SPORT ET BIEN-ÊTRE pour le journal Le Collectif | Site web

Passionnée par tout ce qui touche les médias, pas surprenant que Sarah tripe autant sur ses cours du bac en communication, lorsqu'elle fait de la radio à CFAK et lorsqu'elle écrit des articles pour Le Collectif. Dans l'équipe du journal depuis mai 2021, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l'Université de Sherbrooke.

Le sport et le bien-être sont, selon elle, indispensables à la société. Elle s'efforce donc, avec sa curiosité légendaire, de dénicher les meilleurs sujets sportifs pour vous!

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